mardi 29 décembre 2015

Que des salades !

Qu'il est agréable, en cette fin d'année, de se balader sur les collines bordant le Rhône.
Ici, quelle que soit la pente, les coteaux les mieux exposés sont intégralement couverts de vignes (les vendanges dans le coin, ça doit être sportif !). Ailleurs, on alterne entre friches (peut-être d'anciens vergers, c'est aussi le coin) et forêts de chênes pubescents.

Ça, c'était hier au dessus de Crozes-Hermitage.
Aujourd'hui, c'est un peu plus ... mouillé !

Et bien entendu, au milieu de ce paysage courent de nombreux chemins sur les bords desquels poussent une multitude de plantes comestibles, certaines de saison, d'autre moins... perturbées par la douceur inhabituelle de cette fin d'année.

Discrète mais présente presque toute l'année, la petite oseille (rumex acetosella) se reconnait à sa petite taille et surtout aux oreillettes situées à la base du limbe. Celles-ci sont nettement visibles, perpendiculairement au pétiole, voire même pointant vers l'avant. La saveur de ses feuilles donne une touche délicatement acidulée aux salades auxquelles elles sont jointes. Ne pas confondre avec l'autre "petite oseille", qui pour le coup n'a rien d'une oseille et ne lui ressemble que par le nom, l'oxalis des bois (oxalis acetosella) et le goût.

Fréquentant les coteaux ensoleillés, mais pas trop, la laitue vivace (lactuca perennis, "bréou" en provençal) pourrait être prise pour un pissenlit (genre taraxacum). Mais la couleur gris-vert (presque argenté) de ses feuilles et la finesse de leur découpe permettent de ne pas se tromper... Quoiqu'il serait aussi possible de la confondre avec la laitue des vignes (lactuca viminea), dont les feuilles sont elles aussi très découpées lorsqu'elle est en rosette ou avec la chicorée sauvage (cichorium intybus). A l'exception de chocs gustatifs plus ou moins agréables (amertume variable selon les espèces, mais toujours présente), une erreur serait sans conséquence, toutes les plantes citées ici étant parfaitement comestibles.

En général, le début de l'hiver est l'occasion de se reposer pour la pimprenelle (sanguisorba minor), mais avec la chaleur actuelle, de jeunes feuilles refont leur apparition au cœur des rosettes. On les reconnait à leurs folioles encore repliés et au vert plus tendre, comme on peut le voir sur le haut de la photo. Leur saveur rafraîchissante est souvent comparée à celle des concombres. 

De la carotte (daucus carota) en fleur en plein décembre, quelle surprise ! En général, c'est plutôt au début de l'été qu'on voit ses ombelles fleuries moucheter de blanc les champs. Caractéristiques intéressantes pour ne pas les confondre avec ses cousines toxiques comme la ciguë ou l’œnanthe : son parfum... de carotte, les poils qu'on retrouve un peu partout et lorsque l'inflorescence a fait son apparition, une fleur de couleur sombre (du noir au rouge en passant par le pourpre) qui vient souvent orner le centre de l'ombelle (en regardant bien, on la voit sur l'ombelle en haut de la photo).

Les fleurs de l'achillée millefeuille (achillea millefolium) sont elles-aussi plus habituées au soleil estival. A cette époque, ce sont plutôt les restes séchés et brunis des hampes florales fanées qu'on s'attendrait à voir, ceux que le vent et les intempéries d'automne auraient épargné. Le parfum camphré et la saveur amer de la plante incite à une utilisation modérée. Pourtant, utilisées avec parcimonie comme aromate, les jeunes feuilles finement hachée de l'achillée apportent une note inattendue aux salades qui les accueillent.

La stellaire intermédiaire (stellaria media), elle, est une habituée du hors-saison. Ses nombreux noms témoignent de l'intérêt porté à cette plante, généralement cataloguée comme mauvaise herbe : morgeline, mouron blanc, mouron des oiseaux, A cette époque où elle est habituellement timide, la douceur actuelle lui permet de foisonner... au plus grand bonheur des connaisseurs appréciant sa saveur, qui selon les personnes évoque la noisette ou la terre.

Dans 6 mois, cette rosette (euh non, pas celle-là puisque je l'ai cueillie) donnera naissance à plusieurs fleurs aux pétales rouges : il s'agit en effet d'un coquelicot (papaver rhoeas). En attendant d'en prendre plein les yeux, les feuilles peuvent garnir les salades et les agrémenter de leur saveur délicate et de leur agréable texture.

En une fois toutes ces feuilles cueillies, triées, lavées, essorées et assaisonnées, ça a donné ça :


Cette belle récolte m'a aussi permis d'ouvrir une bouteille d'un vinaigre de mûres que j'avais confectionné au mois d'octobre, avec les toutes dernières trouvées. Je les avais alors entassées dans un bocal puis couvertes de vinaigre blanc avec un peu de sucre. Après une semaine de macération, j'avais pressé et filtré le tout à la passoire pour en éliminer les pépins, mais garder la pulpe. Depuis, la bouteille attendait patiemment à l'abri de la lumière dans un placard...

Non, il ne faut pas pousser : ce n'est pas en décembre que j'ai cueillies ces mûres (rubus fruticosus), mais au mois d'octobre, c'était quand même assez inhabituel, d'autant qu'il y en avait encore beaucoup !

dimanche 6 décembre 2015

À coquillages d'exception, accompagnement d'exception

Avec l'approche des fêtes, les étals commencent à se remplir de produits habituellement difficiles à trouver... J'ai pu le constater aujourd'hui même lors de mon marché dominical où quelques beaux ormeaux étaient en vente. C'est le type de coquillage que j'adore trouver par moi-même sur l'estran lors des grandes marées, en tâtant les faces inférieures des rochers où ils sont collés comme des ventouses. Mais les coins sont rares et c'est un mollusque qui a beaucoup souffert du braconnage (mais désormais en reprise).
Alors pour ne pas se tromper, hormis les ramasser soi-même en respectant la taille minimum (9 cm) et la quantité maximum (variable selon les régions), il reste peu de solutions :
Tout d'abord les ormeaux issus de pêches autorisées pour le commerce. On les trouve de temps en temps en poissonnerie et sont munis d'une bague bleue. Hors période de grandes marées, ceux-ci sont généralement pêchés en plongée.
Ensuite, on peut aussi trouver les ormeaux d'élevage qui selon les conditions de production peuvent avoir une qualité très proche de leurs congénères sauvages (cf [ici] par exemple).
Ormeaux (haliotis tuberculata). Pour les préparer, glisser un couteaux sous la coquille et détacher le muscle. Retirer ensuite le système digestifs (à conserver pour réaliser un fumet de fruits de mer très parfumé) puis retirer la tête (trop ferme). Placer le muscle dans un torchon et le marteler à l'attendrisseur sans pour autant le massacrer. Il est habituel de laisser reposer quelques heures pour attendrir encore, mais c'est inutile si le martelage est bien fait et uniforme.
Dernière possibilité : les conserves. Là, il s'agit rarement d'ormeaux de l'espèce qu'on trouve sur nos côtes (haliotis tuberculata). Ils sont généralement vendus sous leur nom anglophone : abalones. On trouve aussi parmi eux des mollusques proches, mais d'un genre biologique différent, comme par exemple les "locos" chiliens (concholepas concholepas). Personnellement, pour en avoir testés dans ce type de conditionnement, je vous les déconseille : toute la saveur des coquillages est remplacée par un simple goût de conserve. Par contre, le prix, lui, est toujours aussi élevé !

Autres coquillages d'exception, mais plus facile à trouver en poissonnerie surtout en ce moment où c'est la pleine saison : les coquilles Saint-Jacques.
Coquilles Saint-Jacques (pecten maximus), pêchées à pied en Bretagne nord lors des grandes marées de mars.
Pour les ouvrir, passer un couteau par le petit espace sur le côté de la coquille en restant au contact de la face intérieur de la moitié plate et décoller le muscle. Elle s'ouvre alors toute seule. Ensuite, si on attrape bien les barbillons, ceux-ci viennent en un morceau et seule la noix reste attachée à la moitié creuse. Avec un coup de couteau bien placé, les plus expérimentés réussissent même à ne pas emporter le corail !
Rares sont les endroits et les occasions où on peut aller à leur rencontre sans devoir prendre une embarcation. Sur les gisements, lorsque la mer s'est retirée et qu'il ne reste que quelques centimètres d'eau, on peut les repérer à l'ouverture de leur coquille qui forme un croissant de lune dans le sable. Les jets d'eau sont un autre moyen : de temps en temps, elles en projettent une grande quantité en se refermant violemment (c'est aussi leur moyen de locomotion).
Très restreinte, leur pêche à pied n'est autorisée que d'octobre à mi-mai avec une taille minimum de 11 cm et un maximum de 30 spécimens.
Pour la pêche professionnelle, c'est encore plus réglementé avec des contraintes sur les jours et horaires de pêche. Par exemple, en baie de Saint-Brieuc, seuls 8 jours sont autorisés en décembre, avec à chaque fois un créneau unique de 45 minutes. Résultat : Après la surpêche des années 80 et 90, ces restrictions drastiques ont permis à ces coquillages de repeupler la baie.

Avec ces deux merveilles dans mon panier, je ne pouvais pas me contenter d'un accompagnement "banal". Et ma maraîchère préférée avait de quoi me satisfaire : une magnifique main de Bouddha, une variété de cédrat à la forme très, mais alors très spéciale comme en témoigne la photo ci-dessous. Le parfum et l'acidité toute en subtilité du zeste de ce fruit ainsi que la légère amertume de son ziste conviennent parfaitement aux ormeaux et aux Saint-Jacques dont la chair a un goût très fin et presque sucré.
Cédrat "main de Bouddha" (citrus medica var. sarcodactylus).
Difficile de voir un agrume dans ces nombreux doigts, et pourtant c'en est bien un !
Complété par une botte de chicorée de Catalogne (ou puntarelle, voir [ici] pour plus de détails), apportant le croquant et une nouvelle pointe d'amertume, me voilà avec tous les ingrédients nécessaires pour une recette tout aussi simple que délicieuse.

3C : Coquillages, Cédrat, Chicorée


Ingrédients (pour 4) :
  • 8 coquilles Saint-Jacques
  • 4 ormeaux
  • Quelques doigts d'une main de Bouddha
  • 8 belles pointes de puntarelle
  • Huile d'olive
  • Beurre
  • Un peu de jus de citron
  • Fleur de sel
Préparation :
  • Prélever les noix des coquilles comme expliqué au-dessus
  • Prélever et battre les muscles des ormeaux comme décrit au-dessus
  • Détailler une partie des "doigts" en lamelles les plus fines possibles à la mandoline dans le sens de la longueur
  • Couper les puntarelles en 4 dans le sens de la longueur et réserver
  • Passer le reste de la main de Bouddha au hachoir électrique avec un trait de jus de citron, un peu de sel et de l'huile d'olive et mettre cette sauce de côté
  • Faire fondre une noix de beurre dans une poêle bien chaude avec un peu d'huile d'olive
  • Y faire rapidement dorer les noix de Saint-Jacques et les ormeaux (pas plus d'une minute de chaque côté)
  • Dresser en plaçant les lamelles de main de Bouddha au fond de 8 coquilles (4 moitiés creuses de Saint-Jacques, 4 coquilles d'ormeaux)
  • Ajouter ensuite les chairs dans leurs coquilles respectives
  • Ajouter les puntarelles
  • Finir avec la sauce et un peu de fleur de sel

vendredi 20 novembre 2015

Fini l'été indien

Fini l'été indien, mais il m'aura permis d'engranger quelques belles photos sur les côtes normandes et bretonnes...

Des baigneurs sur la côte ouest du Cotentin : "rien d'extraordinaire" me direz-vous,
sauf que c'était quand même le premier novembre !

Même les rosiers sauvages ne savent plus où ils en sont :
Fleurs en bouton, fleurs ouvertes et cynorhodons se côtoient sur les mêmes branches ! 

La salicorne, elle, ne s'est pas laissée avoir. Comme tous les ans à cette saison,
seules les extrémités de ses branches sont encore un peu charnues, tout en prenant une teinte pourpre.

Particulièrement nombreuses cette année, les fleurs de lavande de mer (limonium) ont anticipé elles aussi l'arrivée du froid et ont perdu depuis longtemps leur couleur bleutée.

Et pendant ce temps, sous l’œil curieux de cette "highland cattle",
c'est le chassé-croisé migratoire de nombreux oiseaux.

La mouette rieuse a désormais pris ses couleurs hivernales : sa tête habituellement noire est désormais blanche.
Seul vestige de l'ancienne teinte : une tache plus sombre à l'arrière de l’œil.

Peut-être que ces tournepierres à collier choisiront cette année de rester ici.
Tous les ans, ils sont en effet quelques-uns dans ce cas, mais ils descendent généralement un peu plus au sud.

Presque invisible sur le sable au milieu des herbes et des algues séchées, ne serait-ce pas un pipit maritime ?
Si c'en est bien un, il a probablement achevé sa migration depuis le nord de l'Europe et a choisi de passer son hiver chez nous.

Et c'est peut-être aussi le cas de ce goéland argenté dont le plumage traduit son jeune âge...

Ou de ces bernaches cravant qui ont débarqué en masse sur cette plage des Côtes d'Armor.

Ces silhouettes au milieu de l'estran opèrent elles-aussi une migration, mais beaucoup plus locale : Suivant le retrait de l'eau à l'occasion de la marée descendante, elles sont sur le point de se lancer dans une chasse à la palourde. 

La tête penchée vers le sol, elles n'auront même pas remarqué que le vent a chassé les nuages grisonnants
pour laisser place à un couchant rougeoyant...

mardi 17 novembre 2015

Feeling bad

Vendredi soir, alors que j'étais parti pour un week-end prolongé en Bretagne, la terrible nouvelle est tombée comme un coup de matraque, me clouant sur place. Après une très courte nuit, j'ai passé un samedi en léthargie, comme assommé, tout juste capable d'écouter en boucle les informations dans l'attente de je ne sais quelle nouvelle, espérant peut-être apprendre que tout ceci n'est qu'un mauvais rêve.

Et puis dimanche est arrivé avec une aube magnifique, chaleureuse et ensoleillée, comme on en voit rarement en novembre.


Alors que je suis au bord de l'eau face au soleil levant, comme un message subliminal venant contredire la situation actuelle, la radio diffuse une reprise(*) de Muse que j'apprécie tout particulièrement (lien) : Feeling good.

Et sans même m'en rendre compte, me voilà parti sur le sentier côtier avec cette musique en tête, sac sur le dos, en mode pilote automatique sans trop savoir jusqu'où je vais aller.

Chemin faisant, c'est tout aussi inconsciemment qu'à la vue de jeunes feuilles d'oseille illuminées par le soleil automnal, je m'accroupis et commence à les cueillir. Quand enfin je prends vraiment conscience de ce que je suis en train de faire, j'ai déjà un bouquet bien fourni en main.


Et le chemin continue avec d'autres belles surprises.

Les délicates pousses du mouron blanc...



La tétragone qui semble ne jamais s'arrêter de pousser...



Les incroyables bancs d'huîtres sauvages...



De retour à la maison, avant de refermer cette parenthèse ensoleillée, il reste encore à utiliser cette récolte...

Huîtres chaudes à la crème d'oseille et tétragone


Ingrédients (entrée pour 4) :
  • 4 belles huîtres (calibre 1 ou plus grosses, ce qui est souvent le cas avec des bancs tels que celui de la photo)
  • 100g de feuilles d'oseille
  • 100g de feuilles de tétragone
  • 15cl de crème entière
  • 1 demi-citron

Préparation :
  • Bien laver les huîtres à l'eau claire
  • Les ouvrir, récupérer et réserver la chair sans l’abîmer
  • Bien nettoyer la partie inférieure des coquilles (la plus creuse) et les mettre à sécher au four à 120°C
  • Pendant ce temps là, blanchir les plantes en les plongeant dans de l'eau bouillante salée (2 minutes pour la tétragone et 1 minute pour l'oseille) puis dans de l'eau glacée
  • Bien égoutter les feuilles et les passer au blender avec la crème, l'eau rendue par la chair des huîtres, et le jus du demi-citron
  • Juste avant de servir, sortir du four les coquilles bien chaudes et les placer dans les assiettes de service
  • Verser quelques cuillerées l'appareil aux herbes dans la coquille (la coquille bien chaude réchauffe cette crème juste comme il faut)
  • Pocher 30 secondes la chair des huîtres, l'égoutter et la replacer sans attendre dans les coquilles
  • Servir immédiatement.
(*) : Reprise d'une chanson écrite en 1964 par Anthony Newley et Leslie Bricusse et interprétée par de très nombreux artistes.

mardi 27 octobre 2015

Moutarde d'automne

La moutarde est une plante que j'adore...

... En fait, je devrais plutôt dire "les moutardes", car sous ce nom unique se retrouvent plusieurs espèces qui ont toutes de nombreux points communs.

Tout d'abord, leurs fleurs à 4 pétales, caractéristiques de la famille des brassicacées, c'est à dire en gros les choux et leur innombrables cousins. Chez les moutardes, elles sont toujours jaunes, quoi que chez certaines espèces, on en trouve parfois des blanches.

A cause de ses fleurs d'un jaune lumineux, la moutarde (ici brassica nigra) est souvent confondue avec le colza (brassica napus).

Leurs graines se trouvent dans des enveloppes allongées nommées "siliques". Elles sont plutôt petites et sphériques. Une fois séchées, elles prennent différentes teintes à l'origine du nom de certaines espèces : moutarde noire, moutarde blanche ou encore moutarde brune. Ce sont ces mêmes graines qui sont utilisées pour la fabrication de la moutarde (le condiment cette fois-ci).

Moutarde noire (brassica nigra), une espèce plutôt polymorphe. Les principaux risques de confusion sont avec d'autres moutardes ou encore avec le colza, tous comestibles.

A la cueillette, l'odeur dégagée par les tiges cassées rappelle tout à fait l'odeur des choux.

Crues, les feuilles ont toutes cette saveur piquante qu'on retrouve dans le condiment.

Et donc, pour revenir à mon affirmation initiale, si la moutarde est une plante que j'adore, c'est parce qu'elle peut s'utiliser aussi bien crue (en salade par exemple, mais sans excès) que cuite (un peu comme du chou) et aussi et surtout parce qu'on peut en trouver presque tout l'année avec deux saisons privilégiées : le printemps et l'automne...

J'adore en cueillir les sommités avant l'apparition des grappes florales, ou avant l'ouverture des fleurs. Les grappes de boutons floraux rappellent alors un peu les brocolis, en version miniature.

Pour préparer les moutardes : il suffit de s'inspirer de ce qu'on peut faire ici avec nos choux habituels, ou en Asie avec des choux comme le kai-lan ou le choy-sum... Et cette fois-ci, je me suis arrêté sur le style occidental avec une tourte, un plat qui convient parfaitement à la saison !

Tourte à la moutarde,
mais pas le condiment



Ingrédients :
  • 450g de feuilles de moutarde noire (sommités et belles feuilles basales)
  • 450g de pâte brisée (soit faite maison, soit toute prête, et dans ce cas, ça correspond à deux "disques")
  • 20cl de crème fraîche épaisse
  • 3 œufs entiers, plus 1 jaune
  • 50g de parmesan
Préparation :
  • Blanchir rapidement les feuilles de moutarde en les plongeant 3 minutes dans une grande quantité d'eau bouillante (plus longtemps, le vert des feuilles se décompose et il ne resterait plus que les côtes)
  • Les sortir immédiatement pour les plonger dans de l'eau glacée
  • Bien les égoutter puis les presser pour en évacuer l'eau
  • Les hacher grossièrement, si possible perpendiculairement aux principales fibres (tiges et nervures centrales des feuilles)
  • Battre les 3 œufs et la crème et verser cet appareil sur les feuilles hachées
  • Ajouter le parmesan râpé, mélanger le tout et réserver
  • Chemiser le moule pour la tourte (beurrer, puis fariner le fond et les côtés)
  • Abaisser la pâte de manière à obtenir deux disques fins nettement plus grands que le moule
  • Étaler le premier dans le moule en prenant soin de ne pas laisser d'air au fond et sur les côté, tout en laissant la pâte déborder tout autour
  • Verser l'appareil à l'intérieur
  • Couvrir avec le second disque de pâte et percer un trou de 2cm de diamètre au milieu pour évacuer l'air
  • Éliminer l'excédent de pâte sur les bords et le mettre de côté (il va servir à la déco)
  • Pincer et froncer le pourtour
  • Abaisser à nouveau le restant de pâte
  • Y découper un fin lambeau de quelques centimètres et l'utiliser pour border le trou fait précédemment au centre : celui-ci servira de cheminée pour évacuer le surplus de vapeur et éviter à la tourte de trop gonfler.
  • Découper le reste de la pâte en petits losange et les répartir sur le dessus de la tourte, en commençant au centre et en allant vers les bords, de telle sorte qu'ils se recouvrent partiellement, un peu comme les écailles d'un poisson
  • Une fois la totalité de la tourte couverte de ces écailles, utiliser un pinceau pour badigeonner le tout avec le jaune d’œuf restant
  • Placer au four entre 45 minutes et une heure à 180°C (à ajuster selon l'épaisseur de la tourte)
  • Vérifier régulièrement et si le dessus de la tourte brunit trop vite, le couvrir d'une feuille d'alu pour le reste de la cuisson.
  • Laisser tiédir doucement avant de servir, la tourte aura ainsi le temps de se reposer et d'avoir une meilleure tenue
Le goût piquant de la moutarde disparaît avec la cuisson pour ne plus laisser qu'une délicieuse saveur de chou. Du coup, on peut utiliser quelques feuilles fraîches en accompagnement pour rappeler à qui on a affaire !

jeudi 22 octobre 2015

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle...

... mais pas tout à fait encore.

Ici, elles jouent les prolongations et sont encore nombreuses à braver la fraîcheur automnale qui s'installe, bien accrochées aux branches des chênes et des châtaigniers. Mais je sais d'expérience qu'il suffit de quelques jours pour que ces derniers se retrouvent tout nus.



Du coup, les châtaignes elles-aussi patientent avant de faire le grand saut. Au sol, on commence toutefois à trouver les premières arrivées à maturité, et ce n'est certainement pas moi qui vais attendre que le gros des troupes descende pour débuter la récolte...

Difficile par ici de trouver des châtaigniers (castanea sativa) donnant de gros fruits. Je garde donc en mémoire les emplacements de ceux produisant les plus beaux. Depuis trois semaines, je leur rend régulièrement visite guettant l'arrivée des premières bogues au sol.

Et puis l'avantage d'un tapis de feuilles mortes encore très disparate, c'est que les champignons ont du mal à se cacher dessous. Alors même si le très recherché cèpe se fait discret, d'autres espèces toutes aussi méritantes exhibent leur formes arrondies... prêtes à être cueillies.

Amanites rougissantes (amanita rubescens). Un excellent champignon qu'il faut impérativement bien cuire avant de le consommer. L’hémolysine (toxique) qu'elle contient est thermolabile, c'est à dire qu'elle est détruite par la chaleur. La durée et la température minimum varient selon les références, mais en général, cela ne dépasse par une dizaine de minutes à plus de 70°C. Les meilleures sont les jeunes encore un peu fermées avec un pied souvent massif. Attention à ne pas confondre cette amanite avec une autre, l'amanite panthère (amanita pantherina), qui elle est très toxique, même après cuisson.

Et pour marier châtaignes et champignons, c'est la recette du "bar en écailles de châtaignes" de Régis Marcon qui m'a inspiré...

Pavés de bar en croûte de châtaignes


Ingrédients (pour 4) :
  • Un bar d'au moins 1 kg, écaillé
  • 400g à 500g de châtaignes entières (sans les bogues)
  • Une bonne douzaine d'amanites rougissantes déjà cuites 10 minutes dans de l'eau bouillante salée et bien égouttées
  • 20cl bon verre de vin blanc sec
  • 15cl de crème épaisse
  • 1 oeuf
  • 2 gousses d'ail
  • 3 beaux brins de persil
  • Sel et poivre
Préparation :
  • Ôter au couteau la première peau des châtaignes
  • Les plonger 5 minutes dans de l'eau bouillante, puis dans de l'eau froide
  • Ôter la seconde peau et placer les marrons pelés au fur et à mesure sur un papier absorbant
  • Réserver deux tiers tels quels et concasser finement le tiers restant des marrons
  • Lever les 2 filets du bar sans ôter le peau, les couper chacun en deux pavés et réserver
  • Dans une première poêle sur feu vif, verser un filet d'huile neutre (tournesol par exemple)
  • Y faire dorer les amanites, les réserver au chaud et les remplacer par les marrons entiers
  • Lorsque ceux-ci ont commencé à dorer, ajouter le vin blanc et laisser réduire de trois quarts
  • Baisser le feu et ajouter l'ail et le persil tout deux finement hachés
  • Laisser cuire encore une petite minute avant d'incorporer la crème, de saler, de poivrer puis de couper le feu et de réserver au chaud
  • Battre l’œuf dans un bol
  • Saler les pavés et les plonger un à un dans l’œuf avant de les rouler dans les marrons concassés (qui doivent former une enveloppe homogène autour du poisson)
  • Dans une seconde poêle avec un filet d'huile neutre, bien faire dorer le poisson sur les deux faces
  • Il ne reste plus qu'à dresser, le poisson d'abord, puis les champignons et enfin les marrons à la crème



Note: La pré-cuisson à l'eau des amanites permet d'assurer une exposition homogène à une température suffisamment élevée pour se débarrasser des hémolysines contenue dans le champignon. Elle évite aussi que les champignon ne pompent trop d'huile lorsqu'ils sont ensuite passés à la poêle.

mardi 13 octobre 2015

Gastéropodes

Au printemps dernier, alors que j'étais en Andalousie pour quelques jours, j'avais eu l'occasion de déguster de délicieux "caracoles" sur une terrasse sévillane.
Contrairement à nos habituels escargots de Bourgogne ou à nos petits gris, les mollusque utilisés là-bas sont plutôt des espèces de petite taille, généralement des escargots des vignes (cernuella virgata) et des escargots des dunes (theba pissana).

Un plat de "caracoles" natures, tels qu'ils sont servis en Andalousie.
Un délice à picorer en apéritif !

Or il se trouve que ces deux espèces fréquentent également nos contrées. En effet, bien qu'originaires du sud où on les trouve aussi dans les terres, elles ont proliféré et se retrouvent maintenant sur toutes les côtes françaises.

Ayant déjà pu observé de nombreuses fois d'impressionnants regroupements au cours de mes balades côtières, mon voyage andalou m'avait motivé pour en ramasser et essayer d'en préparer moi-même. Depuis, je cherchais l'occasion de pouvoir en ramener à la maison dans de bonnes conditions.

Or, l'occasion s'est présentée il y a une dizaine de jours...

Cet été, sur la côte, c'était plutôt ça : les tiges de fenouil et de maceron étaient couvertes de ces très nombreux escargots des dunes (theba pisana). Ils sont également connus sous les noms d'escargots blancs, de caragouilles rosées ou encore de limaçouns (dans le Midi, où ils sont encore consommés de temps en temps). Malheureusement, à ce moment là, je n'avais pas de quoi les transporter sans risquer de les écraser. En effet, leur coquille, très fragile, n'aurait pas supporté un voyage dans un sac à dos, même à l'abris dans une boite fermée.

Aussi appelés escargot grimpeurs, ces petits gastéropodes ont l'habitude de prendre d'assaut tout ce qui permet de les éloigner du sol chauffé par le soleil estival, raison pour laquelle on peut les retrouver agglutinés par dizaines sur une seule plante. Alors que nous sommes maintenant au mois d'octobre, ils étaient plus discrets mais on en trouvait encore pas mal sur les tiges désormais asséchées des fenouils. Et puis cette fois-ci, même si ce n'est pas la meilleure saison, j'avais enfin tout ce qu'il fallait pour transporter ces fragiles mollusques.

J'en ai également profité pour ramener avec moi quelques petits gris (helix aspersa aspersa), beaucoup plus résistants mais également plus charnus. Ceux-ci semblent particulièrement apprécier les dernières feuilles fanées du crambé maritime, présent en grande quantité dans le coin où j'étais.

Après les avoir tous fait jeûner une semaine, après les avoir soigneusement lavés, après les avoir fait dégorger au sel, après les avoir relavés avec de l'eau vinaigrée et après les avoir ébouillantés une dizaine de minutes, il a enfin été possible de les cuisiner.



Pour 500g de petits gris :
  • Émincer un bel oignon et le faire revenir dans un peu d'huile d'olive
  • Lorsqu'il devient translucide, ajouter deux gousses d'ail finement émincées et une cuillère à soupe de pimentón en poudre (piment doux fumé espagnol)
  • Verser rapidement 20cl de coulis de tomate et une cuillère à soupe rase de feuilles de pebrella, une espèce de thym très parfumé utilisée en Espagne (thymus peperella)
  • Ajouter les escargots (déjà cuits comme décrit au dessus)
  • Laisser mijoter une dizaine de minutes à découvert sur feu doux en remuant délicatement de temps en temps
  • Saler et poivrer à la fin
  • A consommer tiède ou froid à l'aide de pics




Pour 250g d'escargots des dunes :
  • Hacher finement 3 brins de persil plat et 2 gousses d'ail
  • Les faire revenir dans un fond d'huile
  • Ajouter les escargots (déjà cuits comme décrit au dessus)
  • Verser ensuite 15cl de vin blanc sec
  • Laisser mijoter une dizaine de minutes à découvert sur feu doux en remuant très délicatement de temps en temps (attention, les coquilles sont fragiles)
  • Saler et poivrer à la fin
  • A consommer tiède ou froid à l'aide d'une épingle



Côté réglementation :
Au niveau national, le ramassage des escargots est interdit en avril, mai et juin (arrêté disponible [ici]). Les escargots de Bourgogne doivent avoir un diamètre d'au moins 3cm alors qu'il n'y a pas de contrainte de taille avec les petits gris. Par contre, ces derniers doivent avoir une coquille bordée, c'est à dire dont l'ouverture est entourée d'une sorte de bourrelet (indication d'âge).
Attention, des réglementations spécifiques peuvent exister au niveau local.
Concernant les escargots des dunes, je n'ai trouvé aucune restriction, mais comme d'habitude, on ne prélève que ce dont on a besoin, même si la ressource semble abondante.

Enfin, un clin d’œil à Sothy dans la cuisine duquel nous avons officié à 4 mains et dont les excellentes idées ont permis de donner à ces préparations une touche originale (avec le paprika fumé tout particulièrement).
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