Pages

mercredi 25 février 2015

Grandes marées etc.

Les grandes marées de la semaine dernière ont été le prétexte pour une escapade sur le littoral costarmoricain : huîtres, pieds de couteau, coques, palourdes, mactres, amandes de mer, étrilles, crabes verts et j'en oublie ont été notre quotidien lors de ces quelques jours...

Coefficient 118 sur un maximum de 120 : c'était une occasion à ne pas manquer, même si une exceptionnelle "marée du siècle" (pas si exceptionnelle que ça en fait, car se reproduisant tous les 18 ans environ) nous attend en mars avec un coefficient 119. D'autant que malgré le vent, malgré le froid, malgré la pluie, malgré la grêle, la Bretagne avait quand même un peu de soleil à nous offrir. 

Une véritable et délicieuse cure d'iode dont il ne faut pourtant pas abuser : les fruits de mer, en particulier les coquillages bivalves filtreurs, ont en effet tendance à concentrer les polluants. Après un régime comme celui de la semaine dernière, il fallait donc lever le pied sur les produits de la mer... mais pas sur les produits de la côte, comme par exemple le maceron qui en ce moment est à son stade de croissance idéal.

Feuilles de jeunes pieds de maceron (smyrnium olusatrum).

Cette plante est presque indissociable du littoral breton tellement elle y est fréquente. Elle y est pourtant très peu connue comme comestible. A vrai dire, elle y est même souvent considérée comme une mauvaise herbe (ce qui, au passage, est le cas de bon nombre de comestibles sauvages). Il faut dire qu'à l'heure où les aliments perdent peu à peu en saveur, le goût puissant et très particulier du maceron a de quoi dérouter.

Les pétioles basaux du maceron sont emboîtés les uns dans les autres, donnant au pied de la jeune plante une forme bulbeuse, comme avec le fenouil. Toutes les parties sont très parfumées, mais la chair des "bulbes" a en plus une composante sucrée très intéressante.

Comme souvent avec les sauvages, la préparation d'aujourd'hui est inspirée d'une recette à base d'un légume classique... ici, le fenouil.

Tarte tatin salée au maceron


Une poêle en fonte sans manche : idéale pour une tarte tatin,
qu'elle soit salée ou sucrée.
Ingrédients :
  • 150g de pâte brisée
  •  6 bulbes de maceron (environ 100g chacun)
  • 2 petites pommes (environ 150g chacune)
  • 2 oignons moyens (moins de 100g par oignon)
  • 15cl de bouillon de volaille
  • 1 cuillère à soupe de miel
  • 1 cuillère à soupe de sucre roux
  • Le jus d'un beau citron
  • 50g de beurre
  • 1 pincée de sel
Préparation :
  • Peler les oignons et les pommes
  • Les couper en 4 dans la longueur
  • Épépiner les pommes et les badigeonner de quelques gouttes de jus de citron
  • Couper aussi en 4 sur la longueur la moitié des bulbes, émincer le reste
  • Sur feu moyen, faire fondre le beurre dans une poêle (capable d'aller au four)
  • Répartir maceron, pomme et oignon dans la poêle et cuire à couvert sans remuer pendant 5 bonnes
  • Remuer délicatement avant ajouter ensuite le miel, le bouillon et le jus du citron
  • Laisser cuire toujours sur feu moyen jusqu'à évaporation du liquide et début de caramélisation
  • Retirer du feu et couvrir avec la pâte brisée préalablement abaissée
  • Glisser les bords de la pâte vers le bas, le long de la paroi de la poêle
  • Placer immédiatement  dans un four préchauffé à 180°C
  • Sortir après 25 minutes de cuisson et démouler la tarte en la retournant sur son plat de service
  • A servir, par exemple avec une chantilly de crème aigre

Personnellement, j'adore... mais avec le maceron et son goût si particulier, je ne saurais trop vous conseiller d'expérimenter à petite échelle avant de vous lancer ! Et en l'absence de maceron, un peu de fenouil donnera une idée de ce à quoi cela peut ressembler.

mardi 10 février 2015

Soleil, eau, sable, bécasseaux ... et cornes de cerf

Ça fait du bien un peu de soleil, malgré le froid et le vent...
Là, c'est vraiment l'hiver comme je l'aime !


Sur les plages de la Manche, la lumière rasante accentue les contrastes. Combinée avec les reflets sur l'eau, on a presque l'impression d'évoluer dans un paysage en noir et blanc...



... Noir et blanc qu'osent à peine contrarier les bécasseaux, avec leur tenue hivernale où le gris domine. Il n'y a guère que les reflets du ciel bleu et les morceaux d'algues déposés de-ci de-là par la marée pour apporter quelques touches colorées.

Sans doute un bécasseau sanderling (calidris alba). Ces oiseaux limicoles arpentent les plages en longeant la limite entre l'eau et le sable. Souvent en groupe, ils sont assez peureux et il est difficile de s'en approcher. J'aime écouter leurs sifflements. Ceux-ci me font un peu penser à Harpo Marx (je vous laisse comparer [ici] et [là]).

Mais le soleil décline et le froid devient plus mordant. Il faut maintenant prendre le chemin du retour.



Et en quittant l'estran, une bonne surprise nous attend en bordure du sentier côtier...

Plantain corne de cerf (plantago coronopus).
Cette plante apprécie particulièrement les milieux sableux salés et on la trouve donc fréquemment sur le littoral, mais pas uniquement. On en trouve par exemple assez fréquemment en bordure des routes de la région parisienne, en particulier à cause du salage hivernal. Mais ces spécimens-là, je ne m'aventurerai pas à les goûter. Comme pour tous les plantains, les fleurs forment des épis qui apparaissent à la fin du printemps (parfois plus d'une vingtaine d'épis pour un seul pied). Étonnamment, ils ont tendance à se développer à la périphérie de la rosette plutôt qu'en son centre.

 Autre caractéristique : contrairement aux plantains "classiques" (lanceolata, major, media, les plus fréquents) dont les feuilles ne sont pas dentées, celles de coronopus le sont et présentent même parfois des ramures, elles-mêmes dentées, d'où son nom de "corne de cerf". Au centre de la rosette, les plus jeunes feuilles sont couvertes d'un léger duvet (ont le voit sur la photo au centre de la rosette où il a "peluché"). Celui-ci disparaît avec l'âge, mais les feuilles gardent souvent quelques poils. Côté goût, les feuilles crues rappellent celui des jeunes pousses de betterave, un peu terreux mais pas désagréable, avec une petite note salée qui ne gâche rien, bien au contraire.
A cueillir jusqu'au début du printemps (après, il devient carrément coriace).

Et cette fois-ci, plutôt que de les utiliser en salade, comme j'avais l'habitude de le faire jusqu'à présent, je suis passé à une version cuisinée...

Joëls frits et "dip" au plantain corne de cerf


Ingrédients (pour 4) :
  • 600g de joëls (de mon côté, c'était des surgelés)
  • 200g de plantain corne de cerf (rosettes entières débarrassées des feuilles abîmées et de leur racine)
  • 150g d'oignon
  • 25cl de bouillon de volaille
  • Huile à friture (arachide pour moi)
  • Sel et poivre
Préparation :
  • Laver à grandes eaux le plantain afin de le débarrasser de tous les grains de sables qui ont tendance à s'incruster entre les feuilles
  • Le laisser s'égoutter tranquillement
  • Pendant ce temps, hacher l'oignon finement
  • Faire chauffer deux cuillères à soupe d'huile au fond d'une poêle et ajouter l'oignon
  • Le cuire à feu moyen, sans coloration
  • Lorsqu'il devient translucide, ajouter les feuilles de plantain hachées grossièrement
  • Verser la moitié du bouillon de volaille et continuer la cuisson sur feu moyen à découvert
  • Remuer régulièrement pour homogénéiser la cuisson
  • Compléter avec le reste du bouillon au fur et à mesure que celui-si s'évapore
  • Stopper la cuisson lorsque tout le bouillon aura été versé et qu'il aura réduit au point qu'il n'en reste que quelques gouttes
  • Passer le tout au mixeur jusqu'à obtenir un mélange à peu près homogène et à la consistance plutôt crémeuse
  • Saler et poivrer (attention avec le sel, le plantain et le bouillon réduit en apportent déjà pas mal)
  • A cet stade, la "dipping sauce" au plantain est prête et peut être réservée au chaud
  • Pour les joëls, il suffit de les passer dans la farine, puis de les plonger quelques minutes dans de l'huile de friture à 150°C
  • Les égoutter et les placer sur du papier absorbant pour en éliminer un maximum de graisse
  • Les saler avant de les servir rapidement accompagnés de leur "dip"

Le goût terreux qu'on ressent avec les feuilles crue a ici disparu. Reste une légère amertume atténuée par l'oignon, plutôt du genre de celle qu'on apprécie que de celle qui fait faire des grimaces. Et avec les joëls... j'adore !

Pour conclure, un grand merci à Laure pour sa suggestion de la recette du site "hortulanus sacer" dont je me suis largement inspiré.

Ajout du 11/02/2015 : A tester aussi en ajoutant avec le bouillon un peu de vinaigre (cidre par exemple) et une cuillère à soupe de sucre. Le goût du plantain sera moins marqué et la sauce se rapprochera plus des "dips" classiques.

mardi 3 février 2015

Vive le vent d'hiver !

La neige est tombée sur le village...



Pas la peine de chercher les volontaires pour une petite bataille de boules de neige...



... ou glisser sur les pentes avec une luge !


Mais bon, c'est tout aussi amusant de faire un bonhomme de neige.
En plus, tonton Nicolas lui a prêté son chapeau.
Avec ses grands bras ouverts, on dirait presque qu'il appelle le soleil !


Il n'en fallait pas moins pour que celui-ci décide enfin de montrer le bout de son nez... 
Du coup, le berger et ses brebis sont eux-aussi sortis se dégourdir les jambes...



Avouez qu'il y a pire comme cadre pour déguster quelques brins d'herbe...



Mais les jours sont encore courts et tous le monde doit déjà rentrer à la maison ...


où un agréable feu de bois nous attend.


Et puis un peu plus tard, il y aura peut-être aussi ça :


"Mont-d'or" au vin jaune et polypore écailleux

Ingrédients :
  • Un ou plusieurs "Mont-d'or" (vacherin) selon leur taille et le nombre de gourmands
  • De la poudre de polypore écailleux (voir à la fin du billet pour plus de détails)
  • Quelques gouttes de vin jaune
  • Un pain de campagne à la mie plutôt compacte
Préparation :
  • A l'aide d'un couteau, découper un cône sur le haut du vacherin et mettre de côté ce "couvercle" de fromage
  • Dans le trou ainsi formé, ajouter une ou deux cuillères à soupe de poudre de champignon, puis verser quelques gouttes de vin jaune
  • Placer le tout (sauf le "couvercle" de fromage) au four à 180°C
  • Lorsque le contenu de la boite est fondu, mélanger avec une fourchette avant de remettre en place le "couvercle" de fromage et passer le four en position "grill" jusqu'à ce que le dessus soit gratiné
  • Il n'y a plus qu'à servir tel-quel avec plein de mouillettes découpées dans le pain (éventuellement grillées, voire même frottées à l'ail)

En principe, le cerclage du fromage à l'écorce d'épicéa et la boite suffisent à maintenir l'étanchéité et résistent bien à la chaleur. Au cas où, utiliser une lèchefrite. Et pour ceux qui s'inquiéteraient d'une éventuelle présence d'alcool : étant donnée la faible quantité utilisée, la cuisson au four l'aura vaporisé tout en préservant la saveur si caractéristique du vin jaune.

Le polypore écailleux (polyporus squamosus, photo prise l'automne dernier), c'est ce drôle de champignon "parasol" qui pousse sur le tronc des arbres morts ou mal en point. Jeune, on peut en découper de grandes tranches radiales et les griller à la poêle dans un peu de matière grasse : un délice de saveurs boisées ! Avec l'âge, il devient beaucoup trop dur et ne peut plus être utilisé de cette manière. Mais tant qu'il présente bien (comme sur la photo), il suffit de bien le faire sécher et de le réduire en poudre (au mortier ou avec un moulin à café). Celle-ci devient un aromate particulièrement intéressant...