mercredi 28 août 2013

D'une côte à l'autre


L'avantage avec une presqu'île comme celle du Cotentin, c'est qu'avec peu de kilomètres, en basculant côté Est ou côté Ouest, en montant au Nord ou en descendant au Sud, on change complètement de littoral : les plages deviennent des falaises, les galets se transforment en rochers, le sable laisse place au schorre, le granit rose se métamorphose en schiste bleu...

Marée haute sur la côte Est, entre Carentan et Saint-Vaast-La-Hougue.
Le sol limoneux est presque totalement submergé, seuls restent découverts quelques îlots.

Du coup, même quand la marée n'est pas au plus bas, il y a toujours des choses à trouver sur le rivage, en particulier lorsque celui-ci borde des étendues limoneuses (voire vaseuses) de schorre comme c'est le cas sur la côte Est entre Saint-Vaast et Carentan. Sur les îlots végétaux que seules des grandes marées comme celles de la semaine dernière sont capables d'atteindre, poussent trois ou quatre plantes halophiles comestibles très intéressantes... On pourrait même en dénicher un peu plus en cherchant attentivement.

Elles sont presque toutes sur cette photo :
L'obione (halimione portulacoides) avec ses feuilles argentées ; la salicorne (genre salicornia) et ses branches tendres et juteuses ; l'aster maritime (aster tripolium) aux feuilles en "oreille de cochon" (une seule sur la photo, mais c'est la plus visible) ; et enfin, en arrière-plan, les feuilles fines mais charnues de la soude maritime (suaeda maritima).

Les fleurs au cœur doré entouré de pétales bleutés de l'aster maritime (aster tripolium) sont vraiment en retard. L'an dernier, à la même époque, elles étaient déjà fanées alors que cette année, les boutons ne sont pas encore éclos. Quoi qu'il en soit, que la plante ait monté ou non, que ses fleurs soient passées ou pas, les feuilles restent comestible et dénuées d'amertume. Avec l'age, elles risquent juste d'être un peu plus coriaces.
Attention : espèce protégée localement.

La soude maritime (suaeda maritima), elle, est à peu près dans les temps.
Du coup, elle est maintenant devenue un peu trop ligneuse à mon goût pour être encore utilisée.

Quant à la salicorne (probablement salicornia europaea), les segments bas sont devenus totalement ligneux. Mais les segments sommitaux ainsi que les ramures sont restés bien tendres. Un truc pour savoir s'ils sont encore exploitables : ils doivent casser net lorsqu'on les pinces légèrement entre deux doigts tout en les soumettant à la fois à une flexion et une traction.
Attention : espèce protégée localement.

Au moment de passer en cuisine, ce sont les crabes rescapés du billet précédent qui ont dicté la recette qui suit...

Chair de crabes aux halophiles de la Manche


Ingrédients (entrée pour 4)
  • Quelques crabes (quantité à ajuster selon l'espèce et la taille, pour un poids d'environ 400g)
  • Une poignée de belles feuilles d'aster maritime, pas trop grandes, mais avec un long pétiole (queue)
  • Deux poignées de salicorne
  • Mayonnaise (je ne met pas la recette, mais c'est quand même mieux quand on la fait maison, mais ici, ce sera sans sel, les halophiles en apportant déjà suffisament)
Préparation :
  • Cuire les crabes en les plongeant quelques minutes dans de l'eau bouillante
  • Les décortiquer et récupérer un maximum de chair (ne pas jeter les restes qui peuvent être utilisés pour préparer un fumet)
  • Bien laver les plantes (elles sont utilisées crues dans cette recette)
  • Récupérer les pétioles des feuilles d'aster et les hacher finement
  • Les mélanger avec deux cuillères à soupe de mayonnaise et la moitié de la chair des crabes
  • Répartir ce mélange en le posant sur chacune des feuilles d'aster pour former autant de bouchées
  • Le reste de la chair peut ensuite être servi tel-quel avec la salicorne (voir la photo pour une suggestion de présentation)

Crues, la salicorne et l'aster maritime sont encore plus savoureuses, et surtout, elles ne neutralisent pas le goût du crabe. Avec un petit blanc sec ou un cidre bouché pour rester régional, c'est tout simplement excellent !

lundi 26 août 2013

Faute de grives ...

Mes congés d'été finis depuis une semaine, mais l'esprit encore en vacances, les deux jours de grande marée qui précédaient le week-end dernier m'ont servi de prétexte à une petite prolongation improvisée. Il faut dire que l'année n'est pas très favorables à de très gros coefficients et que ces deux jours allaient voir les plus gros de l'année (109).

Avec des coefficients aussi élevés, l'eau de retire loin et découvre des rochers qui prennent rarement l'air. Le plus intéressant ici, ce sont les flaques et les cavités dans lesquelles crabes et homards se réfugient.

Comme j'attendais une telle occasion pour tester un coin où selon les dires de certains il serait possible de capturer des homards, ma destination était toute trouvée. Direction donc la Manche avec la ferme intention de ramener au moins un de ces jolis crustacés à l'armure bleutée.

Loin d'être le seul sur place, l'étendue découverte par la marée basse suffit largement pour qu'aucun des pêcheurs à pied n'ait à empiéter sur le "territoire" de l'autre.
Tourteau (cancer pagurus) ou crabe dormeur. Difficile à dénicher, il est
par contre beaucoup moins vif que la plupart des autres crustacés et est
donc plus facile à attraper. Mais il faut se méfier, car il compense cette
faiblesse  par une grande force, en particulier dans ses pinces !
Beaucoup sont équipés d'un crochet, ce qui au moins confirme la présence sur place de gros crustacés. De mon côté, je me contente de soulever les gros cailloux (en prenant bien soin à chaque fois de les remettre en place, afin de protéger toutes les petites "bébettes" visibles ou non qui s'y abritent). Jusqu'à présent, cette technique me réussissait pour trouver au moins des tourteaux et ça s'est confirmé. Seul problème (pour moi, pas pour eux) : aucun n'avait une carapace dont la largeur atteignait la taille minimum légale de 14 cm.

Malgré tout, j'ai quand même eu l'occasion d'apercevoir deux véritables homards malheureusement trop vifs pour que je puisse en capturer un, d'autant que n'ayant pas l'habitude, j'ai hésité un peu trop à y mettre les mains. De toute façon, ils étaient visiblement trop petits, eux aussi.

Et puis à un moment, à 5 ou 6 mètres devant moi, des reflets bleutés au milieu des algues attirent mon regard... J'ai d'abord pensé à un homard, mais en me rapprochant, j'ai découvert un magnifique poisson.

Grondin perlon (chelidonichthys lucerna). Parmi les nombreuses dénominations régionales pour ce poisson, le nom de "galinette" est mon préféré, mais c'est plutôt en Méditerranées qu'il est appelé ainsi.

Pas farouche du tout, il s'est laissé prendre en photo sous tous les angles. Mais au bout d'un moment, il a du prendre peur et a fait pivoté ses nageoires pour exposer une face terne beaucoup moins voyante. Il s'est éloigné pour se poser au fond et à commencé à se déplacer plus furtivement en utilisant comme des pattes 3 paires d'arrêtes proéminentes à l'avant ses nageoires.

J'ai dû un peu chercher pour savoir ce que c'était, mais j'ai finalement trouvé sur DORIS (site très intéressant pour qui s'intéresse aux espèces marines).

Grondin perlon, version "pile" (avec la face colorée de ses nageoire pectorales tournées vers le haut). On voit nettement les 3 paires de "pattes" à l'avant de ses nageoires. Il s'agit en fait d'arrêtes désolidarisées que le poisson utilise comme des membres lorsqu'il est posé sur le fond.
Le même, version "face" (avec la face colorée de ses nageoire pectorales tournées vers le bas), après que je me sois un peu trop approché de lui. La continuité entre les "pattes" et les nageoires est ici plus évidente.

Mais ce n'est pas en prenant des photos que je vais remplir mon panier. Quelques crabes verts et étrilles, cette fois-ci aux dimensions plus qu'acceptables, ont finalement daigné se montrer, de quoi faire une succulente soupe : faute de grive, on mange des merles...

Soupe aux crabes

Ingrédients (pour environ 1,5 litres de soupe environ) :
Etrille (necora puber).
Sa carapace velue et les reflets bleus de ses pinces
permettent de l'identifier rapidement. Comme pour la
plupart des crabes, en l'attrapant par les deux côtés de
sa carapace, les doigts restent hors de portée de ses
pinces.

  • Un bon kilo de merles "petits" crabes (crabes verts et/ou étrilles) bien lavés.
    Note : Si vous avez beaucoup de crabes, utilisez les plus petites prises pour la soupe et conservez les plus grosses pour leur chair (recette à venir).
  • Une dizaine de graines de criste marine
  • Un oignons moyen
  • Une douzaine de petits oignons blancs frais avec leurs fanes
  • Une belle tomate
  • 10cl de vin blanc sec
  • 3 gousses d'ail
  • 1 cuillère à soupe de piment doux en poudre
  • 1 pincé de piment d'espelette
  • Un peu de thym
  • Un peu de sel
  • Huile d'olive

Préparation :
  • Faire chauffer un peu d'huile au fond d'une cocotte
  • Y faire légèrement blondir l'oignon émincé (sans le brûler)
  • Ajouter alors la tomate découpée en cubes, les graines de criste, l'ail, les piments et le thym
  • Ajouter ensuite le vin blanc et 1,5 litres d'eau
  • Y plonger rapidement les crabes lorsque l'ébullition est revenue
  • Laisser cuire à couvert pendant une heure
  • Passer ensuite le tout au mixeur (le type "blender" est le plus pratique, mais il faut éviter ceux avec un bol en plastique, moins solide)
  • Filtrer ensuite au chinois en pressant un maximum afin de prélever le plus de liquide possible
  • Saler uniquement après avoir goûté
  • Servir avec les petits oignons blancs dont les bulbes auront été dorés à la poêle et les fanes finement hachés crus

Ombelle de criste marine (crithmum maritimum),
également appelé fenouil marin ou perce-pierre, c'est un des trésors
aromatique de presque tous les littoraux européens.
Ah, j'oubliais de vous parler de la criste marine utilisée dans cette soupe... A vrai dire, je n'ai pas eu besoins d'aller la chercher bien loin : il y en a presque partout le long du littoral. Les premières graines ayant enfin fait leur apparition, c'était l'occasion pour moi de les utiliser fraîches, encore vertes. Mais il faut les doser avec modération dans vos préparations car elles sont très parfumées et pourraient facilement prendre le dessus sur le reste.

dimanche 18 août 2013

Invasives, mauvaises herbes et petites bêtes

Beaucoup de plantes sauvages sont considérées comme étant de "mauvaises herbes". En tant que consommateur de certaines, je classifierais ces indésirables en plusieurs catégories.

Ambroisie à feuilles d'armoise
(ambrosia artemisiifolia)
1. Les invasives nuisibles.

Souvent importées depuis un autre continent, involontairement au gré du transport des marchandises ou tout à fait volontairement, le plus souvent dans un but ornemental, celles-ci sont les véritables mauvaises herbes.

L'ambroisie à feuilles d'armoise est par exemple une introduction accidentelle. C'est dans la seconde moitié du 19ème siècle qu'elle a débarqué chez nous depuis les Amériques. Affectionnant la chaleur et craignant peu la sécheresse, elle se plait particulièrement dans le sud, mais elle remonte petit à petit et je la vois d'année en année gagner du terrain, les divers arrêtés préfectoraux et autres campagnes d'arrachage ne faisant que ralentir ce qui semble bien être inévitable. Son seul obstacle actuel semble être le climat car sa germination nécessite un minimum de chaleur.

Toxique, ce n'est pourtant pas cela qui la rend nuisible (bien qu'elle soit capable de contaminer des cultures au point de les rendre impropres à la consommation), mais c'est bien le fait que ses pollens sont hautement allergènes qui lui valent cette étiquette de "nuisible".


Buddleia ou arbre à papillon (buddleja davidii)
butiné par un sphynx gazé (hemaris fuciformis).
2. Les belles invasives.

Plus sournoises sont les plantes initialement importées dans un but ornemental. Esthétiquement attrayantes, elles sont plantées de jardins en jardins et finissent par se naturaliser pour finalement se répandre de manière incontrôlée.

C'est le cas de la berce du Caucase, en particulier dans le nord-est de la France ou des buddleias (arbres à papillons) un peu partout sur le territoire.
Très appréciée des papillons, on pourrait croire que cette plante pourrait au moins participer à limiter leur chute démographique, mais c'est loin d'être le cas (lire l'article de wikipedia sur le sujet).


Vergerette du canada (conyza canadensis), avant floraison.
3. Les invasives utiles.

Malheureusement pour elles et pour nous, elles sont généralement plus invasives qu'utilises, car pas assez utilisées. Elle finissent par devenir trop envahissantes (cas de la renouée du Japon par exemple) et le bien qu'elles pourraient apporter est occulté par le reste.

La vergerette du Canada n'en est par encore tout à fais à ce point, mais elle n'en est pas loin.
D'origine américaine, comme l'ambroisie, on retrouve souvent les deux plantes aux mêmes endroits.

Mais la vergerette a des avantages que l'ambroisie n'a pas : médicinaux tout d'abord (diurétique, anti-rhumatismal, anti-diarrhéique, etc.), mais aussi, et c'est ce point qui m'intéresse le plus, culinaire. C'est en effet une plante comestible très intéressante. Aromatique, à la saveur piquante, légèrement citronnée, elle rappelle parfois l'estragon.

Grappe de fleurs de vergerette du canada (conyza canadensis).


Amaranthe refléchie (amaranthus retroflexus)
4. Les mauvaises herbes utiles.

Mauvaises du point du vue du jardinier ou l'agriculteur, certaines pourraient presque leur faire changer d'avis.

L'ortie est sans doute celle à laquelle on pense tout de suite : utilisée depuis des lustres comme produit phytosanitaire naturel, elle possède aussi des propriétés médicinales et fait un très bon aliment.

Mais aujourd'hui, alors que les orties ont fructifié, j'en tiens deux autres elles aussi très représentatives, très présentes en ce moment (le retard printanier leur permettant de jouer les prolongations) : l'amaranthe réfléchie et le chénopode blanc, qui sont parmi les meilleurs épinards sauvages qu'on puisse trouver dans la nature, ou tout simplement sur la plupart des terres nues récemment remuées.

Chenopode blanc (chenopodium album).
On remarque nettement les poils sessiles qui donnent aux jeunes feuilles un aspect blanc et une texture farineuse au toucher. Le dessous des feuille en a encore plus...

Chenopode blanc (chenopodium album).


Autre mauvaise herbe souvent envahissante, le pourpier est capable de s'implanter au bord des routes, et même de coloniser les fissures dans le bitume. Gorgées d'eau, ses feuilles et ses tiges sont délicieux aussi bien crues que cuites.

Pourpier commun (portulaca oleracea). Ici, la version sauvage a de petites fleurs jaunes, mais il existe des versions horticoles avec des tailles plus importantes et des couleurs différentes.



5. Les autres.

Qui comptent en particulier toutes les toxiques...


En tout cas, de mon côté, voici ce que je viens de faire des catégories 3 et 4...

Salade sauvage estivale

Salade sauvage estivale :
Pourpier, jeunes feuilles d'amaranthe et de chénopode blanc, feuilles et fleurs de vergerette du canada
et un peu de fromage de chèvre.


Tartes aux herbes aux saveurs orientales

Ingrédients :
Tartes aux herbes aux saveurs orientales :
La combinaison herbes - chèvre - épice fait merveille !
  • Un saladier de feuilles d'amaranthe
  • Un saladier de feuilles de chénopode blanc
  • Une poignée de feuilles de vergerette du canada
  • Deux picodons (mi-secs)
  • 3 gros œufs
  • 3 gousses d'ail
  • 2 verres de lait entier
  • 1 cuillère à soupe de poudre de curry
  • Pâte brisée
  • Un peu de sel
Préparation :
  • Ébouillanter les herbes avant de les plonger dans de l'eau froide
  • Bien les presser pour en évacuer un maximum d'eau
  • Les hacher finement au couteau et mélanger avec les œufs, le lait, un des deux picodons (émietté), le curry, l'ail finement haché et quelques pincées de sel (mais très peu, le fromage en apportant déjà)
  • Étaler la pâte dans un plat à tarte et la piquer
  • Répartir ensuite le mélange de manière uniforme et le parsemer de morceaux du picodon restant
  • Enfourner pour 30 bonnes minutes à 180°C


Comme le titre en parle, qu'il m'est souvent donné l'occasion d'en observer lors de mes cueillettes et qu'eux aussi sont souvent des mal-aimés, voici quelques petites bêtes...

Cigale (peut-être cicada orni), la reine de l'été.

Épeire diadème (raneus diadematus)

Probablement un tabac d'Espagne (argynnis paphia) sur un bouquet de fleurs de cirse de Montpellier, mais avec le contre-jour...

Ėphippigère des vignes (ephippiger ephippiger) sur une azurite. Celle-ci est une femelle, reconnaissable à la présence de la tarière (organe de ponte), à l'arrière de son abdomen.

Ėphippigère des vignes (ephippiger ephippiger) sur une azurite. Celle-ci est un mâle (cerques visibles à la place de la tarière).

Probablement sauterelle ponctuée (leptophyes punctatissima), mais la ponctuation n'est pas très apparente.

Peut-être criquet d'Italie (calliptamus italicus)

Deux tabacs d'Espagne (argynnis paphia) dérangés dans un moment intime sur une centaurée

Couple de miramelles alpestres (Podisma (sub)alpina). J'ai aussi dérangé ces deux criquets dans un moment critique alors qu'ils étaient sur une ombelle d'akènes ailés de laser à feuilles larges.

Abeille charpentière (xylocopa) sur une azurite. Les traces blanches sur son dos m'intriguent ...

Punaise verte (palomena prasina), sur une azurite. La teinte brune est la teinte hivernale (déjà ?) de cette punaise.

Soufré (colias hyale) sur une fleur de cirse de Montpellier.

Piéride (genre pieris) sur une fleur de cirse de Montpellier.
Je ne m'aventurerai pas à dire de quelle espèce de piéride il s'agit tellement il y en a...

Punaise arlequin (graphosoma italicum) sur une ombelle d'akènes de carottes.

Ecaille chinée (euplagia quadripunctaria) sur une ombelle de panicaut champêtre.

Clairon des abeilles (trichodes apiarius) sur une ombelle de panicaut champêtre.

Gamma (autographa gamma), en principe nocturne, il lui arrive de butiner le jour comme ici sur une ombelle de panicaut champêtre.

Avec tout ces insectes, il fallait bien finir par un de leurs prédateurs, ici, un jeune lézard des murailles (podarcis muralis)

mardi 13 août 2013

Balade découverte dans le Diois (troisième et dernière partie)

Pour cette troisième et dernière partie de la balade découverte, nous nous rapprochons des arbres. Pas mal de diversité dans les espèces : érable champêtre, érable sycomore, frêne commun, frêne du midi, pin sylvestre (indigène), pin noir (introduit) mais surtout énormément de chênes pubescents.

Mousse de chêne (evernia prunastri).
Comestible selon certains sites survivalistes américains, je n'ai pas encore trouvé assez de références sérieuses pour me lancer dans leur cuisine. C'est bien dommage car ici, il y en a beaucoup. J'ai quand même craqué récemment pour en goûter quelques morceaux. Sans réelle saveur, je ne saurais pour l'instant quoi en faire. Une chose est certaine malgré tout, il est utilisé depuis très longtemps en parfumerie où il sert de fixatif pour les fragrances de violette...

Sous les branches des plus grands arbres, on trouve aussi des arbres plus petits ou simplement des buissons...

Prunellier (prunus spinosa).
Même lorsqu'elles sont bien noires, les prunelles restent très âpres en bouche. Il faut attendre les premières gelées (ou les provoquer artificiellement au congélateur sur les fruits mûrs) pour les blettir et les rendre mangeables. Ici, elles sont encore vertes, alors imaginez le goût qu'elles peuvent avoir.

Cerisier de Sainte Lucie (prunus mahaleb) ou faux merisier.
Encore un fruit comestible immangeable, cette fois-ci à cause de son amertume. Il est toutefois utilisé pour confectionner avec l'amande des noyaux une épice nommée mahaleb ou pour parfumer des liqueurs (fruit entier ou noyau). J'aime particulièrement cette info trouvée sur wikipédia : "Dans les Hautes Alpes, la "pétafouère", tirée de la macération des fruits dans de l'alcool, est réputée pour aider à la digestion. La pète est le nom donné au petit fruit, et la "fouère" est synonyme de diarrhée !"

Cornouiller sanguin (cornus sanguinea).
Aucune question à se poser le concernant : ses baies, on ne fait que les regarder car elles sont tout simplement toxiques. J'aurais largement préféré tomber sur un cornouiller mâle sur lequel j'aurais cueilli de belles cornouilles rouges comme des cerises mais de forme et de taille semblables à celles des olives.

Viorne lantane (viburnum lantana).
Les baies de ce petit arbre aux feuilles duveteuses passent du vert au blanc, puis au rouge, pour terminer noires. Comme pour le cornouiller sanguin, elles sont toxiques. Il s'agit pour les deux espèces d'une toxicité relativement faible qui générera quelques troubles digestifs chez les personnes en bonne santé. Si ces baies figurent dans ce billet, c'est que les feuilles de la viorne lantane pourraient être prises par le néophyte pour celles de l'alisier blanc, suivant dans la liste... 

Alisier blanc (sorbus aria).
Probablement le plus grand des petits arbres listés ici, on le reconnait à ses feuilles dont la face supérieure est bien verte alors que la face inférieure est presque blanche. Ses fleurs en corymbe donnent des fruits de la taille de petites olives. Ils sont généralement couverts d'un duvet qui a tendance à disparaître avec le temps. Bien que les alises de l'alisier torminal (sorbus torminalis) soient généralement préférées, celles de l'alisier blanc valent aussi le coup d'être essayées. Il faut les cueillir au début de l'automne alors qu'elles ont virées à l'orange sombre, voire au rouge, pour en faire une délicieuse confiture (cuire les fruits avec un peu d'eau avant de les mixer, de filtrer puis de compléter avec un poids identique de sucre pour finalement cuire à nouveau et laisser prendre). Les pépins fracturés par le mixage libèrent une saveur d'amande amère qui complète à merveille le goût du fruit.

Aubépine ou cenellier (crataegus).
Les fruits de ce petit arbre, les cenelles, sont tout à fait comestibles. On peut les cueillir alors qu'elles sont rouges et se détachent facilement. Mais la faible quantité de chair qu'elles contiennent (à cause d'un noyau très gros proportionnellement à la taille du fruit) ainsi que sa texture farineuse et sa saveur peu sucrée font que ce fruit très commun suscite peu d'intérêt. Tout au plus peut-il être utilisé comme une distraction pour les enfants, d'autant que l'arbre et son fruit sont faciles à identifier.

Buis commun (buxus sempervirens).
Autre sujet de distraction pour les enfants, à cause de ses fruits qu'il faut par contre garder le plus loin possible de la bouche : ceux-ci, comme le reste de l'arbre sont effectivement très toxiques. Passée cette information d'importance, on remarquera les fruits en capsule et leur forme de "marmite à pieds" (à droite sur la photo). Celles-ci sont composées de 3 valves identiques. Lorsqu'elles s'ouvrent, chacune d'elle rappelle la silhouette d'un "grand duc", bec et aigrettes comprises (à gauche sur la photo). 

Noisetier (corylus avellana), également appelé coudrier.
Celui-ci, il n'est nul besoin de le présenter. Alors qu'ici, l'année dernière, les noisetiers sauvages n'avaient presque produit aucun fruit, cette année, les branches semblent très fournies... C'est un bon signe pour cet automne !

Amélanchier à feuilles ovales (amelanchier ovalis).
Parmi les nombreuses espèces d'amélanchiers, c'est le seul qui soit réellement d'origine européenne. Les autres ayant été importés d'Amérique et certains naturalisés. Notre balade nous a permis de déguster quelques uns de ses fruits, les amélanches, bien mûres. Leur pulpe est sucrée, les pépins qu'elle contient libèrent une agréable saveur d'amande amère lorsqu'on les croque.

Robinier faux-acacia (robina pseudoacacia), nommé aussi, mais à tort, acacia.
Cet arbre introduit en Europe depuis l'Amérique du Nord au tout début du 17ème siècle est maintenant naturalisé un peu partout en France au point qu'il est même considéré comme invasif par certains. Globalement toxique (de l'écorce aux fruits en passant par les feuilles), les fleurs, à condition d'être cuites sont sa seule partie comestible. Encore en boutons, on peut les utiliser comme légume, juste sautées dans un peu d'huile d'olive ou de beurre. Elles ont alors un goût qui peut rappeler les petits pois. Bien ouvertes, on peut les utiliser en grappes pour les fameux "beignets d'acacia" ou égrainées pour un délicieux sirop floral (recettes toutes deux présentes dans ce blog).

Chèvrefeuille (probablement lonicera xylosteum).
Ses jolies baies rouges ont beau avoir l'apparence de groseilles (taille et couleur identiques), elles sont toxiques.
Certains utilisent les fleurs de chèvrefeuille pour confectionner sirops et gelées. Ils utilisent généralement celles du camérisier (lonicera periclymenum), probablement le plus aromatique, mais je n'ai jamais encore essayé.

Qui dit "arbre" dit branche, et qui dit "branche" dit "liane". Dans le seconde billet consacré à cette balade, j'avais déjà abordé le cas de la vigne, et dans cette dernière partie, le camérisier dont il est question au dessus est lui aussi une liane (liane arbusive). Mais il y en a d'autres...

Clématite des haies (clematis vitalba).
Sans doute la plus fréquente des clématites sauvages en France (hormis en région méditerranéenne où elle est supplantée par la clématite flamette, clematis flammula), elle porte aussi le nom de "bois à fumer" pour l'usage qui est fait de ses branches sèches (elle a été la première "cigarette" de beaucoup d'enfants). Ses feuilles peuvent être irritantes pour la peau jusqu'à provoquer des éruptions cutanées. Au Moyen Age, les mendiants s'en frottaient les membres ou le visage pour susciter encore plus de pitié. Au printemps, lorsque les jeunes pousses argentées (à cause des poils dont elles sont couvertes) font leur apparition, il est possible de les cueillir pour les cuisiner à l'eau, à la manière d'asperges. Elles sont encore traditionnellement consommées dans le Piémont et en Asie.

Tamier commun (dioscorea communis syn. tamus communis).
Malgré des feuilles en forme de cœur, les propriétés anti-tuméfiantes de la racine de cette liane lui valent le nom d'"herbe aux femmes battues". Ici, on voit nettement ses fruits encore verts. D'ici moins d'un mois maintenant, ils auront viré rouge, mais quelle que soit leur couleur, ils sont bel et bien toxiques. Comme pour de nombreuses lianes, la seule partie comestible de la plante, ce sont ses jeunes pousses aux faux airs d'asperges. Dans le sud-ouest, on les nomme "respountchous" et sont traditionnellement récoltées tous les printemps. A cette période, on peut même en trouver sur certains marchés locaux. Elles sont généralement cuites à l'eau et consommées dans une omelette avec du lard, mais l'amertume des "respountchous" n'est pas de tous les goûts. Si vous avez de l'humour et quelques minutes, jetez donc un œil à la page de la désencyclopédie qui leur est consacrée.

Gesse à feuilles larges (lathyrus latifolius).
Il ne s'agit pas réellement d'une liane mais d'une plante grimpante dont on rencontre les fleurs roses inodores assez fréquemment. Ses tiges ailées sont très caractéristiques, ainsi que ses feuilles larges composées systématiquement de 2 folioles (on en voit nettement une en V sur le haut de la photo). Les graines se trouvent dans des gousses semblables à celles des petits-pois. Elles sont comestibles, ainsi que les jeunes pousses de la plante. Il ne faut surtout pas la confondre avec le pois de senteur (lathyrus odoratus), toxique. Cette autre gesse dont les fleurs sont odorantes (et ont un agréable parfum) est à l'origine d'une intoxication nommée lathyrisme. C'est d'ailleurs le cas pour plusieurs gesses en cas de consommation abusive, comme par exemple la gesse tubéreuse (lathyrus tuberosus) ou la gesse cultivée (lathyrus sativa).


Ronce commune (rubus fructicosus).
Il ne s'agit pas non plus d'une liane, mais on pourrait presque le croire lorsque ses branches épineuses montent à l'assaut des hauteurs. Les fruits sont encore verts, mais déjà prometteurs. En attendant, les plus impatients retrouveront le goût du fruit (ou presque) en prenant quelques belles feuilles pour les sécher et les utiliser en infusion.

Sous les arbres, c'est aussi la fraîcheur, surtout lorsqu'un petit filet d'eau coule juste à côté. On y trouve souvent les mêmes plantes...

Menthe sylvestre ou menthe à feuilles longues (mentha longifolia).
Habituée des bords de ruisseaux, ses feuilles allongées sont très douces au toucher. Son parfum, bien que mentholé, n'est pas le plus agréable à cause d'une saveur camphrée persistante, mais elle a l'avantage du nombre, car là où elle pousse, elle est souvent omniprésente.

Cirse de Montpellier (cirsium monspessulanum).
On ne le trouve que dans un petit tiers sud sud-est de la France. Lui aussi pousse presque les pieds dans l'eau. Ses grandes feuilles bordées de pointes souples (et donc non piquantes) ont un agréable goût d'artichaut, mais sont parfois amères lorsque la plante est trop vieille. On préférera donc les cueillir avant que la plante ne monte pour déployer ses petites fleurs rose-pourpre, d'autant qu'elles peuvent aussi devenir coriaces. Blanchies et hachées, elles sont idéales pour réaliser des farces (samoussas, ravioles, tartes etc.). 

Sauge glutineuse (salvia glutinosa).
Les feuilles couvertes de poils, de forme sagittée et aux bords dentés de cette sauge permettent de l'identifier immédiatement, avant même d'en apercevoir les fleurs jaunes. Glutineuse dans sa globalité, c'est en touchant son épis floral qu'on a la plus forte impression d'une texture vraiment poisseuse. Légèrement aromatique, elle donne un résultat intéressant séchée, puis placée en macération dans du vin blanc additionné d'un peu d'eau de vie. 


Tussilage (tussilago farfara).
Comestibles, le revers de ses feuilles est couvert d'un épais duvet peu agréable en bouche qui limitera son utilisation. Pour s'en débarrasser au moins d'une partie, la meilleure technique est de les ébouillanter. Le duvet, qui se sépare progressivement des feuilles peut alors être récupéré à l'écumoire. Les fleurs (et les boutons floraux) du tussilage sont nettement plus intéressantes. Ces soleils miniatures perchés en haut de petites tiges écailleuses annoncent l'arrivée du printemps. Simplement rissolées dans un peu de beurre, c'est un véritable régal ! Particularité de la plante : les feuilles n'apparaissent qu'une fois la fleur passée. Elles ne doivent pas être confondues avec les feuilles du pétasite blanc, qui ont une taille et une forme similaire. Mais au toucher, celles du tussilage ont une texture presque caoutchouteuse et leur duvet est plus épais. En cas de doute, il faut patienter jusqu'au prochain printemps et regarder à quoi ressemblent les fleurs qui sortent ! La confusion ne serait toutefois pas problématique, la toxicité du pétasite s'établissant plutôt sur la durée, suite à une consommation régulière.

Hellébore fétide (helleborus foetidus).
Ses feuilles sont tellement caractéristiques qu'il n'est point besoin d'attendre l'apparition de ses fleurs vertes en hiver pour l'identifier. Toxique, ce sont ses racines qui sont les plus dangereuses (mortelles selon certains ouvrages), elle a pourtant été utilisée jusqu'au Moyen-Age pour traiter la folie !

Primevère (probablement primula vulgaris).
Très aromatiques, les jeunes feuilles des primevères s'utilisent en salade. Il faut toutefois éviter de les consommer seules, leur saveur étant très marquée. Au printemps, leurs fleurs peuvent être cristallisées dans du sucre, à la manière des violettes de Toulouse, ou simplement utilisées en décoration comestible.

Pulmonaire (pulmonaria), espèce à déterminer.
Les feuilles des pulmonaires présentent généralement des taches blanches (ici très marquées). Elles sont poilues et rugueuses au toucher, comme beaucoup de plantes de la famille des boraginacées telles que la bourrache, la vipérine, ou la consoude. Cette dernière peut d'ailleurs servir de modèle quant à l'utilisation culinaire de la plante, d'autant que les feuilles d'été de certaines pulmonaires atteignent des tailles similaires à celles de la consoude. Classique parmi les classiques : les beignets. On commence en prenant les feuilles par paires de taille identique, puis en tartinant l'une des deux avec du fromage frais (ici, ce sera bien entendu du Picodon). On continue en la collant à l'autre de manière à ce que le fromage se trouve pris entre les deux. On finit en plongeant le tout dans une pâte à beignets liquide avant un rapide passage dans une friteuse... Tout simple et délicieux !

Et pour finir ce troisième et dernier volet, voici dans le désordre quelques autres plantes remarquables que nous avons rencontrées.

Lavande vraie ou lavande officinale (lanvadula angustifolia).
Utilisée en parfumerie, on peut aussi exploiter son parfum dans un sirop ou en infusion dans différentes préparations pâtissières (jeter un petit coup d'oeil [ici]). Attention à l'huile essentielle de lavande, qui a des propriétés abortives et qui, sur-dosée, peut s'avérer toxique.

Cirse commun (cirsium vulgare).
Ses jeunes tiges, bien pelées, sont délicieuses cuites à la vapeur. Mais il faut réussir à les peler !

Sureau yèble ou sureau hièble (sambucus ebulus).
Toxiques, les fruits de cette plante ne doivent pas être confondus avec ceux, comestibles (lorsqu'ils sont cuits), de ses cousins le sureau noir (sambucus nigra) et le sureau rameux (sambucus racemosa). Pour le sureau rameux, qu'on trouve plutôt en montagne, ce n'est pas trop difficile car ses fruits mûrs sont rouges. Pour le sureau noir, la couleur des fruits mûrs ne suffit pas (ils sont noirs dans les deux cas), il faut donc regarder plus précisément la plante dont ils proviennent. Le hièble est une plante herbacée qui ne dépassera que rarement 1,5m et ses corymbes de fruits restent orientées vers le haut malgré leur poids. Le sureau noir est un petit arbre et à ce titre, il a un vrai tronc, ligneux couvert d'une écorce, comme tous les arbres. Bien que ce ne soit pas systématique, ses corymbes de fruits ont plutôt tendance à pointer vers le sol (ce qui n'est pas le cas lorsqu'elles sont en fleurs).  

Mélilot officinal (melilotus officinalis).
Les petites fleurs de cette plante et celles de son cousin proche le mélilot blanc (melilotus albus) cachent une véritable richesse : le parfum qu'elles acquièrent en séchant. En effet, il suffit de deux où trois jours de séchage dans un endroit frais et aéré pour que leur odeur légère et indéfinissable se transforme en un délicieux parfum vanillé. Les composés aromatiques dont provient ce parfum sont comparables à ceux de la fève tonka, très à la mode en pâtisserie. Utilisés en infusion dans du lait, les épis floraux séchés permettent, par exemple, de faire de délicieuses crèmes (anglaise, brûlée, pâtissière). Attention toutefois à bien le conserver au sec : la fermentation liée à l'humidité peut dégrader les composés aromatiques en substances toxiques hémolytiques.

Origan commun (origanum vulgare).
Parfois appelé marjolaine sauvage, il s'agit d'une plante différente de la marjolaine cultivée (origanum majorana), mais dans laquelle on retrouve le même type d'arôme. Très utilisé dans la cuisine italienne, c'est un des aromates incontournables pour la pizza. 

Serpolet (thymus serpyllum).
Il y a un air de famille certain entre le serpolet et l'origan, mais le serpolet est bien un thym. Plante basse dont les tiges dépassent rarement une quinzaine de centimètres, ses fleurs commencent à apparaître à la fin du printemps, mais peuvent être observées parfois jusqu'à la fin du mois d'août. Ses nombreuses sous-espèces combinées aux natures de sols sur lesquels elles poussent produisent une impressionnante palette de parfum. Mon préféré est à la fois citronné et mielleux : à tomber par terre.
Et bien voilà, le "petit" tour est terminé... Dire que tout ceci n'a été observé que sur moins de 3 kilomètres !
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