jeudi 7 juillet 2016

Le Sancy sans soucis...

Les vacances se font attendre ? Besoin de décompresser ? De prendre l'air ? De voir de beaux paysages ? D'admirer une flore splendide ?
Pourquoi ne pas enfiler ses chaussures de rando et aller faire un tour en Auvergne, juste le temps d'un week-end ?

C'est un peu le genre des questions que je me posais la semaine dernière...

Ayant vécu dans le Puy de Dôme pendant plus de 15 ans, j'avais déjà une idée sur l'endroit où aller : Chaudefour et ses environs. Située au pied du Sancy (point culminant auvergnat du haut de ses 1886m), la vallée de Chaudefour est aussi une réserve naturelle nationale qui vaut vraiment d'être vue au moins une fois. Pour ma part, je ne compte même plus le nombre de fois où je m'y suis rendu...

... et pourtant, j'y suis encore retourné !

Petit échantillon :
(rappel: la cueillette des plantes est interdite sur toute la zone de la réserve naturelle, mais ces mêmes plantes se retrouvent aussi en dehors de la réserve)

Nous voilà au cœur de la vallée à approximativement 1200 m.
La "petite bosse" à gauche avec quelques plaques de neige, c'est le puy Ferrand  qui culmine à 1854m, juste 30m en dessous du Sancy, invisible car caché par les premier reliefs. Au milieu, se détachant nettement, c'est la Crête de Coq (environ 1500m). A droite, c'est la Dent de la Rancune (environ 1500m aussi) avec ses grandes parois verticales (dont certaines en dévers). Cette dernière est un lieu de rendez-vous de tous les grimpeurs du coin.

Dans le coin, en dessous de 1400m, c'est plutôt la forêt qui domine.
Là, entre juin et juillet, on peut y trouver une petite ombellifère très discrète : le conopode dénudé (conopodium majus). La plante porte aussi le nom de noix de terre, à cause de sa racine qui produit un tubercule de la taille d'une noisette, et au goût de ...

... et bien tout simplement au goût de noisette !
Souvent enterrée profondément, cette "terre-noix" peut être assez difficile à extraire et aux premières tentatives, on se retrouve fréquemment avec juste une tige en main, sans rien au bout. Pour préserver l'espèce, il vaut donc mieux ne s'essayer que sur des zones où le conopode dénudé est présent en grande quantité.
(note: spécimens de la photo cueillis hors réserve) 

Autre ombellifère de montagne : l'impératoire (peucedanum ostruthium, syn imperatoria ostruthium).
Plutôt connue pour ses propriétés médicinales, c'est aussi une plante utilisable en cuisine, comme aromatique (arômes proches de ceux de l'égopode, dont la forme des feuilles est d'ailleurs assez proche) ou comme légume (avec modération car son goût est assez puissant). Les jeunes tiges, bien que fibreuses, sont délicieuses crues.

Toujours en forêt, on trouve aussi deux sortes de "petits muguets"...
D'une part l'aspérule odorante (galium odoratum), que les familiers du blog connaissent sans doute déjà (suivre [ce lien])...

... D'autre part le maïanthème à deux feuilles (maianthemum bifolium, protégé en Basse-Normandie, Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais et Pays de la Loire). Hormis les différences visuelles évidentes entre le vrai muguet (convallaria majalis) et ces deux "contrefaçons", il faut également noter que seule l'aspérule odorante est comestible. Le vrai muguet comme le maïanthème sont tous deux toxiques (et plus particulièrement leurs baies).

Beaucoup moins discrète, mais (extrêmement) toxique aussi.
La digitale pourpre (digitalis purpurea) expose fièrement ses nombreuses fleurs tubulaires qui donnent l'impression de toutes chanter en chœur.

Toujours en forêt, on trouve aussi ces immenses rosettes dont l'aspect des feuilles évoque les laiterons.
Tantôt, il s'agira de laitue des Alpes (cicerbita alpina), tantôt laitue de Plumier (cicerbita plumieri) : il faudra souvent attendre que la plante monte pour distinguer les deux espèces...

Inflorescence glabre chez la laitue de Plumier...

Inflorescence ostensiblement poilue  et nervures teintées de pourpre chez la laitue des Alpes.
Les deux espèces sont comestibles, mais il vaut mieux les cueillir tôt, lorsque leur rosette n'est pas encore trop épanouie (comme [ici]). Pour cette année, c'est malheureusement trop tard car les deux sont désormais trop avancées et donc trop amères. C'est bien dommage car ici, il en pousse partout !

J'ai dit "amer" ?
Et bien voici maintenant l'acide avec l'oseille des Alpes (rumex alpinus). Son autre nom, la rhubarbe des moines, dit presque tout ce qu'il y a à savoir sur son utilisation. Ses pétioles ont beau être moins épais que ceux de la rhubarbe, ils sont souvent plus longs. Et surtout, contrairement à la rhubarbe, les feuilles sont consommables, comme celles de l'oseille commune (rumex acetosa). Il y a toutefois une différence de taille : une seule feuille d'oseille des Alpes fournit autant, voire plus de matière qu'une rosette entière d'oseille commune !

Ça y est, on approche des 1400m et de la limite entre forêt et prairie d'altitude...
... et tout à coup, une odeur d'ail se fait sentir.

On pourrait le prendre pour de l'ail des ours avec ses grandes et larges feuilles, mais à y regarder de plus près, l'aspect général ne correspond pas. Et c'est normal, car il s'agit d'ail victorial (alium victorialis). Il n'en est pas moins comestible et utilisable de la même manière... Mais il est plus rare et doit donc être préservé.

Plus on monte, plus le terrain se dégage et laisse la place aux herbacées comme les orchidées.
Ici, une platanthère (platanthera chlorantha).

Là un orchis tacheté (dactylorhiza maculata) assailli par une gourmande...

Ici, un orchis miel (pseudorchis albida, protégé en Basse-Normandie, Corse et Franche-Comté) avec ses fleurs minuscules...

Mais les orchidées ne sont pas les seules sur les pentes : On y rencontre aussi, par exemple, les ombelles du fenouil des Alpes (meum athamanticum, protégée dans le Limousin). Comestibles, ses feuilles à l'aspect évanescent ont un délicieux parfum à mi-chemin entre le céleri et l'anis.

Toxiques quant à elles, les pulsatiles blanches ( pulsatilla alba) n'en sont pas moins belles, qu'elles soient en fleur...

... ou en fruit (et oui, c'est bien la même plante !).

Et puis si on lève un peu la tête, voilà ce qu'on aperçoit : La vallée où a commencé notre balade.
Cette fois-ci, je me tiens le Puy Ferrand, mais toujours avec la Crête de Coq (la grande formation rocheuse au centre) et la Dent de la Rancune (légèrement à sa gauche) dans mon champ de vision.

Au nord, la silhouette du Puy de Dôme qui culmine pourtant 500m plus bas.

Au sud, au loin dans la brume, les monts du Cantal qui eux culminent pratiquement à la même hauteur que le Sancy (Plomb du Cantal).

Si tout ceci vous a plu, je vous conseille [ce circuit], et plus généralement les guides disponibles en ligne du site [Planète Puy de Dôme]. Pour tout dire, rares sont les départements à fournir autant de ressources en accès libre, et c'est tant mieux !
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