Difficile de trouver du temps à consacrer au blog lorsqu'on mène un projet très prenant en parallèle, mais depuis maintenant plus d'un mois que Sauvagement-Bon était muet, il fallait que ça change !
Les algues que j'avais récoltées et séchées mi-juin sont tombées à pic :
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Le spaghetti de mer (himanthalia elongata) est une algue brune qui peut dépasser 3m de long. On l'appelle aussi haricot de mer, mais ce nom peut prêter à confusion car il est également donné aux salicornes (qui, contrairement à ce que j'ai encore entendu dans une émission télévisée culinaire, ne sont pas des algues, mais bien des plantes de la famille des épinards). En été, la surface des longues branches aplaties se couvre d'aspérités : ce sont ses cellules reproductrices. Mais pas d'inquiétude, hormis un aspect visuel plus granuleux et moins attrayant, cela n'a aucune conséquence sur la comestibilité de ces algues. Coupées en tronçons de quelques centimètres et cuites à l'eau, on peut les utiliser de la même manière que des haricots verts. Fait amusant : Fraîches, elles sont brun-kaki, mais avec la chaleur de la cuisson, elles prennent une teinte bien verte. Elles méritent donc d'autant plus leur nom de haricot de mer.
Confusion possible : lacet de mer (chorda filum), qui peut être encore plus long, n'a pas de cupule à sa base, n'a pas d'embranchements et a une section circulaire. Cette algue n'est probablement pas toxique, mais certainement immangeable car beaucoup trop coriace (on peut même l'utiliser pour produire des cordages, mais ceux-ci deviennent rapidement cassants). |
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La laitue de mer (ulva lactuca) a mauvaise presse à cause des plages où elle et ses cousines prolifèrent, alimentées par des eaux de ruissellement trop riches en substances nutritives (généralement issues du lessivage de terres agricoles par la pluie). Lorsque ces algues vertes poussent en trop grande quantité, leurs thalles (les "feuilles" des algues) arrachés par la houle s'accumulent en bordure d'estran. Là, avec la chaleur et l'humidité, ils ont tendance à fermenter et à générer un gaz toxique (hydrogène sulfuré). Mais fraîches, elles ne sont nullement toxiques. Et ce sont même d'excellentes algues qui apportent une saveur très marine aux préparations. Immangeables lorsqu'elles sont crues et fraîches (on dirait des feuille de plastique), elles nécessitent au moins une cuisson pour être plus agréables en bouches. L'idéal, c'est de les sécher et d'en faire des paillettes utilisables un peu partout (excellentes avec un poisson en papillote par exemple). |
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Le pioka est un terme générique qui désigne deux espèces d'algues rouges : d'une part chondrus crispus (mousse irlandaise, carragheen, lichen de mer, goémon frisé) à droite sur la photo et d'autre part mastocarpus stellatus (gigartine ou fausse mousse irlandaise) à gauche. Bien qu'il s'agisse d'algues rouges, lorsqu'elles sont situées haut dans l'estran, leur exposition régulière à la lumière les jaunit (comme sur la photo), voire même les verdit. Les deux espèces sont polymorphes et il est parfois difficile de les distinguer, mais pour ce qui m'intéresse, à savoir leur comestibilité et leur propriété gélifiante, elles sont plutôt équivalentes. Le mucus qu'elles produisent est en effet un gélifiant à l'origine de l'additif alimentaire E407 (carraghénanes). Plus souple que l'agar agar, les texture qu'il permet d'obtenir sont plus agréables. Pour l'extraire, il suffit d'infuser deux à trois minutes ces algues dans un liquide à ébullition (lait ou eau par exemple). Contrairement à d'autres algues, le pioka n'apporte quasiment aucun goût, il peut donc être utilisé pour les desserts.
A noter que s'ils sont chauffés à plus de 80°C dans un milieu fortement acide (ce qui n'est ni le cas de l'eau, ni du lait), les carraghénanes peuvent être dégradés en poligeénane, potentiellement toxiques (à l'origine de plusieurs controverses sur le E407). |
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En voyant ces deux formes sombres sur les rochers, on pourrait penser à des algues, mais un regard plus attentif permettrait d'observer que celles-ci se déplacent. Par ailleurs, bien que de tailles différentes, les deux spécimen de la photo ont une morphologie rigoureusement identique. Il s'agit en fait de deux lièvres de mer (aplysia sp.). Pas forcément rares, c'est quand-même la première année que j'en vois autant.
A noter que les toxines que contiennent leur corps les rend non comestibles. |
Et avec autant d'algues, on peut même faire un repas complet (ingrédients pour 4) :
Entrée : haricots de mer au sésame
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Laisser tremper pendant deux heures dans de l'eau froide 4 petites poignées de haricots de mer séchés.
Les ébouillanter ensuite pendant une dizaine de minute.
Les refroidir en les plongeant dans de l'eau glacée.
Verser dessus un peu de sauce composée de sauce soja, d'huile de sésame et de mirin en quantités égales et éventuellement un peu de pulpe d'ail.
Finir avec une bonne pincée de sésame blanc. |
Plat : tomagoyaki (omelette japonaise) à la laitue de mer
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Plonger deux poignées de laitue de mer séchée dans de l'eau bouillante salée.
Les laisser se réhydrater et cuire pendant 5 bonnes minutes.
Les égoutter et les hacher.
Les mélanger à 8 œufs préalablement battus omelette.
Puis confectionner le tomagoyaki en suivant la technique expliquée ici. |
Dessert : Panna cotta à la mélisse et coulis de framboise
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Placer 40cl de lait entier et 15cl de crème fraîche dans une casserole.
Ajouter 2 poignées de pioka séché (10g), 120g de sucre et deux poignées de feuilles de mélisse séchée.
Mettre sur le feu, couvrir et porter à frémissement.
Maintenir ainsi pendant 2 bonnes minutes tout en mélangeant pour dissoudre le sucre et bien extraire le gélifiant.
Au travers d'un chinois, tout en pressant, verser directement le liquide dans des grands verres de service (15cl).
Laisser tiédir une petit dizaine de minute.
Pendant ce temps, passer 100g de framboises au mixeur avec une cuillère à soupe de sucre, quelques gouttes de jus de citron et un peu d'eau.
Recouvrir la panna cotta avec ce coulis, couvrir (ou filmer) et mettre au réfrigérateur pendant au moins deux heures avant de servir. |
Important :
La réglementation pour la pêche à pied de loisir et la récolte des algues a changé récemment en Bretagne. La récolte des algues n'est en effet autorisée que de jour (du lever au coucher du soleil) et pendant une période particulière de l'année, ajustée selons les espèces. Par exemple, pour le pioka (chondrus crispus et mastocarpus stellatus), la période annuelle s'étend du 1er mai au 31 octobre inclus.
Pour certaines espèces, une taille minimum doit également être respectée. Par exemple, 80cm pour le spaghetti de mer (himanthalia elongata).
Afin de préserver les algues, la récolte doit se faire en les coupant au dessus de leur crampon (les instruments autorisés sont le couteau, la faucille, les ciseaux et le sécateur) et surtout pas en les arrachant. Pour une espèce comme le goémon noir (ascophyllum nodosum), la réglementation impose même de laisser un minimum de 30cm au dessus du crampon.
Enfin, et ça, ce n'est pas la réglementation, mais du bon sens : pour une utilisation alimentaire, ne pas récolter d'algues non cramponnées. En effet, lorsqu'elles se détachent et dérivent , elles peuvent garder très longtemps un aspect "sain" alors qu'elles ne sont plus du tout consommables.
Et pour vous aider dans l'identification des espèces marines, un petit tour chez
DORIS vous aidera à vous y retrouver. Voici par exemple les fiches des 4 espèces d'algues citées :
haricot de mer,
laitue de mer,
carragheen et
gigartine.