Les estuaires sont vraiment des milieux remarquables pour qui veut s'approvisionner en plante sauvages comestibles. J'en ai encore eu la preuve il y a tout juste quelques jours alors que je faisais un passage rapide à proximité de l'un d'eux.
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Il n'y a pas que l'obione (halimione portulacoides) dans les estuaires.
Rien que sur cette photo, on trouve les deux autres excellentes espèces
comestibles dont je parle ci-dessous. |
De loin, l'étendue plate et uniforme majoritairement couverte de plantes aux feuilles gris-vert pourrait même laisser croire l'inverse. En s'approchant, on remarque tout d'abord que ce vert argenté provient des feuilles de l'obione, une première comestible. Très intéressantes au niveau gustatif, je la dédaigne souvent car bien que ses feuilles soient assez charnues, elle sont surtout petites et nécessitent une longue et patiente cueillette. Qui plus est, le fait que celles-ci se trouvent au bout de branches ligneuses immangeables n'arrange rien : soit on récolte "en gros", ce qui oblige de trier à posteriori, soit on récolte "finement", ce qui oblige à faire une cueillette presque feuille à feuille. Bien que ce soit la période idéale pour les consommer (les nouvelle feuilles de l'année sont maintenant pleinement déployées), d'autres victimes potentielles ont attiré mon regard avant que je n'ai eu à me décider.
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Cranson d'Angleterre (cochlearia anglica).
Attention, espèce protégée dans certaines régions. |
En effet, de-ci, de-là, des groupes de fleurs d'un blanc éclatant rompaient la monotonie argentée de l'étendue d'obione. Dans ce type de biotope, les fleurs bien visibles ne sont pas légion, c'est pourquoi celles-ci m'ont tout de suite intrigué. Premier constat : des fleurs avec 4 pétales en croix, il y a donc de fortes chances pour qu'il s'agisse d'une crucifère (ou "brassicacée", comme les choux). Rares sont celles qui sont réellement toxiques, mais il faut quand même se méfier. Second constat : la plante est déjà bien avancée et les feuilles les plus caractéristiques, c'est à dire en général celles situées à la base de la plante ont pratiquement toutes disparu. La forme de celles qui restent évoque celle des feuilles du cranson officinal, mais deux différences frappent tout de suite : la taille de la plante (plus imposante que le cranson officinal) et la texture des feuilles (épaisses et charnues). A y regarder de plus près, il s'agit probablement de cranson d'Angleterre, tout à fait comestible lui aussi. Je ne peux d'ailleurs par résister à prélever quelques belles feuilles pour les croquer immédiatement : la saveur à la fois piquante et salée de la plante est très agréable (plus même, qu'avec le cranson officinal). Mais je n'en prendrai pas plus : plus tôt dans la saison, avant qu'il ne monte trop, j'en aurai probablement prélevé quelques rosettes...
Mais qu'à cela ne tienne, alors que juste à côté, de minuscules pousses de soude marine et de pousses de salicorne encore plus petites pointent le bout de leur nez (au mieux, il faudra attendre juin pour commencer à les cueillir), j'aperçois déjà la plante qui, j'en suis certain, fera mon bonheur : quelque mètres devant moi se dressent des bouquets de feuilles d'un beau vert qui tranche avec celui de l'obione. Bien que les fleurs bleutées de cette plante sont encore loin d'avoir fait leur apparition, ce que je vois devant moi ne laisse aucun doute : ce sont bien des oreilles de cochon ou plus précisément des feuilles d'aster maritime.
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Aster maritime (aster tripolium), ou oreilles de cochon.
Très parfumée, elle est aussi bonne crue que cuite.
Attention, espèce protégée dans certaines régions. |
Vigoureuses et charnues, elles ont bien profité de la pluie et des grandes marée du mois d'avril : elles sont tout juste parfaites ! Là encore, je ne peux m'empêcher d'en croquer quelques unes : très parfumées, sans aucune amertume, mais avec cette délicate saveur salée des plantes halophiles... j'adore ! Et je repars donc avec quelques poignée et aussi quelques idées de préparations, dont une version salée d'un gâteau que ma maman faisait souvent et que j'adorais : le gâteau marbré. Elle, c'était avec du chocolat, moi, ce sera avec des oreilles de cochon...
Gâteau marbré aux "oreilles de cochons"
Ingrédients :
- 350g d'aster maritime
- 250g de restes de poisson blanc (dorade, cabillaud, merlu, etc.) cuits et triés
- 3 oeufs
- 25cl de lait entier
- 200g de farine
- 1 sachet de levure chimique
- 4 cuillère à soupe d'huile de tournesol
- Sel et poivre
Préparation :
- Préparer la base de l'appareil en mélangeant la farine, la levure, quelques pincées de sel et de poivre, les œufs, le lait et l'huile, puis répartir en quantité égale dans deux grands bols et réserver
- Prélever la moitié basse des feuilles d'aster (celle avec la côte et éventuellement un peu de tige) et réserver le reste (le haut des feuilles)
- Blanchir les parties prélevées et bien les égoutter en les pressant
- Les hacher finement, puis y joindre le reste de l'aster, c'est à dire le haut des feuilles, préalablement émincées en julienne
- Incorporer le tout à une première moitié de l'appareil
- Émietter le poisson et l'incorporer à l'autre moitié de l'appareil
- Chemiser un moule à cake (beurrer et fariner)
- Y verser les deux appareils de la manière que vous voulez (l'un après l'autre, par quarts, etc.), le but étant que les deux couleurs forment des marbrures
- Enfourner pour 45 minutes environ dans un four préchauffé à 200°C
Notes :
- Les parties dures de l'aster sont blanchies pour qu'elles s'incorporent mieux à l'appareil et le reste ne l'est pas pour conserver un maximum des arômes.
- Pour en profiter au maximum, il vaut mieux utiliser du poissons dont la chair n'est pas trop forte.
Ah, et puis j'oubliais, si vous n'avez pas la chance de trouver de l'aster maritime pour cette recette, vous pourrez toujours vous rabattre sur l'obione, ou même la bette maritime, très commune sur tout le littoral. Le gâteau n'aura pas le même goût, mais en principe, il sera autant apprécié !
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Bette maritime (beta vulgaris sous-espèce maritima). |