L'anticonformiste, ce n'est pas moi (enfin je crois)... Et pourtant, c’est parfois l’impression que me donnent les spectateurs involontaires de mes cueillettes : moi agenouillé essayant tant bien que mal de sortir de terre une racine de panais sans la casser, eux (en général quelques promeneurs) regardant intrigués un hurluberlu qui gratte le sol pour en sortir quoi au fait ?
- Maman, qu’est-ce qu’il fait le monsieur ?
- Il ramasse des champignons !
C’est une explication que j’entends assez souvent, même hors saison. C’est étrange comme le ramassage des champignons est encore bien ancré culturellement alors que la cueillette des plantes est complètement tombée en désuétude. C’est bien dommage car c’est passer à côté de véritables trésors.
C’est par exemple le cas de mon anticonformiste du jour : le tussilage, également nommé « pas d’âne ». Je viens d’en trouver les premières fleurs de l’année. Des centaines de soleils miniatures que les néophytes pourraient prendre de loin pour des pissenlits. Mais à y regarder de plus près, à part une courte tige écailleuse sous chaque fleur, il n’y a aucune rosette ni même aucune feuille. Et c’est bien là l’étrangeté de cette plante. A l’inverse des autres, elle fleurit d’abord, et ce n’est qu’une fois les fleurs passées qu’elle développe ses feuilles. Car du tussilage, on ne voit jamais les fleurs et les feuilles en même temps !
Les unes comme les autres sont utilisables en cuisines. On retrouve la même saveur dans les deux, mais celle des fleurs me parait plus fine. On peut les utiliser crues pour parfumer et décorer une salade. C’est assez difficile d’en décrire le goût, mais je pense qu’en parlant d’une fine saveur de résine, ça donne une idée de ce à quoi s’attendre. On peut aussi les cuire comme je l’ai fait aujourd’hui...
Dans plusieurs de mes bouquins, il était question de les faire revenir à la poêle dans du beurre ou de l’huile d’olive. Mais à moins de faire une véritable razzia, les fleurs de tussilage ne permettent pas à elles seuls de faire un plat consistant. Pour accompagner une entrecôte, j’ai donc complété avec une simple purée maison. Pour la cuisson, les fleurs (avec un ou deux centimètres de tige) ont juste fait un passage express au fond de la poêle dans un mélange de beurre et d’huile d’olive.
Pour que la saveur résineuse du tussilage ne soit pas masquée par la grillade, il en faut quand même pas mal (je dirais une trentaine de fleurs par personne). Mais le résultat vaut la peine de la cueillette !
Dernière petite chose : la racine latine de « tussilage » signifie « qui chasse la toux », une de ses vertus médicinales. Son autre nom : « pas d’âne », lui vient paraît-il de la forme de ses feuilles. Pour la même raison, les celtes l’appelaient « calliomarcos », ce qui signifie « sabot de cheval ». Personnellement, je ne trouve la ressemblance que très lointaine.