samedi 27 février 2016

En avance

Et oui, tout est en avance cette année (sauf moi qui tarde trop à poster des articles !)...

Les primevères sont déjà en fleurs depuis le début du mois de janvier. Désormais, on en trouve plus de fanées qu'en bouton...
Primevère commune (primula vulgaris).
Ses feuilles ont un goût aromatique assez puissant qui n'est pas de tous les goûts. Avec l'age, elles deviennent vraiment coriace et prennent de l'amertume, il vaut donc mieux privilégier les plus jeunes, situées au centre de la rosette. Quant aux fleurs, elles ont un délicieux petit goût sucré et font de magnifiques décorations lors du dressage.
Attention : espèce localement protégée.

Les feuilles d'ail des ours sont déjà sorties de terre et sont même bien développées, de quoi commencer les premières cueillettes...
Ail des ours (allium ursinum).
On pourrait le prendre pour du muguet (toxique), mais ce dernier est plus tardif. En cas de doute, il suffit de faire appel à son odorat : alors que les feuilles de muguet sont inodores, celles de l'ail des ours sentent tout simplement l'ail.

Les bulbes du fenouil sauvage sont eux-aussi déjà sortis... et même presque déjà trop avancés pour certains... 
Fenouil commun (foeniculum vulgare).
Bien qu'il s'agisse de la même espèce, l'aspect du fenouil cultivé n'a rien à voir avec celui du fenouil sauvage. C'est en particulier au niveau des "bulbes" que la différence est la plus frappante. Ce renflement à la base de la plante est en fait constitué de pétioles (tiges des feuilles) emboîtés les uns dans les autres. Alors qu'il est très charnu et tendre chez le cultivé, celui de son cousin sauvage est fin, élancé et plus fibreux. Mais il se rattrape avec un parfum anisé bien plus puissant.

Quant à la doucette, ayant bien profité de la douceur exceptionnelle de cet hiver, beaucoup de ses rosettes entament déjà leur montée.
Doucette ou mâche sauvage (valerianella locusta).
Ses tendres et délicates feuilles ont un goût agréable idéal pour les salades. Celle-ci a tout juste commencé à monter : on voit en effet que la rosette à se dédouble. Chaque moitié va donner une tige, qui elles-mêmes vont se dédoubler, etc. jusqu'à l'apparition des inflorescences avec des fleurs minuscules.

Au final, entre les plantes hivernales qui partent trop vite et les printanières qui arrivent à la même vitesse, la salade ci-dessous a pratiquement un mois d'avance !
Doucette, plumeaux de fenouil, fleurs de primevère et ail des ours (feuilles entières pour les besoins de la photo, mais il vaut mieux le hacher et l'utiliser avec parcimonie, car très puissant en goût).

vendredi 5 février 2016

Inspiration dalmate

Aujourd'hui, c'est sur les bords de la côte adriatique que j'ai trouvé mon inspiration...

Comme je le rappelle de temps en temps sur ces pages : mon boulot n'a rien à voir, ni avec la botanique, ni avec la cuisine. Par contre, celui-ci me permet de voyager assez régulièrement et ainsi d'expérimenter la cuisine des différentes contrées que je visite.

Il se trouve qu'en janvier, j'ai passé quelques jours en Croatie, plus précisément à Split. C'est une destination assez récurrente pour moi, ce qui sur la durée m'a donné l'occasion de tester de nombreuses spécialités dalmates, et même d'expérimenter le sauvage local.

Beaucoup de plantes sauvages sur le littoral croate, malheureusement très urbanisé et donc peu propice à la cueillette. Mais il suffit de s'aventurer au printemps sur des îles comme Brač (en arrière-plan à droite sur la photo), Šolta ou Hvar (les plus proches de Split) pour redécouvrir de véritables trésors qui ont presque disparu de nos propres côtes.

En dehors de l'huile d'olive (omniprésente dans toute la cuisine de la région), des poissons et fruits de mer (côte adriatique oblige), des fruits méditerranéens (on trouve par exemple des arbousiers et des grenadiers un peu partout), j'ai été surpris de retrouver les blettes dans beaucoup de préparations, dont deux très fréquentes : les "blitva sa krompirom" (blettes aux pommes de terre) et surtout les "soparnik" (des sortes de grandes galettes fourrées aux blettes). Le nom local de la plante, "blitva", n'est pas si loin du nom qu'on lui donne chez nous.

Or il se trouve que les blettes, dans leur version sauvage (beta vulgaris subsp. maritima), c'est aussi une de mes plantes préférées. Une plante que je ne manque jamais de ramener chaque fois que je vais faire un tour sur le littoral le plus proche de chez moi, c'est à dire celui du Calvados.

Grandcamp-Maisy.

Il y a justement deux semaines, peu de temps après mon retour de voyage en Croatie, j'étais en balade à proximité de Grandcamp. Comme bien souvent le long des sentiers côtiers, la bette ne manquait pas !

Bette maritime (beta vulgaris subsp. maritima).
Bisannuelle, voire vivace, c'est une plante qui passe l'hiver tant bien que mal en comptant sur les riches réserves de ses racines (ce n'est pas pour rien qu'elle est l'ancêtre de la betterave à sucre) et qui au besoin sacrifie ses feuilles au gel pour se préserver. Or comme pour l'instant le gel ne se manifeste pas vraiment, seules les feuilles périphériques noircissent et flétrissent (on les voit en arrière-plan de la photo). Au centre, les feuilles continuent de croître et on trouve déjà des rosettes aux allures printanières : une véritable invitation à la cueillette !
De retour à la maison avec une besace bien pleine, mais aussi avec en tête le souvenir encore frais de plusieurs "soparnik" dégustés à Split, devinez donc ce que j'ai préparé...

J'ai tout d'abord lancé la préparation de la pâte : farine, eau, sel et huile d'olive. Difficile de dire les proportions, j'ai fait au juger (en gros même proportions que pour les pizzas, sans la levure) pour obtenir une pâte souple et homogène qui ne colle plus aux doigts. Roulée en boule, je l'ai laissée reposer deux heures.

Sans attendre, j'ai bien lavé et égoutté les feuilles de bette (une bonne quantité). Je les ai ensuite hachées finement (mais pas trop), salées et laissées reposer sur un linge absorbant (le sel leur fait rendre de l'eau et les attendrit).

Au bout de deux heures, j'ai réparti les feuilles hachées dans deux saladiers dans le but de faire deux types de soparnik : un nature et un au fromage. J'ai donc émietté un beau morceau de chèvre mi-frais dans un seul saladier, puis ajouté quelques gousses d'ail pressées et de l'huile d'olive dans les deux. J'ai ensuite bien mélangé afin que ces deux farces soient homogènes.

Au bout de deux heures, j'ai divisé la pâte en 4 pâtons de même taille. J'ai abaissé un premier pâton généreusement fariné pour obtenir un grand disque d'environ 1mm d'épaisseur. Enroulé délicatement autour mon rouleau, je l'ai ensuite déroulé au bon endroit sur ma plaque de cuisson (technique toute simple et très pratique pour déplacer une pâte fine et fragile, mais à condition qu'elle soit bien farinée).


J'ai ensuite couvert toute la surface avec la première des deux farces en prenant soin de laisser une petite marge nue tout autour. Après avoir abaissé un second pâton, je l'ai placé sur le premier, de manière à tout recouvrir.


J'ai ensuite chassé l'air puis froncé la pâte sur tout le pourtour et finalement enfourné le tout à 250°C pour 10 à 15 minutes (le roussissement de la pâte me sert d'indicateur). Lors de la cuisson, la vapeur générée par la farce fait se gonfler la galette. En perçant un trou au couteau en son centre à mi-cuisson, celle-ci se dégonfle rapidement et reste relativement plate.

J'ai ensuite fait exactement la même chose avec les deux autres pâtons et la seconde farce.


Une fois les soparnik tiédis, je les ai débités en carrés afin de pouvoir en consommer une partie immédiatement (les chutes), et placer le reste dans une boite, me permettant ainsi de les conserver quelques jours au frais.


Dégustés chauds sur le moment, froids plus tard, et même réchauffés, ces soparnik ont vraiment un petit goût de Croatie, même si ce sont des bettes normandes à l'intérieur !

Dobar tek !

En mars, j'en referai probablement en remplaçant les gousses d'ail par les feuilles hachées d'un ail sauvage comme l'ail triquètre (qu'on trouve assez facilement sur le littoral) ou l'ail des ours (qu'il faut plutôt aller chercher en forêt).

Note: En cherchant sur les wikipedia anglais et croates, on trouve [cette très intéressante vidéo] , qui montre toute la préparation traditionnelle...
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