mercredi 30 septembre 2015

Quand petit champignon deviendra grand... très grand.

Au début, le pied bulbeux, massif (mais creux) est surmonté d'un petit chapeau refermé. Dès ce stade (et même avant), la couleur brune tigrée du pied et la texture écailleuse du chapeau permettent aux connaisseurs de l'identifier.

Partant d'un aspect que d'aucuns pourraient qualifier de phallique, le champignon s'étire et prend de la hauteur. Le chapeau lui aussi prend du volume, mais il reste toujours fermé. L'aspect général rappelle désormais une baguette de tambour dont la taille dépasse parfois 30 cm. 

Puis finalement, le chapeau s'ouvre comme un immense parapluie écailleux (généralement aux alentours de 20 cm de diamètre, mais pouvant même dépasser les 30 cm sur certains spécimens). Vestige des rebords du chapeau lorsque celui-ci était encore fermé, un double anneau épais est resté autour du pied (comme [ici]). En y regardant de plus près, cet anneau n'est pas collé au pied et peut même coulisser le long de celui-ci.

Ce grand et majestueux champignon, c'est bien entendu la lépiote élevée (macrolepiota procera), principalement connue sous le nom de coulemelle, mais aussi en tant que chevalier bagué, baguette de tambour, coucoumelle, et plein d'autres petits noms selon les régions.

Son chapeau a une chair très aérée et légère qui réduit énormément à la cuisson. Son goût, qui rappelle nettement la noisette, fait merveille avec les plats à la crème, mais pas uniquement. Sa forme, lorsqu'il est jeune, permet aussi toute sortes de préparations farcies.

Quant à son pied, dur et fibreux, il est souvent rejeté. Pourtant, pour peu qu'on prenne la peine de le hacher très finement, perpendiculairement aux fibres, il peut être utilisé pour préparer une duxelles très parfumée.

Quelle que soit la partie utilisée, il ne faut surtout pas faire l'erreur de laver ce champignon à l'eau, car c'est une vraie éponge. Un simple nettoyage à la main ou au pinceau suffit le plus souvent.

Autre détail intéressant : Si vous en avez trop cueillis, pas de panique car il est possible de les sécher, par exemple en enfilant les chapeaux le long d'une corde à linge . Une fois secs, stockés à l'abris de la lumière, ils peuvent se conserver plus d'une année sans aucun problème.

Et pour finir, une idée de préparation qui change un peu :

Palets de coulemelle croustillants au fromage.


Pour la préparation, rien de plus simple et c'est surtout de patience dont vous aurez besoin :
  • Sélectionner de beaux chapeau bien ouvert et plat
  • Commencer par tous les poser côte à côte à plat, lamelles vers le bas, sur une feuille de papier cuisson
  • Vaporiser uniformément un peu d'huile d'olive sur le dessus des chapeaux (avec un spray manuel, ça marche très bien)
  • Retourner les chapeaux, désormais lamelles vers le haut
  • Les aplatir d'abord délicatement à la main (pour ne pas les casser) puis un peu plus fermement avec un rouleau à pâtisserie
  • Parsemer avec du fromage râpé (de mon côté, j'ai utilisé du Salers, mais Emmental ou Comté devraient tout aussi bien aller)
  • Placer dans un four ventilé à 100°C jusqu'à ce que les chapeaux commencent à roussir (assez long)
  • Baisser à 80°C et attendre qu'ils soient bien secs et croustillants (encore plus long)


Les palets ainsi obtenus ont un goût plutôt puissant. Seuls, ils peuvent être utilisés comme des biscuits apéritifs. Mais on peut aussi les associer à une purée ou un risotto par exemple.

jeudi 10 septembre 2015

Mal-aimés

Amanite fauve (amanita fulva).

Cette très proche parente de l'amanite vaginée partage avec elle pas mal de caractéristiques commune, dont la plus intéressante pour ce blog : elles sont toutes deux d'assez bonnes comestibles, pour peu qu'on prenne le temps de les cuire. En effet, quelques minutes à plus de 70°C suffisent à détruire les toxines thermolabiles qu'elles contiennent.

Autre soucis concernant cette mal-aimée : sa fragilité qui impose aux cueilleurs de leur aménager une place sur le haut du panier. Mais la récompense est là : une agréable saveur aux évocation terreuses, un peu comme la betterave, mais en plus subtile. Pour en profiter au mieux, une préparation en duxelles est idéale.

Pour la reconnaître(*): la marge striée du chapeau, sa couleur fauve généralement plus sombre au centre, un long pied élancé creux à la chair légèrement colorée, pas d'anneau, une grande volve et une allure globalement frêle.


Langue de boeuf (fistulina hepatica).

Ses formes souvent étranges, sa couleur rouge, la texture gélatineuse et sanguinolente de son chapeau par temps humide sont autant de caractéristiques qui la rendent repoussante, sans même parler de son nom de fistuline hépatique.

C'est pourtant l'un des rares champignons a pouvoir se consommer cru. La texture croquante de sa chair lorsqu'elle est jeune et l'aspect magnifique des fibres la composant en font un ingrédient de choix pour des salades surprenantes ou pour un improbable carpaccio. Cuite, on la cuisinera comme un morceau de viande.

Pour la reconnaître lorsqu'elle est jeune(*) : le dessus du chapeau est de couleur orangée à rouge brique ; il est couvert de petits points faisant penser à des papilles (comme sur une langue) ; le dessous est beige très clair, couvert de pores tellement serrés qu'on voit difficilement qu'il s'agit de pores ; le pied est excentré ; sa chair est fibreuse rouge clair (voire presque blanche parfois) mais elle rougit très vite en s'oxydant.
Lorsqu'elle est plus avancée(*) : le rouge du chapeau s'est assombri ; par temps humide, il prend une texture gélatineuse et laisse s'écouler des gouttes d'un liquide couleur sang ; au dessous, la présence de pores est plus évidente.


Bolet à pied rouge (boletus luridiformis ou boletus erythropus).

Ses problèmes : la couleur rouge de son pied et de ses pores (qui lui vaut souvent d'être pris pour un bolet satan par les néophytes) et le bleuissement intense de sa chair à la découpe (qui a tendance à inquiéter).

Toxique cru, une bonne cuisson le transforme en un excellent champignon. Sauté à la poêle comme un cèpe, il n'en égale malheureusement pas la saveur. Par contre, sa fermeté lui donne une tenue exceptionnelle dans les plats mijotés. Mon pêché mignon avec les plus petits spécimens: une préparation "à la grecque". Autre point intéressant : pour le conserver longtemps, il suffit de le couper cru en fines lamelles et de faire rapidement sécher celles-ci dans un endroit ventilé (ou avec un dessiccateur).

Pour mieux l'identifier(*) : Couleur généralement (mais pas systématiquement) sombre de son chapeau, couleur rouge du pied et des pores, absence de réseau sur le pied, bleuissement intense et rapide de sa chair jaune. Rarement véreux, il n'en est pas moins victime des limaces (comme le spécimen de la photo). A noter que généralement, la chair garde sa couleur jaune aux endroits dévorés par les limaces (pas ou presque pas de bleuissement).


Bolet blafard (boletus luridus ou suillellus luridus).

Il a une mauvaise réputation très comparable à son cousin le bolet à pied rouge et comme lui est toxique cru. Certaines références (Schweiz Med Wochenschr. 21/08/1982 par exemple) lui attribuent aussi une toxicité similaire à l'effet "antabuse" provoqué par certaines espèces de coprins. Personnellement, malgré les nombreux spécimens consommés depuis des années (parfois avec du vin), je n'y ai jamais été confronté.

Le couper en lamelles pas trop épaisses (il doit être cuit à cœur), bien les griller à la poêle dans un mélange huile-beurre, ajouter un peu d'ail et de persil hachés juste à la fin : il se rapprochera en qualité et en goût des meilleurs cèpes.

Principales caractéristiques(*) : Un chapeau brun plutôt clair et à l'aspect velouté, des pores rouges, un pied trapu couvert d'un réseau rouge/jaune, une chair jaune bleuissante sont autant de caractéristiques qui permettent de se faire une bonne idée sur son identité.


Amanite rougissante (amanita rubescens), amanite vineuse ou encore golmotte.

Elle, son principal problème, c'est sa ressemblance avec l'amanite panthère, extrêmement toxique. Pourtant, l’œil avisé sait les distinguer sans trop de soucis.

Cuite au moins une dizaine de minutes à plus de 70°C pour en éliminer les substances toxiques, elle devient réellement un excellent champignon. Le meilleur moyen : plonger les champignons entiers pendant cette durée dans de l'eau bouillante. Malgré ce traitement de choc, la golmotte ne perd rien en goût et conserve une très bonne tenue. A partir le là, tout lui est permis. Une suggestion : au four, coupées en petits morceaux avec sauce béchamel, œuf et emmental entre deux feuilles de pâte brisée, pour une tourte à tomber !

Pour la reconnaître(*) : chapeau rosé à brun couvert de "taches" couleur crème assez serrées sur les jeunes spécimens (elles ont tendance à disparaître avec l'age), anneau généralement strié sur sa partie en liaison avec le pied, chair blanc-rose prenant une teinte vineuse au niveau des blessures, teinte encore plus prononcée vers la base bulbeuse du pied, où se trouve une volve peu marquée voire absente, pied assez massif.


Maintenant, pour ce qui est de vraiment les préparer... voici deux suggestions :

Duxelles d'amanites fauves, pour accompagner une côte de bœuf (par exemple).

Préparation:
  • Laver délicatement les amanites et bien les égoutter.
  • Placer une bonne quantité de beurre dans une poêle chaude.
  • Y faire fondre une échalote finement hachée sans la colorer.
  • Hacher finement les amanites au couteau et les ajouter dans la poêle.
  • Laisser cuire pendant 5 bonnes minutes en remuant régulièrement.
  • Rajouter un peu d'eau si le mélange devient trop sec.
  • Saler, poivrer, c'est prêt !



Brunoise de langue de boeuf et céleri, pour accompagner du hareng fumé.

Préparation:
  • Peler la langue de boeuf et bien la laver.
  • Réserver un morceau du pied (la partie la plus ferme) et réduire le reste en brunoise.
  • Réduire en brunoise moitié moins de chair de céleri rave cru.
  • Mélanger les deux brunoises, les saler, les poivrer et ajouter quelques gouttes de jus de citron et un filet d'huile de noisette.
  • Couper en lamelles le reste du pied mis de côté ainsi que les filets de hareng.
  • Dresser et accompagner de crème épaisse légèrement moutardée et poivrée.


(*) : Les descriptions données ici le sont à titre indicatif et ne peuvent en aucun cas être utilisées seules pour identifier de manière certaine un champignon. La consultation d'ouvrages de référence et un minimum d'expérience sont plus que nécessaires. En cas de doute, toujours privilégier la sécurité et ne pas consommer.

mardi 1 septembre 2015

De beaux restes

Samedi dernier : grand tour vers divers coins à champignons forestiers avec pour objectif de trouver de beaux spécimens ayant bien profité des nombreuses averses de ces derniers jours. Malheureusement, il manquait le petit quelque chose en plus qui incite les chapeaux à faire leur grande apparition.

Face à la vacuité mycologique des chênaies et des hêtraies d'Ile de France, nous nous étions finalement rabattus sur un dernier coin pour lequel nous conservions l'espoir de trouver des pholiotes du peuplier. Contrairement aux cèpes, girolles et autres trompettes de la mort, l'origine méridionale et la tendance estivale de ce champignon nous laissait encore la perspective d'une bonne récolte.

Pholiotes du peuplier (agrocybe aegerita), spécimens d'age moyen (chapeaux ouverts laissant apparaître un anneau sur le pied, couleur claire, beige au centre). Contrairement à ce que leur nom indique, ces champignons peuvent aussi se trouver sur des saules, des ormes ou même des sureaux. Selon certains, c'est sur cette dernière espèce d'arbre qu'on trouverait les pholiotes du peuplier les plus goûteux.

A l'approche du premier peuplier, l'espérance s'était transformée en euphorie : Les grands chapeaux blanchis de vieux spécimens nous indiquaient que nous n'allions pas être bredouilles... Puis l'euphorie était tout de suite retombée. Ça ne trompe pas lorsque les pieds sont coupés par groupes, bien nets et tous à la même longueur : un autre cueilleur était visiblement passé avant nous dans le semaine.


Nous aurions été dans le sud-ouest, cela ne nous aurait pas autant surpris car c'est un champignon qui y est plutôt bien connu sous le nom de "pivoulade" ou "piboulade". Mais ici, en région parisienne, ce serait plutôt le genre de champignon qui fait peur, que les gens sont plus enclins à "shooter" (les imbéciles malheureux) qu'à cueillir !

Pholiotes du peuplier (agrocybe aegerita), spécimens jeunes (chapeaux fermés encore collés à l'anneau sur le pied, couleur brune). Ce sont les meilleurs, mais aussi les plus longs à cueillir. Dans le sud-ouest, ces champignons sont connus sous le nom de "piboulade" ou "pivoulade". En Italie où ils sont très consommés, ce sont les "piopparello" ou encore les "pioppino".

Au final, notre coupeur prédécesseur avait oublié quelques recoins et c'est quand même avec un bon kilo de ses "restes" que nous sommes rentrés...

Penne rigate aux pholiotes



Ingrédients (pour 4) :
  • 4 bonnes poignées de pholiotes du peuplier
  • 350g de penne rigate secs
  • 15cl de crème épaisse
  • 100g de jambon sec coupé en bâtonnets pas trop minces
  • 10cl de vin blanc
  • Quelques brins de persil
  • 2 gousses d'ail
  • Huile d'olive
  • Poivre
Préparation :
  • Nettoyer les champignons sans les mouiller
  • Débiter les plus gros et jeter le tout dans une poêle bien chaude avec un fond d'huile d'olive
  • Les laisser cuire sur feu vif pendant 5 à 10 minutes en les remuant toutes les minutes environ, mais sans y toucher entre temps afin qu'ils rendent un minimum d'eau et prennent de belles couleurs dorées
  • Baisser le feu, ajouter le vin blanc, les allumettes de jambon, la crème et les gousses d'ail pressées
  • Égoutter les pâtes que vous aurez fait cuire dans de l'eau bouillante salée en parallèle
  • Les verser sur les champignons, directement dans la poêle
  • Couper le feu, ajouter le persil haché, quelques tours de moulin à poivre et bien mélanger
  • En principe, avec le jambon, il est inutile de rajouter du sel
La fermeté des pholiotes surprend parfois, mais on s'y fait très vite ! Surtout avec un plat comme celui-ci : pas compliqué à faire, très goûteux avec un mélange de textures agréables en bouche.
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