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mardi 10 septembre 2019

Une consolation sortie de la mousse

En feuilletant rétrospectivement les pages de ce blog, je me suis rendu compte que cela faisait bien longtemps que je n'avais pas cueilli et préparé d'alises, fruits des alisiers (ici) Me trouvant actuellement dans le sud Vercors, région où l'alisier blanc est plutôt fréquent, j'étais impatient de partir en balade (pour l'occasion accompagné de ma maman) dans un coin repéré plus tôt cet été. Je me régalais déjà à l'idée d'un fromage de chèvre frais accompagné de confiture d'alises.

Nombreuses grappes d'alises, fruits de l'alisier qui en principe mûrissent entre la fin de l'été et le début de l'automne. Ici, un alisier blanc (sorbus aria) dont les feuilles au revers argenté sont typiques. A noter qu'on peut aussi trouver des alises sur l'alisier torminal (sorbus torminalis).

Pourtant, après une petite heure de marche le long des chemins forestiers, ça a plutôt été la déception : en effet, bien que très nombreuses, les alises sont encore bien vertes et seules quelques rares baies commencent à peine à prendre une teinte plus dorée. Il leur manque bien 3 à 4 semaines avant qu'elles atteignent leur pleine maturité !

Les fruits de l'alisier blanc sont couverts d'un fin duvet. Mûrs, ils prennent une couleur variant du rouge brique au brun-rouge. Pour les utiliser dans une confiture, il faut que les fruits soient ultra-mûrs, voire blettis (âpres sinon). On en est donc encore loin !

Sur ce constat, nos regards qui jusque là étaient plutôt tournés vers le haut, ont changé d'orientation et ont tout d'abord repéré une belle clavaire dorée (non comestible). Après plusieurs semaines sans pluie et juste de légères averses la veille, sa présence ici était plutôt surprenante. Mais comme elle était bien là, cela pouvait aussi indiquer la présence d'autres espèces plus intéressantes. Et la confirmation n'a pas tardé avec tout d'abord une belle série de lactaires saumon, puis deux beaux cèpes et enfin de nombreux écailleux.

Lactaire saumon ou lactaire des sapins (lactarius salmonicolor). Il peut être confondus avec plusieurs de ses cousins lactaires à lait orange (dont aucun n'est toxique à ma connaissance). Mais la distinction des différentes espèces peut se faire en fonction des arbres sous lesquels on les trouve : lactaire délicieux (lactarius deliciosus) sous les pins, lactaire des épicéas ou lactaire détestable (lactarius deterrimus) sous les épicéas, lactaire saumon (lactarius salmonicolor) sous les sapins.

Lactaire saumon ou lactaire des sapins (lactarius salmonicolor). On voit bien ici les principales caractéristiques de ce champignon qui ne pousse que sous les sapins : scrobicules (fossettes) sur un pied creux ou farci, lait peu abondant de couleur orange virant au brun en 20-30 minutes, marge enroulée sur les jeunes spécimens, lames subdécurentes.

Un joli cèpe de Bordeaux (boletus edulis) malheureusement trop véreux.

Ecailleux, éperviers ou encore hydnes imbriqués (sarcodon imbricatus). Très appréciés en Franche-Comté et en Suisse où ils sont généralement préparés au vinaigre, ils sont délaissés ailleurs. L'aspect écailleux de la partie supérieure de leur chapeau, la présence d'aiguillons et non de lamelles sur la partie inférieure laissent peu de doutes quant à leur identification. Ils peuvent toutefois être confondus avec leur cousin l'hydne rugueux (sarcodon scabrosus) qui a des écailles bien moins marquées et un pied plus sombre tirant vers le bleu-vert à sa base. La confusion n'aurait toutefois pas de grave conséquence, l'hydne rugueux n'étant pas toxique.

Bien que n'étant pas les meilleurs des lactaires, les lactaires saumon ou lactaires des sapins (lactarius salmonicolor) ont un certain intérêt. Utilisables grillés, sautés, au vinaigre, à la grecque, je trouve personnellement que c'est dans les plats mijotés en sauce qu'ils se révèlent vraiment. Ils ont en effet deux caractéristiques intéressantes pour ce type de préparation : d'une part leur très bonne tenue à la cuisson (peu de réduction et texture restant assez ferme), d'autre part leur mucilage qui à la cueillette les rend gluants (surtout par temps humide) mais qui, lors de la cuisson, donne du liant à la sauce.

Mijoté de bœuf aux lactaires

Ingrédients pour 4 :
A servir avec du riz, des pâtes ou encore des pommes vapeur.
  • 700g de viande de bœuf à pot au feu (type paleron, jumeau, gîte, macreuse etc.) parée
  • 100g de poitrine de porc fumée découpée en lardons
  • 500g de lactaires frais
  • 4 tomates
  • 2 oignons
  • 1 carotte
  • 3 gousses d'ail
  • 1 cuillère à soupe rase de feuilles séchées de thym
  • 1 feuille de laurier
  • Huile d'olive
  • Sel et poivre
Préparation :
  • Bien nettoyer puis laver les champignons avant de les égoutter
  • Découper les plus gros, garder les plus petits entiers et réserver
  • Hacher l'oignon grossièrement et le faire revenir sans coloration dans un peu d'huile d'olive avec les lardons, puis réserver
  • Découper la viande en gros cubes et la laisser se colorer dans un filet d'huile d'olive bien chaude
  • Lorsque la viande est bien saisie, ajouter les champignons, l'oignon et les lardons, les tomates préalablement concassées, les gousses d'ail pelées et écrasées, la carotte découpée en fines rondelles, le thym, le laurier et un peu de poivre
  • Ajouter de l'eau à hauteur
  • Amener doucement à frémissement puis laisser mijoter à couvert pendant 2 heures
  • Découvrir et laisser réduire la sauce à feu moyen pendant encore 1 petite heure
  • Les lardons apportant leur dose de sel et la réduction concentrant les saveurs, ne saler qu'à la fin selon votre goût

Et pour ceux qui se posent la question des écailleux, voici selon moi la manière la plus simple de les préparer :

Écailleux au vinaigre

  • Laver les champignons et les débiter en morceaux assez gros
  • Diluer une bonne quantité de vinaigre blanc à 8% avec 2 fois plus d'eau (mélange 1/3 vinaigre - 2/3 eau, voire plus d'eau si vous ne cherchez pas une longue durée de conservation)
  • Porter ce liquide à ébullition
  • Y ajouter les champignons
  • Attendre que l'ébullition reprenne et laisser cuire 5 bonnes minutes
  • Ajouter une pincée de sel fin au fond des bocaux avant d'y verser les champignons et de compléter à hauteur avec le liquide brûlant
  • Fermer les bocaux et les laisser refroidir tête en bas

Préparés de cette manière, les écailleux peuvent se conserver 2 à 3 ans sans problème.
A noter qu'il existe beaucoup de variantes. Par exemple, sur la même base, on peut commencer par faire dégorger les champignons au sel pendant quelques heures pour les affermir avant de les ébouillanter. On peut aussi utiliser un liquide vierge (bouillant avec la même proportion eau-vinaigre) pour la mise en bocal car le liquide de cuisson a tendance à noircir. Enfin, on peut ajouter des aromates, mais personnellement, je préfère le goût du champignon nature.