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lundi 23 septembre 2013

Décapode et polypode dans la même assiette

Ce week-end était l'occasion de profiter des dernières grandes marées de l'année. Comme les fidèles de ce blog le savent désormais, j'adooooore la pêche à pied et je me suis donc rendu au même endroit qu'il y a maintenant un mois. Mon secret espoir : enfin réussir à capturer un beau homard.

Cette fois-ci, pour mettre toutes les chances de mon côté, j'avais mieux préparer la sortie, en me renseignant un peu plus sur les techniques de pêche. Car il ne suffit pas de disposer des bons instruments (en l’occurrence, un crochet à crabes), encore faut-il savoir les utiliser...

Mais la marée basse est encore loin et pour patienter, une petite balade dans les bocages normands s'impose.

Les nombreux murets en pierres sèches, érigés en guise de clôtures, sont pour la plupart recouvert d'une épaisse végétation dans laquelle on retrouve pèle-mêle mousses, fougères, ronces, chèvre-feuille, clématites et même pommiers.

Encore un témoin des fructifications désordonnées : des ronces (rubus fructicosus) encore en fleur,
très appréciées par un magnifique vulcain (vanessa atalanta).

Les pommiers abandonnés sont assez fréquents le long des murets.
Pas encore tout à fait mûres, leurs petites pommes à cidre sont à la fois amères et acides.
C'est pas terrible en bouche lorsqu'on croque dedans !

Capturant les quelques rayons de soleil perçant de temps à autres entre les nuages, des feuilles d'un beau vert tendre attirent tout de suite le regard. Avec leur extrémité encore enroulée en crosse, les plus jeunes sont caractéristiques des frondes de fougères. Les feuilles profondément divisées en segments alternes orientent rapidement vers un polypode.

Polypode intermédiaire (polypodium interjectum). Les segments centraux des frondes sont souvent
plus longs que ceux de la base (pas forcément le cas sur les jeunes frondes) et les sores (en quelques
sortes les organes reproducteurs de la plante), disposés sur leur face inférieure, ont une forme
elliptique. Toutes ces feuilles sont issues d'un seul et même spécimen dont le rhizome forme un
réseau recouvrant leur support (à tel point qu'on ne le voit plus), emmêlé avec le lierre et la mousse.

Cette plante doit son nom à son rhizome qui forme un véritable réseau duquel partent toutes les feuilles (poly=plusieurs, pode=pied). Bien pelé, débarrassé de ses écailles rousses (ce qui n'est pas gagné), il est comestible. Selon les endroits, il peut être plus ou moins amère (pour ceux que j'ai trouvés jusqu'à présent, c'était plutôt "moins"), mais toujours avec un goût sucré. On le récolte généralement à la fin de l'été et au début de l'automne, on est donc en plein dedans !

Les autres espèces de polypodes qu'on trouve communément en France (polypodium
vulgare et polypodium australe) produisent elles-aussi des rhizomes comestibles.
Ils avaient d'ailleurs été classés comme une unique espèce par le célèbre botaniste
suédois Carl von Linné (c'est lui le "L." qu'on trouve souvent à la droite des noms
latins des plantes dans les ouvrages de botanique).

Encore utilisé traditionnellement dans certain pays slaves, il n'est consommé en France que de manière ponctuelle, tout particulièrement en haute gastronomie (Marc Veyrat). Il y a encore quelques décennies, ses racines faisaient partie des ingrédients utilisés par le confiseur Achard-Verdurand à Die (dans la Drôme) pour son nougat. Bien qu'à ma connaissance elles n'en font désormais plus partie (probablement trop de préparation), ce confiseur fait toujours un excellent nougat (un peu cher, mais on en a pour son argent). Si vous avez l'occasion de passer à Die, leur boutique à elle-seule vaut le détour : toute en boiseries, semblant ne pas avoir changé depuis la création de la maison en 1839.

Je parle, je parle et voilà qu'on a failli passer à côté de cette chaîne de rosés des prés. Plus le temps de discuter : récolte expresse, car l'heure des basses eaux approche et il faut s'aménager suffisamment de temps avant (une ou deux heures) pour la pêche à pied. De cette manière, on peut reprendre le chemin de la maison aussitôt que l'eau commence sa remontée, et ainsi ne pas risquer de se retrouver dépassé par les flots.

"Rond de sorcière" (ici, c'est plutôt un "point d'interrogation de sorcière") constitué d'une
succession de rosés des prés (agaricus campestris) plus ou moins avancés. Les jeunes spécimens
ressemblent comme deux gouttes d'eau aux champignons de Paris (du genre biologique agaric eux aussi).
Ils ont des lamelles roses qui ont tendance à noircir avec l'âge. A ne pas confondre avec l'agaric
jaunissant (agaricus xanthodermus) qui lui est toxique. Pour l'identifier, comme son nom l'indique, il
jaunit au toucher et a une odeur phénolée (à noter que d'autres agarics comestibles jaunissent eux
aussi, mais ont une odeur anisée).

Sur place, sous le regard attentif des cormorans, me voilà parti en quête de trous où pourraient de cacher tourteaux et homards. Mais ici, le feuilletage minéral des schistes est un véritable gruyère (expression erronée d'ailleurs, car le gruyère est totalement dépourvu de trous). Il faut donc pouvoir faire une pré-sélection et monsieur le homard nous donne de précieux indices en accumulant les déchets à l'entrée de sa tanière...

Lentement, l'eau se retire et les rochers apparaissent.
Les trous les plus intéressant sont généralement à leur base.

Après quelques essais infructueux, d'autres réussis, mais avec des spécimens en dessous de la taille légale (le céphalothorax, c'est à dire la tête, doit au moins faire 8,7cm), mon crochet titille quelque-chose qui commence à s'agiter et tente de s'échapper. J'ai tout juste eu le temps de le voir pointer sa queue (monsieur voyage à reculons lorsqu'il est pressé) avant de pouvoir l'immobiliser : l'affaire est dans le sac !

Homard européen (homarus gammarus), à la couleur bleue caractéristique.
Celui-ci est en dessous de la maille (tête d'une longueur de 6cm environ alors que le minimum est de
8,7cm). Lorsqu'il veut se défendre, il lève ses pinces vers le ciel près à frapper (gare à celles-ci car elles
sont non seulement puissantes mais également munies de pointes acérées comme des dents).
S'il prend peur, il part à reculons en donnant de violents coup de queue.

On pourrait presque prendre cet autre décapode pour un homard miniature,
mais il s'agit d'une galatée (galathea squamifera), beaucoup plus petite, même au stade adulte.

Je ne m'étendrai pas sur le reste de la pêche, principalement constituée d'étrilles et de crabes verts, car maintenant, on passe en cuisine...

Décapode et polypodes sur duxelles de rosés des prés

Les tranches de polypode sont un peu trop épaisses (pour la photo).
Les parties jeunes ne sont pas vraiment fibreuses, mais elles sont
très fermes. Plus elles sont fines, meilleures elles seront.
Ingrédients (pour un petit plaisir solitaire) :

  • Un homard de 300g au moins
  • 150g de rosés des prés
  • 1 petit oignon doux
  • Une bonne noix de beurre
  • Deux bonnes louches d'un fumet de crabe (étrilles et crabes verts)
  • 40g de racines de polypode, pelées et nettoyées
Préparation :
  • Hacher finement l'oignon
  • Faire de même avec les champignons après les avoir bien nettoyés
  • Placer une belle noix de beurre au fond d'une poêle bien chaude
  • Ajouter l'oignon et les champignons dès que le beurre est bien mousseux
  • Laisser cuire sans y toucher pendant une ou deux minutes (la duxelles a tendance à noircir, ce qui est tout à fait normal avec les rosés des prés)
  • Remuer et laisser encore cuire jusqu'à ce que le fond de la poêle soit à peu près sec
  • Verser un premier tiers du fumet et attendre qu'il ait été bu par les champignons
  • Recommencer avec les deux autres tiers et réserver
  • En parallèle des champignons, ébouillanter le homard dans de l'eau bien salée (l'idéal étant d'utiliser de l'eau de mer) pendant 5 à 10 minutes selon le gabarit du homard
  • Une fois cuit, le couper en deux dans le sens de la longueur
  • Jeter les intestins (situés dans la queue) et la poche à caillou (située à l'avant de la tête)
  • Récupérer la chair des pinces et de la queue (le reste, c'est à dire le corail, très parfumé peut être ajouté à la duxelles)
  • Commencer le dressage en aménageant un lit de duxelles
  • Y placer la chair du homard
  • Finir en versant le rhizome de polypode découpé en fines tranches et revenu au beurre (sans coloration)

Dicté par les circonstances, ce mélange étonnant fonctionne à merveille !

mercredi 18 septembre 2013

Baie noires entre deux douches

Difficile de trouver des conditions favorables à la récolte des baies sauvages en cette fin d'été (ou plutôt en ce début anticipé d'automne). Cueillies mouillées, celles-ci auraient en effet tendance à pourrir très vite, et même si certaines échappaient à ce triste sort, les rescapées seraient tellement gorgées d'eau qu'elles perdraient une bonne partie de leur saveur.

Pourtant dimanche, faisant confiance aux bons augures des prévisions météorologiques, nous avons décidé de partir en direction de la Côte d’Albâtre pour faire le plein. Sur place, je savais déjà ce que nous allions rencontrer, mais la grande question était : "dans quel état ?".
Car depuis le printemps calamiteux que nous avons subis il y a quelques mois, les plantes accusent un retard de croissance atteignant plusieurs semaines dans certains endroits. Pour les plantes fruitières, c'est encore plus étrange, avec des fruits qui arrivent à maturité dans une totale anarchie.

Mais constatez-donc par vous-mêmes ce que nous avons trouvé...

Sur la photo, on remarque les conséquences du décalage saisonnier de cette année : le même arbre héberge des corymbes de fruits allant du vert complet au noir complet (ce sont ces derniers qu'il faut cueillir). Mais verts ou noirs, les corymbes du sureau noir (sambucus nigra) sont alourdis par les fruits et pointent tous vers le bas. C'est généralement l'astuce qu'on donne pour le distinguer du sureau yèble (sambucus ebulus). De mon côté, je préfère noter que le sureau noir est un arbre (certes pas très grand, mais avec un tronc et des branches) alors que le yèble (ou hièble, les deux marchent) est une plante herbacée. S'il est important de les distinguer, c'est que les baies du yèble sont toxiques (faiblement toutefois). Crues, celles du sureau noir le sont aussi (émétiques, elles provoquent des troubles digestifs), mais leur toxicité disparaît à la cuisson.

Il est assez fréquent de voir plusieurs niveaux de maturité sur un pied de ronce (rubus fructicosus), mais à ce point là... Remarquez aussi les quelques fruits moisis : l'humidité apportée par la pluie a déjà frappé. Les baies les plus en retard n'auront sans doute pas le temps d'arriver à maturité.

Ayant habituellement un succès aléatoire dans la confection des gelées (environ 1/3 de mes tentatives ne prennent pas suffisamment), j'ai cette fois-ci opté pour un préparation des baies de sureau en sirop. Après celui confectionné avec les fleurs au printemps, presque incolore, on a du mal à croire que le liquide sombre obtenu avec les fruits provient de la même plante ! Gare aux taches !

Il est beaucoup plus pratique de cueillir entiers les corymbes de sureau, pour ensuite les égrainer à l'aide d'une fourchette. Pour les transformer en sirop, c'est tout simple : cuire et faire éclater les grains dans une grande marmite, filtrer et peser le jus, y dissoudre une quantité égale de sucre, ajouter du jus de citron (1 citron par litre), porter à nouveau à ébullition pendant au moins 5 minutes et embouteiller (se conserve au frais pendant quelques semaines).
Quant aux mûres, plus longues à cueillir et donc moins nombreuses dans nos boîtes, elles ont trouvé une autre utilisation, toute aussi bonne...

Tarte aux mûres, dans un miroir de sureau


Ingrédients :

  • Pour le fond de tarte :
    • 200g de farine,
    • 150g de beurre demi-sel froid
    • 75g de sucre,
    • 25g d'amandes en poudre
    • 1 oeuf
  • Pour la garniture :
    • 500g de mûres fraîches
    • 60cl d'eau
    • 50g d'amandes en poudre
    • 40g de sucre
    • 10cl de sirop de baies de sureau
    • Le jus d'un demi citron
    • 5g d'agar-agar

Préparation :

  • Fond de tarte :
    • Crémer le beurre avec le sucre et les amandes en poudre (mélanger à la cuillère pour obtenir un mélange lisse et homogène)
    • Incorporer ensuite l’œuf et finir avec la farine
    • Lorsque l'appareil est homogène, en former une boule, la filmer et la placer au réfrigérateur pendant au moins 30 minutes
    • Après ce délai, abaisser la pâte pour l'étaler sur une feuille de papier cuisson puis dans un moule à tarte (on peut aussi chemiser le moule au beurre et à la farine et y placer la pâte directement)
    • Rabattre le surplus de pâte sur les bords afin de les épaissir (on peut aussi froncer la pâte)
    • Piquer le fond avant d'étaler une autre feuille de papier cuisson (piquée également) sur le dessus
    • Lester avec des haricots secs ou des petits cailloux (évitera que le fond se déforme durant la cuisson à blanc)
    • Enfourner une bonne dizaine de minutes dans un four préchauffé à 200°C
    • Sortir du four, retirer le leste et le papier du dessus
    • Le fond chaud est encore très mou, il faut le laisser refroidir pour qu'il durcisse et prenne sa texture sablée
  • Garniture :
  • Pour obtenir un bel effet translucide avec la poudre
    d'amande, la gelée doit être versée en deux temps.
    Faire aussi attention dans le dosage de l'agar-agar,
    car si on en met trop, la gelée prend une texture
    caoutchouteuse.
    • Dans une casserole, mélanger l'eau, le sirop, le jus de citron et la poudre d'agar-agar
    • Porter le tout à ébullition et l'y maintenir une bonne minute (étape nécessaire pour que l'agar-agar prenne en gelée)
    • Laisser tiédir
    • Pendant ce temps, étaler et tasser la poudre d'amandes sur le fond de tarte, maintenant refroidi
    • Ajouter ensuite les mûres tout juste sorties du réfrigérateur, de telle sorte qu'elles ne forment qu'une seule couche avec un minimum d'interstices
    • Verser ensuite une première partie du liquide encore tiède à mi-hauteur
    • Placer 5 minutes au réfrigérateur le temps que la gelée commence à prendre
    • Verser ensuite le reste du liquide (maintenu tiède en attendant) pour s'arrêter un ou deux millimètres avant qu'il ne déborde
    • Placer au moins une heure au réfrigérateur avant de servir (mais ne pas attendre plus d'une douzaine d'heures, car petit à petit, la gelée humidifie le fond de pâte sablée et le rend cassant)

Note : Plutôt discrète en goût, la gelée de sureau est essentiellement décorative dans cette recette, pour laisser la part-belle aux mûres. Si vous ne disposez pas de sureau, vous pouvez aussi utiliser une gelée de vin rouge (30cl de vin rouge type pinot noir pour 40cl d'eau, 60g de sucre et toujours 5g d'agar-agar).

jeudi 12 septembre 2013

Un gros rouge qui tache

Fistuline hépatique (fistulina hepatica).
Spécimen un peu trop vieux pour la récolte.
Mais celui-ci n'a rien de commun avec un vin bon marché aux relents de picrate, car c'est d'un champignon qu'il s'agit. Et on peut dire que de prime-abord, celui-ci n'a vraiment rien pour lui.

Sa couleur tout d'abord : orange-clair à ses début, il vire ensuite rouge-brique, puis rouge-sang lorsqu'il est saturé d'humidité.

Sa texture aussi est altérée par l'humidité : sa face supérieure fixe l'eau sous forme d'une substance gélatineuse dégoulinante. Les jours de pluie, ce sont carrément des gouttes de "sang" qui s'écoulent des bords de son chapeau.

Orange, rouge brique, avec une peau semblant couverte de papilles comme
une langue, c'est comme cela qu'il faut la cueillir. La forme de celle-ci n'est
pas des plus caractéristiques, mais d'un autre côté, c'est un champignon
très polymorphe. la forme habituelle est un chapeau ovale assez épais
surmontant un pied excentré assez massif.
Son aspect général : il lui vaut le nom de "langue de bœuf" ou même parfois de "foie de bœuf", et on comprend tout de suite pourquoi en le voyant.

Même son nom normalisé a quelque-chose de repoussant : "fistuline hépatique" évoque plus surement le nom d'une maladie que celui d'un champignon.


Et pourtant ...


Cueilli jeune, débarrassé de sa peau et de ses tubes, il commence à dévoiler ses secrets.

Sa chair est parcourue de veines dont les couleurs couvrent toute une palette de nuances de rouges, formant de magnifiques motifs.



Très apprécié des limaces, il est rare de trouver de grandes langues de bœuf dépourvues de toute
blessure. Mais lorsqu'on en trouve une comme celle-ci (surtout sa partie inférieure), format une boule
épaisse et très charnue, les quelques défauts de surfaces sont vite oubliés. Fait intéressant : c'est un
champignon fidèle qu'on retrouve souvent aux même endroits d'une année sur l'autre...

Coupée en lamelles et dégustée crue, sa chair a un goût légèrement acidulé et rafraîchissant : Idéale pour une salade. Mais si vous voulez profiter de sa belle couleur, il vous faudra la préparer et la servir rapidement car elle s'oxyde vite et vire rapidement au brun-pourpre (cette dégradation n'est que visuelle et n'a pas réellement d'effet sur son goût)...

Version crue, comme un légume (ou façon sashimi).
Des graines de sésame blanc, un filet d'huile de sésame, un peu de fleur de sel, concombre
et poivron doux, et voilà une salade rafraîchissante, goûteuse et très colorée.

Escalopée en gros morceaux, légèrement huilée et cuite à la plancha ou sur une grille, ses saveurs évoluent pour rappeler les grillades : Idéale pour un plat chaud très peu calorique. Petits conseils : avant de peler le champignon, laissez-le s'assécher en surface en le plaçant quelques heures dans un endroit sec et frais, et lors de la cuisson, ne pas hésiter à bien le marquer.

Version cuite, comme une grillade (on croirait presque voir de la viande).
Badigeonnée d'huile d'olive, accompagnée de légumes eux aussi grillés de la même manière,
la fistuline hépatique fait rapidement oublier son nom peu ragoutant.

jeudi 5 septembre 2013

Thymus serpyllum

Nom normalisé : Chénopode blanc
Nom latin  : Chenopodium album.
Noms vernaculaires : Epinard sauvage (également utilisé pour désigner le Chénopode bon-Henri), ansérine blanche, poule grasse, drageline, senousse, blé-blanc (alors que ce n'est pas une graminée contrairement au blé), herbe aux vendangeurs, chou gras (alors que ce n'est pas un chou)

A plusieurs reprises, que ce soit par l'intermédiaire de commentaires ou d'e-mails, il m'a été demandé pourquoi, dans les billets de ce blog, je donnais systématiquement les noms latins des plantes dont je parlais, me suggérant même parfois que c'était totalement inutile. Alors à l'occasion de ce court billet (difficile, en ces temps de reprise, de trouver du temps pour cuisiner et écrire), je vais essayer de vous exposer mes raisons, tout en espérant ne pas être trop soporifique. Pour les plus patients, il y a même une recette à la fin de cet article...

A l'origine de mon choix, il y a tout d'abord la volonté de ne pas décrire de manière trop détaillée le moyen d'identifier les espèces dont je parle (bien qu'il m'arrive de le faire de temps en temps). Je ne suis qu'un "botaniste dilettante" et à ce titre, je préfère que mes lecteurs s'orientent vers des ouvrages de référence lorsqu'ils souhaitent connaitre de manière détaillée les clés d'identification des plantes que je cuisine. Le principal problème alors est de savoir sous quel nom désigner ces plantes, de telle sorte que celui-ci puisse être utilisé pour faire ces recherches complémentaires.

Il faut tout d'abord comprendre que beaucoup d'espèces de plantes ont des noms multiples, souvent régionaux : les noms vernaculaires. Il arrive que certains d'entre-eux soient utilisés dans toute la francophonie pour désigner la même plante, mais c'est loin d'être le cas général.

Comme c'est encore trop simple, selon les régions (qu'il s'agisse de régions en France ou de manière plus étendue dans toute la francophonie), il arrive aussi que les mêmes dénominations soient employées pour désigner des espèces différentes, parfois sans aucun point commun entre-elles.
Pour cette raison, les botanistes ont essayé d'attribuer aux plantes des noms "normalisés" français. Malheureusement, ces noms "normalisés", inspirés des noms latins, mais aussi des noms vernaculaires, peuvent eux-mêmes se retrouver utilisés localement pour désigner d'autres espèces.

Nom normalisé : Renouée à feuilles pointues
Noms latin : Reynoutria japonica, Fallopia japonica, Pleuropterus cuspidatus, Pleuropterus uzenensis, Polygonum cuspidatum
Nom vernaculaire : Renouée du Japon (que j'utilise systématiquement)

A cause de cela, ils ont également créé un certain nombre de règles typographiques (minuscules/majuscules) à respecter pour permettre la distinction entre les uns et les autres. Mais ces règles subtiles n'étant pas forcément connues de tous, l'utilisation des noms latins me semblait beaucoup plus pratique...

J'ai donc fait mon choix en ne respectant pas les règles typographiques, mais en essayant de toujours donner le nom binomial (genre + espèce) latin.

Mais il ne faut pas croire non plus que cela résout tous les problèmes, car même sur ces noms existent des synonymes : Découverte et description concomitante d'une même plante par plusieurs biologistes (généralement de pays différents, chacun d'eux pensant être le premier), fusions d'espèces (deux plantes désignées différemment qui s'avèrent être des sous-espèces de la même espèce) ou au contraire dissociation d'espèces (des plantes initialement classées comme des sous-espèces qui s'avèrent finalement être des espèces distinctes, voire des genres différents) ... les raisons peuvent être nombreuses. Et je ne parle même pas des chamboulements liés à l'introduction de la classification génétique !

Malgré tout, je pense que les noms latins restent actuellement le moyen le plus "universel" pour désigner une plante avec un minimum d'ambiguïté. Ils restent le meilleur point d'entrée pour aller chercher plus d'informations dans des ouvrages de référence, et ceci, quelle que soit leur langue ou la région du monde qu'ils couvrent.

Nom mormalisé : Serpolet
Nom latin : Thymus serpyllum
Noms vernaculaires : serpolet, thym serpolet, farigoulette (également utilisé pour le Thym commun)

A propos de serpolet justement, puisqu'il sert de titre à ce billet, voici comme annoncé une petite recette bien sympathique et très parfumée pour finir...

Roulé d'agneau rôti au serpolet

Ingrédients (pour 4) :
Roulé d'agneau rôti au serpolet. Ici, je l'ai accompagné de pommes de terre, petits oignons blancs et gousses d'ail entières, tous rissolés. Les fanes des oignons ont été hachés crus et utilisés à la fin pour le dressage.

  • Un épaule d'agneau (1kg environ)
  • Une bonne poignée de feuilles et leurs séchées de serpolet
  • Une gousse d'ail
  • Huile d'olive
  • Sel et poivre

Préparation :

  • Désosser l'épaule de telle sorte que la viande ne forme qu'un seul morceau
  • Si le morceau en question est trop épais, le couper dans son épaisseur pour doubler sa surface
  • L'étaler en plaçant sa face la plus maigre vers le haut
  • La parsemer de la totalité du serpolet sur toute sa surface
  • Y répartir aussi l'ail finement haché, une pincée de sel et un peu de poivre moulu
  • Enrouler la viande sur elle-même et la ficeler en serrant bien pour qu'elle reste compacte à la cuisson
  • Huiler (et saler encore un peu)
  • Placer dans un plat creux et enfourner à 200° pendant une petite demi-heure en nourrissant régulièrement le roulé avec son huile