samedi 30 avril 2016

Inspiration persane pour invasive japonaise

La renoué du Japon est une plante très spéciale.

C'est tout d'abord une véritable peste végétale. Et quand je dis "peste", les mots sont bien pesés car on est loin de la simple mauvaise herbe : Hautement invasive, elle est presque impossible à déloger. Ses rhizomes tentaculaires lui permettent en effet de survivre à plusieurs arrachages. Et pour peu qu'on la laisse fleurir et fructifier, c'est par milliers que ses petites graines se font emporter par le vent et partent à l'assaut de nouveaux endroits à envahir. Et si ça ne suffisait pas, les fourrés qu'elle forme étouffent les espèces indigènes, aussi bien sous terre avec les toxines secrétées par ses racines, qu'au dessus par sa densité de peuplement.

Malgré de nombreuses campagnes d'arrachage, on trouve souvent la renouée de Japon (reynoutria japonica ) en bordure de ruisseaux, de plans d'eau ou dans les fossés le long des routes. Ses hampes formées de segments tubulaires à la manière du bambou et sa peau verte tachetée de rouge suffisent pour la reconnaître.

Mais c'est aussi une plante comestible intéressante : ses jeunes hampes gorgées d'eau ont la particularité d'avoir un goût très proche de celui de la rhubarbe. Et on peut l'utiliser exactement de la même manière.

Chez la renouée du Japon, ce sont les jeunes hampes que l'on cueille, en privilégiant les plus trapues dont les feuilles n'ont pas encore eu le temps de s'ouvrir. Celles de la photo sont juste parfaites.

Comme pour la rhubarbe, il faut peler les tiges avant de les utiliser. Comme pour la rhubarbe, il faut se méfier de sa teneur en acide oxalique (les personnes atteintes de problèmes arthritiques ou rénaux en savent quelque chose).

La peau verte tachetée de rouge de la renouée du Japon se pèle très facilement et laisse apparaître une chair tendre et gorgée d'eau. Utilisable en sucré comme en salé, sont goût acidulé ne laisse pas indifférent.

Avec une plante au goût aussi marqué, c'est toujours assez dur de trouver de nouvelles recettes. J'ai donc effectué quelques recherches autour de ce qui pouvait se faire avec de la rhubarbe. Et j'ai fini par trouver un plat d'origine perse : le khoresh rivas. Sans reprendre vraiment la recette, j'en ai gardé le principe...

Agneau mijoté à la rhubarbe

Ingrédients (pour 4) :
  • 600g de viande d'agneau (épaule)
  • 400g de renouée du Japon pelée
  • 1 gros oignon doux
  • 1 citron
  • 1 cuillère à soupe de sucre
  • Un peu d'huile
  • Poivre de Jamaïque ("all spice")
  • Sel
  • En option : persil et menthe
Préparation :
  • Découper la viande en petits morceaux (3 à 4 cm)
  • Les faire dorer dans un peu d'huile au fond d'un faitout
  • Ajouter ensuite l'oignon coupé en quartiers
  • Lorsque ce dernier est translucide, ajouter le jus du citron, les trois quarts de la renouée débitée en petits tronçons, un peu d'eau, le sucre et quelques pincées de poivre de Jamaïque
  • Couvrir et laisser mijoter pendant une heure
  • Ajouter le dernier quart de la renouée débitée en petits tronçons (permettra d'avoir des morceaux entiers) et éventuellement un peu de persil et de menthe hachés très finement
  • Saler selon votre goût
  • Laisser cuire encore une petite dizaine de minutes et servir accompagné de riz.

A la première bouchée, l'acidulé de la sauce est assez surprenant, voire carrément inhabituel, mais rapidement convaincant !
Précaution: Avec son grand réseau de rhizomes, la renouée du Japon va chercher ses ressources un peu partout autour d'elle et à tendance à concentrer beaucoup de substance. Avant de l'utiliser en cuisine, assurez-vous que l'endroit où vous la cueillez est sain.

lundi 25 avril 2016

Chercher des crosses

C'est enfin le moment où les fougères sortent de terre et déroulent leurs crosses...
En dehors de leur usage alimentaire, elles donnent aussi l'occasion d'admirer d'étranges et improbables formes.
La fougère aigle (pteridium aquilinum) étant une des rares qui ne soit pas protégée, c'est sur elle que je me suis attardé...







Bon, il ne faut quand même pas traîner pour passer à la récolte : les crosses montent, les feuilles s'ouvrent et la concentration en cyanure augmente... Car oui, ces fougères contiennent du cyanure ! Jeunes, lorsqu'elles sont à l'état de crosses, elles n'en contiennent pas trop, mais il est quand même conseillé de leur faire subir un petit traitement de choc, supposé les détoxifier...

La crosse idéale : pas trop grande (une quinzaine de centimètres), charnue, d'un beau vert tendre et pas encore déroulée... Elle casse net vers sa base si on la tord à la main : pratique pour la cueillette, ça évite aussi de se retrouver avec une fougère trop fibreuse.

Et voici donc le traitement de choc :

  • Frotter les crosses avec un chiffon ou un papier absorbant afin d’éliminer le duvet de surface.
  • Couper la base à un centimètre afin d’ôter la partie qui aura noirci depuis la cueillette.
  • Placer les pousses dans une grande casserole et les saupoudrer généreusement de cendres ou pour ceux qui n’en n’ont pas sous la main (comme moi) de bicarbonate de soude (1 bonne cuillère à café pour 200g de pousses).
  • Verser de l’eau bouillante sur les pousses (2 litres pour 200g), couvrir et laisser reposer pour 24 heures.
  • Passé ce temps, l’eau est devenue très sombre, presque complètement noire.
  • Rincer à l’eau froide et laisser tremper 4 heures en renouvelant l’eau à chaque heure.

En principe, à la fin, vous obtenez ça :


Ensuite, on peut les utiliser comme légume, par exemple en remplacement d'asperges ou de haricots, avec un goût et une texture totalement différents !

De mon côté, je les ai simplement débitées en tronçons de quelques centimètres, puis fait sautées au wok dans un fond d'huile de sésame avec de l'oignon blanc frais, des queues de fleurs d'ail des ours hachées et un trait de sauce soja.

Encore un plat sous influence nippone : quoi de plus normal avec une plante consommée traditionnellement au Japon. Attention quand même : a consommer avec modération car non seulement la plante contient du cyanure, mais certaines études récentes suggèrent qu'elle pourrait également contenir des substances cancérigènes.

Pour conclure, afin de les distinguer, voici une autre fougère comestible,  mais protégée en France...
Fougère autruche (matteuccia struthiopteris), protégée en France.
On peut en trouver une autre sous-espèce au Québec sous le nom de "tête de Violon".
Plus charnue, moins écailleuse, elle y est parfois vendue comme légume.
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...