dimanche 28 août 2016

Graines d'ombellifères

La carotte sauvage (daucus carota), une apiacèe des plus communes. Ses ombelles de fleurs sont très caractéristiques (en fait, des ombelles d'ombellules) avec généralement une fleur plus sombre (souvent noire ou rouge) en leur centre.
Les ombellifères (ou apiacées) constituent une famille de plantes dont beaucoup de membres sont comestibles. Et il n'est même pas besoin de consommer sauvage pour les fréquenter régulièrement : persil, carotte, fenouil, coriandre, panais, carvi, cumin, cerfeuil, céleri, anis, aneth, angélique (et j'en oublie surement) sont toutes des espèces cultivées appartenant à cette famille nombreuse.

Mais attention avant de se jeter sur tout ce qui a une ombelle : les apiacées comptent aussi dans leurs rangs des plantes parmi les plus toxiques qu'on puisse trouver. La ciguë est sans doute la plus connue, car instrument du suicide forcé de Socrate. Mais dans ce registre, l’œnanthe safranée se défend pas mal aussi.
Il faut aussi compter avec la berce du Caucase (heracleum mantegazzianum), qui si elle n'est pas toxique (par ingestion), est source d'autres problèmes. Invasive, elle gagne régulièrement du territoire en direction de l'ouest. Mais son arrachage pose problème car sa sève est photo-toxique (par contact) pour la peau, provoquant des brûlures à retardement avec cloques (quelques heures) laissant généralement des marques brunes pendant des années, voire à vie. De quoi lui préférer sa cousine la grande berce (heracleum sphondylium), autochtone et excellente comestible.

C'est également une famille très polymorphe : Autant l'ombelle est évidente sur des plantes comme la ciguë (toxique), la carotte, ou même sur de plus petites espèces comme le carvi, autant la présence même d'une ombelle peut surprendre sur d'autres espèces comme par exemple les astrances (non comestible) ou encore les panicauts.

Grande astrance (astrantia major), apiacée qu'on trouve plutôt dans les régions montagneuses. Ce qui ici ressemble à deux belles fleurs sont en fait deux ombelles simples regroupant chacune de nombreuses fleurs. La couronne qui ressemble à des pétales est en fait une collerette de bractées. A noter que la grande astrance n'est pas comestible, voire toxique selon certaines références.

Panicaut maritime (eryngium maritimum). Souvent appelé chardon bleu des dunes, il ne s'agit pourtant pas d'un chardon (famille des astéracées), mais bien d'une ombellifère. En regardant de plus près, on retrouve un peu la même structure que sur l'astrance, mais cette fois-ci, la collerette de bractées sous l'ombelle est munie de pointes extrêmement piquantes. Bien que comestible (jeunes feuilles, moelle des tiges), on évitera de cueillir la plante dans les nombreuses régions où elle est protégée.

A la fin de l'été, la plupart des apiacées sont soit toutes sèches soit en pleine fructification. De passage sur la côte Normande, ça a été pour moi l'occasion de faire le plein de graines d'ombellifères comestibles. Beaucoup sont en effet des aromatiques remarquables.

Une bonne partie des ombelles de ces plants sauvages de fenouil (foeniculum vulgare) sont encore en fleurs, mais on trouve déjà de belles graines encore vertes. Avec sa saveur anisée puissante, c'est un excellent aromate. Et lorsque les akènes ne sont pas encore secs, je leur trouve un goût plus rafraîchissant encore.

Quant aux carottes sauvages (daucus carota), plus avancées, la plupart des ombelles ont commencé à sécher. Pour elles aussi je cherche des graines encore vertes : c'est à ce stade que leur parfum de poire est le plus marqué. En séchant, elles perdent une bonne partie de leurs arôme. En séchant, l'ombelle change également d'aspect en se recroqueville sur elle même, prenant la forme d'un nid. Il alors n'est pas rare de trouver des insectes à l'intérieur, dont les magnifiques punaises arlequin, rayées de noir et de rouge. Une petite vérification s'impose donc avant de les cuisiner.

Avec cette première partie de ma récolte, j'ai pu tester une nouvelle liqueur anisée maison....

Ces graines vertes de carotte et de fenouil sont les deux ingrédients aromatiques que j'ai utilisé pour ma liqueur. Après avoir récupéré les ombellules (je me débarrasse des tiges, trop sèches et moins aromatiques), je les ai simplement placées dans un grand récipient, couvertes à hauteur d'une eau de vie à 50°. Après avoir refermé le récipient, j'ai laissé macérer une bonne semaine avant de filtrer...

Après une semaine, le liquide a pris une tinte rouge surprenante, sans doute à cause de la carotte. Cette dernière n'a finalement pas trop communiqué sont parfum de poire, ou plus vraisemblablement, il est masqué par le puissant parfum anisé du fenouil. J'aurai dû faire un échantillon sans la carotte pour pouvoir comparer...

Après avoir rajouté pas mal de sirop de canne (j'en ai utilisé du roux pour accentuer la couleur de la boisson) afin d'adoucir la boisson, le résultat est vraiment excellent... Et phénomène amusant: le liquide se trouble lorsqu'on verse de l'eau fraîche dedans. Comme pour le pastis, l'anethol (molécule aromatique donnant le goût anisé, non miscible à l'eau) se sépare de l'eau en formant des micro-gouttelette qui troublent le liquide dans le verre. Ici, le phénomène est moins intense car la concentration en anethol est probablement plus faible.
A BOIRE AVEC MODÉRATION !

Pour la seconde partie de ma récolte, je me suis attaqué aux fruits d'une autre ombellifère côtière : la criste marine (crithmum maritimum). Très charnues lorsqu'elles sont encore vertes, ces graines peuvent être mangées telles-quelles, permettant ainsi de profiter de leur arôme très particulier, entre carotte, fenouil et céleri avec en plus une petite touche marine. Cette dernière fait que c'est une plante plus adaptée aux plats salés qu'aux desserts ou aux boissons aromatisées.

A gauche, des ombelles de la criste maritime (crithmum maritimum). A droite, celles du panicaut maritime (eryngium maritimum). Alors que le panicaut maritime ne se rencontre presque que sur les sols sableux, la criste aime tout autant les endroits rocheux (d'où un de ces noms : le perce-pierre). Mais l'un comme l'autre ne se rencontrent que sur le littoral.

Comme je n'étais pas loin, j'en ai aussi profité pour faire un tour dans un de mes coins à salicorne. En général, à la fin de l'été, il est déjà trop tard pour la cueillir car elle est déjà devenue trop ligneuse. Mais cette année, elle est encore bien charnue. Je ne me suis donc pas fait prier...

Salicorne d'europe (salicornia europaea). On remarque la partie ligneuse qui fait son apparition à la base des branches, mais les parties hautes sont encore belles, tendres et charnues. J'en profite pour rappeler ici, et contrairement à ce qu'on entend parfois (y compris de la bouche de professionnels de la cuisine) que la salicorne n'est pas une algue, mais bien une plante herbacée. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est même une cousine des épinards (famille des amaranthacées).

Signe que c'est le début de la fin pour la salicorne : ses fleurs. Presque invisibles, il s'agit de ces petits points blancs qu'on distingue le long des tiges charnues.

Et pour ce qui est de la cuisine...


Filet de bar en croute de criste marine et salicorne

Ingrédients(pour 4 personnes) :
  • 1 bar de 1,5kg
  • 150g de salicorne
  • 40g + 15g de graines de criste marine (vertes et bien charnues)
  • 70g de chapelure
  • 100g de beurre pomade
  • 1 oignon doux
  • 20cl de vin blanc
  • 15cl de crème fraîche
  • 1 cuillère à soupe d'huile d'olive
  • Sel et poivre
Préparation:
  • Hacher finement 40g de graines de criste
  • Les mélanger avec le beurre, la chapelure, une cuillère à café de sel et un peu de poivre pour obtenir une panure homogène
  • Réserver et laisser durcir au réfrigérateur pendant 30 minutes au minimum
  • Pofiter de ce temps pour lever les filets du bar
  • Passé ce temps, placer la panure refroidie entre deux feuilles de papier cuisson et l'étaler au rouleau pour obtenir une fine feuille couche panure
  • Utiliser cette panure pour enrober les filets préalablement découpés en pavés
  • Placer le tout sur une feuille de papier cuisson dans une lèchefrite et enfourner à 160°C pour 20 minutes.
  • Pendant ce temps, hacher finement l'oignon, le faire revenir à l'huile d'olive
  • Ajouter le vin blanc, les 15g restant des graines de criste et laisser réduire de moitié
  • Couper le feu, incorporer la crème et réserver
  • Plonger la salicorne 2 minutes dans le l'eau bouillante avant de l'égoutter et de dresser
Note: Seule la panure a besoin de sel, il est inutile d'en rajouter au reste des préparations, la salicorne apportant tout ce qu'il faut.

mercredi 24 août 2016

Reprise

Pour cette reprise, j'ai décidé de changer un peu en postant une recette sucrée, ce qui n'a pas eu lieu depuis longtemps... Qui plus est, ce dessert a énormément plu lorsque je l'ai réalisé la semaine dernière...

L'ingrédient de base de cette recette est une de mes aromatiques sauvages préférées : le serpolet. Discret avant sa floraison, car souvent mêlé à d'autres plantes, cette espèce de thym fleurit tout au long de l'été selon l'ensoleillement et l'altitude.

Serpolet (thymus serpyllum).
Avec sa tendance "tapissante", ses fleurs roses sont capables de couvrir de grandes surfaces, ce qui le rend d'autant plus facile à récolter quand ses tiges se décident à prendre un peu de hauteur. Autre avantage : contrairement au thym commun sauvage qui préfère nettement le sud, le serpolet se retrouve un peu partout en France, du niveau de la mer à plus de 2000m.
Son parfum est assez variable car de nombreuses sous-espèces existent et ce thym s'hybride fréquemment avec d'autres espèces proches (faux pouliot par exemple). On y retrouve bien entendu le thymol comme fragrance de base, mais les arômes sont souvent plus complexes, fréquemment mielleux ou citronnés, parfois mentholés ou camphrés, avec plus ou moins d'intensité. La version citronnée a largement ma préférence, mais la version mielleuse est idéale pour réaliser la recette qui suit...

Pannacotta serpolet-abricot

Ingrédients (pour 8 verres de 125ml) :
  • 200ml de crème fleurette
  • 600ml de lait entier
  • 150g + 1 cuillère à soupe de sucre de canne roux
  • 1 bonne poignée de tiges de serpolet (plus il y en a, mieux c'est)
  • 4 beaux abricots
  • 1 nectarine blanche
  • 3g d'agar-agar
Préparation:
  • Dénoyauter les abricots, les découper en petits morceaux et les placer dans une casserole avec un peu d'eau et une cuillère à soupe de sucre 
  • Les faire compoter à feu doux pendant une dizaine de minutes (rajouter un peu d'eau si le mélange devient trop épais)
  • Réserver cette compote
  • Verser la crème et le lait dans une casserole et amener le tout à frémissement
  • Ajouter le serpolet, couvrir et maintenir en limite d'ébullition pendant quelques minutes
  • Couper le feu et laisser encore un peu infuser à couvert
  • Filtrer pour retirer le serpolet et reverser dans la casserole
  • Ajouter 150g de sucre et les 3g d'agar-agar
  • Porter à nouveau à frémissement pendant 5 minutes (l'ébullition est nécessaire pour que l'agar-agar gélifie correctement)
  • Pendant ce temps, préparer les verres en plaçant un peu de compote d'abricots au fond de chacun
  • Puis répartir délicatement la crème cuite dans chacun des verres (en évitant que compote et crème se mélange)
  • Placer au réfrigérateur pendant au moins un heure
  • Juste avant de servir, ajouter au dessus quelques fines tranches d'un nectarine blanche bien fraîche
Note: La quantité d'agar-agar doit être mesurée précisément. Avec la dose indiquée, la crème est tout juste prise, mais avec trop de gélifiant, elle se solidifie et prend une consistance cassante peu agréable en bouche. Avec un dosage plus faible, la gélification n'aura pas lieu. 
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