vendredi 27 juin 2014

Algae


Nombreuses sont les algues qu'on peut trouver sur l'estran, nombreuses sont aussi parmi celles-ci, les algues qui sont comestibles...

Pour autant, il n'est pas simple de mettre un nom sur chacune...

A l'approche des vacances estivales qui pour beaucoup se passeront sur le littoral, voici un petit rappel des plus communes...

Rien de moins que 3 comestibles sur cette photo :
En vert, l'inévitable laitue de mer (ulva lactuca). On lui fait mauvaise presse parce qu'envahissante. Mais c'est juste à cause des excès de nitrates dans les eaux douces en provenance des terres. Pourtant, lorsqu'elle est fraîche, son goût très iodé peut faire merveille dans les plats mijotés. Séchée et réduite en paillettes, elle fait un excellent aromate.
Tout autour, avec des teintes allant du brun sombre au beige verdâtre, formant de nombreuses ramifications, c'est la mousse irlandaise ou carragheen (chondrus crispus). Très peu de goût, mais un pouvoir gélifiant très intéressant car le gel obtenu garde toujours une texture souple et moelleuse. C'est une algue exploitée industriellement et qui donne l'additif épaississant E407. Malheureusement, selon certaines études, les carraghénanes dégradés pourraient être cancérigènes. Personnellement, ça ne m'empêche pas de me faire un flan avec de temps en temps...
A ne pas confondre avec le carragheen, à droite de la laitue de mer, on peut aussi voir du poivre de mer (laurencia pinnatifida). Sa saveur épicée lui vaut son nom. Malheureusement, elle disparaît très vite une fois l'algue cueillie : à ne consommer que fraîche.

L'une des algues les plus utilisées chez nous en cuisine : la dulse (palmaria palmata). D'une couleur rouge-violacé, son thalle forme des lanières ramifiées assez larges, mais très fines. Relativement tendres, elles peuvent être consommées aussi bien crues que cuites.

Ces longues lanières à la structure dichotomique (1 segment donnant naissance à 2 segments, qui eux même donnent naissance à 4 segments etc) et pouvant dépasser 3m de long, ce sont des haricots ou spaghettis de mer (himanthalia elongata). C'est une excellente algue comestible, qui a la particularité de changer de couleur lorsqu'on la cuit : elle passe du brun-vert à un beau vert cru rappelant justement les haricots verts (d'où son nom). Étonnamment peu salée, c'est aussi sa texture qui est intéressante : ferme et croquante, mais rarement coriace...

Ces grandes algues aux allures de mains géantes dont les ramifications forment autant de doigts, ce sont des laminaires. Avec la description que je viens de donner, on pourrait croire que la laminaire de la photo est la laminaire digitée (laminaria digitata), mais il s'agit en fait de laminaire jaune (laminaria ochroleuca), dont le pied est plus rigide et la base a tendance à jaunir (mais elles se ressemblent énormément). La confusion serait de tout façon sans conséquence, les deux étant tout à fait comestibles. Difficile de les consommer crues étant donnée leur épaisseur, mais cuites et découpées en fines lanières, elles font d'intéressants vermicelles à ajouter dans un bouillon pour une délicieuse soupe marine. À noter aussi que certaines des substances contenues dans ces laminaires ont la propriété d'accélérer la cuisson à l'eau de plusieurs légumes secs et céréales.

Au centre, une autre laminaire connue sous le nom de kombu royal (laminaria saccharina). Ce nom de "kombu" vient du japonnais et regroupe beaucoup d'algues similaires. Elles sont en particulier utilisées séchées pour confectionner des bouillons (par trempage dans de l'eau) servant de base à de nombreuses soupes. Selon les Japonais, les kombu apporteraient une saveur nommée "umami" complétant les 4 saveurs habituelles : l'acide, l'amer, le sucré et le salé.
On notera aussi le tapis de fucus dentelé (fucus serratus) sous la laminaire. Sans grand intérêt culinaire, il a l'avantage d'être très commun et de servir de refuge à de nombreux mollusques brouteurs comme les bigorneaux..

Peut ragoutante, mais pourtant très parfumée, cette laitue de mer violette (porphyra umbilicalis) est une des algues avec lesquelles on confectionne les feuilles de nori utilisées en particulier pour les "maki-sushi". Fraîche, elle a une texture élastique. Séchée et réduite en paillettes, elle peut être utilisée comme aromate, à l'instar de la laitue de mer. Au sud du Pays de Galles, elle est consommée sous le nom de « bara lawr » : une gelée obtenue après l'avoir longuement cuite.

On finit par une petite nouvelle (tout au moins dans les pages de ce blog) : le codium (entre tomentosum, fragile, vermilara, difficile de choisir). Cette algue verte à la texture spongieuse est elle-aussi comestible. En Asie, elle est parfois utilisée dans des soupes, mais on peut également la consommer crue dans une salade, débitée en petits segments comme ci-dessous...

Salade estivale au codium.

Une dernière remarque sur les algues : Ne consommer que les spécimens cueillis encore accrochés à leur support. Ne pas consommer d'algues flottantes : On ne sait jamais depuis combien de temps elles ont été arrachées à leur milieu et donc depuis combien de temps elles se dégradent. Une fois cueillies, elles doivent être consommées rapidement ou séchées (pour celles qui tolèrent ce traitement).

mardi 24 juin 2014

Un p'tit goût de reviens-y

Il y a tout juste un mois, les rosiers sauvages des côtes normandes commençaient leur floraison : l'occasion pour moi de préparer une boisson tellement appréciée (recette [ici]) que les deux litres obtenus se sont mystérieusement évaporés en quelques jours...

Le rosier rugueux (rosa rugosa) est un rosier issu d'extrème-orient aux tendances
légèrement envahissantes. Il apprécie particulièrement le sable et les dunes. Selon
les individus, la couleur de ses fleurs va du blanc au rose foncé, avec me semble
t'il une prédominance pour le rose. Son parfum, très agréable, fait parfois
penser au litchi.

Aujourd'hui, que ce soit pour le rosier des chiens (églantier) ou pour le rosier rugueux, beaucoup de fleurs sont passées et la plupart des pétales fanés se sont envolés avec le vent. Ne restent plus que les sépales en étoile sous lesquels on devine déjà les futurs cynorrhodons. Mais ça, ce sera pour plus tard...

En attendant, sur la quantité, il reste encore suffisamment de fleurs fraîches, voire même encore en bouton, pour une modeste récolte...
.... modeste et donc insuffisante pour une nouvelle tournée de vin de rose, mais largement assez pour ça :

Petits sablés aux pétales de roses


Ingrédients (pour 60 à 80 petits sablés) :
La différence de taille entre les pétales de l'églantier (en
blanc la photo) et ceux du rosier rugueux (en rose sombre)
est nette. Malgré un rendement beaucoup plus faible,
l'églantier vaut le coup d'être cueilli car il apporte un
parfum différent que je trouve aussi
 légèrement poivré. 
  • 300g de farine
  • 150g de sucre
  • 150g de beurre
  • Quelques poignées de pétales et étamines de roses frais
  • 2 œufs
  • 1 pincée de sel
Préparation :
  • Mélanger à la main le beurre ramolli (mais pas fondu) avec la farine et le sucre ainsi qu'une pincée de sel
  • L'appareil ainsi obtenu reste très sec, mais doit avoir une texture bien sablée
  • Y incorporer les 2 œufs et les pétales de rose préalablement hachés
  • Former une boule avec la pâte, la filmer et la placer au réfrigérateur pendant au moins une heure
  • Une fois la pâte reposée, mettre le four à préchauffer (200°C)
  • Abaisser la pâte sur un plan de travail fariné pour obtenir 2 à 3 feuilles d'environ 5mm d'épaisseur chacune
  • Découper les sablés à l'emporte-pièce et les placer sur des feuilles de papier cuisson, elles-mêmes posées sur des plaques allant au four (en laissant au moins 1cm entre chaque sablé, cela évite qu'ils ne se collent entre-eux lors de la cuisson)
  • Enfourner 10 minutes environ : retirer du four lorsque les bordures des sablés commencent à se colorer
  • Sortir les plaques et patienter une petite heure : chaude, la pâte est encore tendre et c'est en refroidissant qu'elle prend sa texture sablée et croquante.
S'il vous reste des pétales, faites les simplement sécher...
Ils conservent une partie de leur parfum et peuvent être utilisés pour un pot-pourri.

dimanche 22 juin 2014

Inspiration méditerranéenne

Pas beaucoup de temps à consacrer au blog en ce moment : les balades et les récoltes continuent, la cuisine aussi et les recettes à publier s'accumulent... Comme j'essaie de faire en sorte que les plantes évoquées restent d'actualité au moment où les billets sont publiés, j'ai malheureusement dû renoncé à certaines. Mais j'espère bien pouvoir ressortir les photos et les recettes dès l'année prochaine (ce qui me laisse presque une année entière pour écrire les articles correspondants).

En attendant, voici une plante tout à fait de saison...

Cirse maraîcher (cirsium oleraceum).
Ce cousin des chardons affectionne les lieux frais, ombragés et plutôt humides. Ses grandes feuilles vertes font visiblement le bonheur des insectes, mais cela ne me dérange pas car ce sont les côtes sur lesquelles j'ai jeté mon dévolu...

Les feuilles du cirse maraîcher peuvent atteindre des longueurs avoisinant le mètre. Elles ont des formes très variées, parfois nettement lobées comme ici et parfois presque pas comme sur la photo précédente. Dans tous les cas, elles sont bordée de petits piquants généralement souples et donc inoffensifs.

Avec leurs grandes et belles côtes, les feuilles de ce cirse évoquent immanquablement celles des cardons et la similitude visuelle n'est pas le seul point commun qui rapproche les deux plantes : le goût en est un autre. Et pour ceux qui ne connaîtraient pas celui du cardon, disons qu'il est aussi assez proche de celui de l'artichaut.

Côté cuisine, cirse maraîcher et cardon s'utilisent de la même manière. Les côtes du cirse sont juste plus fines et moins denses, mais du coup, elles demandent moins de cuisson. Comme la saison estivale se prête un peu moins aux plats comme les gratins (qui fonctionnent pourtant très bien avec le cirse), je suis allé lorgner du côté du Maghreb où le cardon est utilisé dans plusieurs plats traditionnels... De quoi trouver l'inspiration !

Mijoté d'agneau au cirse maraîcher

Ingrédients (pour 4) :
La cuisson séparée du cirse permet d'en évacuer l'amertume.
Mais pour ceux qui l'apprécient, elle reste modérée et le bouillon
obtenu avec cette cuisson peut être utilisé pour cuire du riz et
ainsi lui communiquer un goût d'artichaut.
  • 600-800g d'épaule d'agneau désossée
  • 400g de côtes de cirse maraîcher
  • 2 oignons
  • 2 belles tomates
  • 5 gousses d'ail
  • Huile d'olive
  • 1 cuillère à café rase de cumin en poudre
  • Un peu de safran
  • Sel
Préparation :
  • Mettre à chauffer un faitout sur feu vif
  • Y verser un fond d'huile d'olive avant d'y faire dorer l'épaule découpée en morceaux de taille moyenne
  • Ajouter ensuite l'oignon émincé, les tomates débitées en petits cube, l'ail et les épices
  • Couvrir et laisser mijoter une heure à couvert
  • Pendant ce temps, récupérer les côtes des feuilles de cirse (ôter le vert des feuilles, qui peut lui aussi être utilisé comme légume)
  • En retirer les fils (même technique qu'avec les branches de céleri) et les plonger tout de suite dans de l'eau citronnée (la plante noircit très vite)
  • Débiter ensuite les côtes en tronçons de 5 cm environ et les cuire 15 minutes dans de l'eau citronnée salée
  • Égoutter et mettre le tout avec l'agneau, toujours en train de mijoter
  • Laisser encore cuire à couvert pendant 30 minutes
  • Découvrir et laisser encore un peu cuire pour épaissir la sauce avant de servir
Attention avec le cumin qu'il faut utiliser avec parcimonie : sur-dosé, il aurait vite fait de couvrir toutes les autres saveurs.

mercredi 18 juin 2014

Fleurs de Normandie

Après une courte pause de deux semaines, le blog reprend un peu d'activité mais reste dans la thématique des fleurs. Cette fois-ci, on change complètement de milieu en faisant un grand-écart géographique : après les montagnes savoyardes, c'est maintenant au tour des côtes normandes.

Comme pour les précédents billets, la recette est à la fin ...

Orchis pyramidal (anacamptis pyramidalis).
Cette orchidée a beau être une des plus communes dans nos contrées, je crois bien que c'est la première année où j'en vois autant. J'ai même l'impression que c'est un phénomène général avec presque toutes nos orchidées. A noter que les tubercules de cet orchis sont comestibles (de mon côté, je n'en récolte aucun : il y a trop d'espèces protégées dans cette famille relativement fragile).

Une autre orchidée : l'orchis bouc (himantoglossum hircinum). J'avais toujours cru que c'était à cause de sa "barbichette" (un très long labelle souvent torsadé) qu'elle s'appelait ainsi. Mais c'est plutôt à cause de la forte odeur des fleurs 

Et non ce n'est pas une orchidée mais une orobanche. Les espèces de ce genre sont très difficiles à distinguer les unes des autres et c'est souvent en observant les végétaux environnants qu'on a la réponse. Les orobanches sont en effet des plantes non chlorophylliennes dont chaque espèce parasite un hôte spécifique (ou tout au plus un groupe réduit d'espèces). La réponse est donc au premier plan de la photo : orobanche du panicaut (orobanche amethystea). A noter que certaines orobanches ont été consommées dans divers pays européens, mais concernant celle-ci...

Avec son allure très typique, pas de doute sur la famille de cette plante : c'est une cousine du coquelicot, c'est à dire une papavéracées. Plus précisément, il s'agit de pavot cornu (glaucium flavum). On le rencontre souvent les pieds dans le sable. Comme pour le pavot somnifère ou le coquelicot, ses graines sont comestibles. Mais la plante renferme des alcaloïdes, il ne faut donc pas en abuser.

Les capitules du chardon penché (carduus nutans) rappellent énormément ceux de l'artichaut. S'ils n'était pas aussi piquants, on pourrait en consommer les cœurs de la même manière ! Mais avec de telles défenses, seuls les insectes peuvent en profiter.

Sur les murets en pierre, les crassulacées jouent des coudes : ombilic (umbilicus rupestris) pour les longs épis, orpin anglais (sedum anglicum) pour les petites fleurs blanc-rose. Les feuilles de ces deux-là sont comestibles, mais à ce stade de développement, elles sont devenue trop amères....

Plein de petites étoiles jaunes sur un tapis de feuilles épaisses et succulentes, c'est encore un orpin : l'orpin âcre (sedum acre). Comestible, son nom ainsi que son surnom de "poivre des murailles" nous disent tout sur son goût.

Belles mais extrêmement toxiques, les digitales pourpres (digitalis purpurea) préfèrent généralement les coins frais et abrités. Celles-ci, presque sur la côte et surtout exposées à tous les vents ne devaient probablement pas  le savoir...

L'iris fétide (iris foetidissima) lui aussi fréquente généralement les endroits frais et plutôt humides.
Et pourquoi "fétide" ? La fleur elle-même n'est pas particulièrement odorante, mais la plante, lorsqu'elle est coupée ou simplement manipulée dégage une odeur désagréable. Sans même parler de toxicité, on comprend donc pourquoi cet iris n'est pas comestible...

Autres plantes décoratives qu'on trouve parfois à l'état sauvage (j'en vois de temps en temps en Normandie et en Bretagne) : les hémérocalles (ici hemerocallis fulva). Littéralement, leur nom signifie "beauté d'un jour", car malheureusement, ces belles fleurs sont très éphémères, mais elles compensent par le nombre... Et puis chose intéressante : les racines, les jeunes pousses ainsi que les fleurs de ce "lis" sont tout à fait comestibles aussi bien crues que cuites.

Fleurs d'hémérocalle farcies


Avec leur goût sucré, légèrement piquant et une texture croquante,
les fleurs d'hémérocalles sont délicieuses. Et en plus, elles
sont splendides !
Ingrédients :
  • Fleurs d'hémérocalle bien ouvertes
  • Ricotta
  • Mascarpone
  • Crevettes décortiquées et hachées (de mon côté, j'ai utilisé des petites crevettes grises)
  • Poivron vert "corne de bœuf", débité en très fines lamelles
  • Jus de citron vert
  • Coriandre
  • Feuilles de fenouil
  • Ciboulette
  • Sel
Préparation :
  • Mélanger un volume identique de ricotta, de mascarpone, de crevettes et de poivron
  • Incorporer aussi un peu de jus de citron ainsi que quelques brins de coriandre, de fenouil et de ciboulette finement hachés
  • Placer le mélange dans une poche à douille pour farcir les fleurs
  • Servir rapidement 
Une fleur farcie, c'est juste une ou deux bouchées : c'est donc idéal pour un apéritif !

vendredi 6 juin 2014

Fleurs de Savoie (tome 3)

Nous voilà donc malheureusement à la fin de ce périple savoyard... Mais ce billet reste l'occasion pour faire ensemble un dernier petit tour avant de rentrer.

Cette fois-ci, le billet ne commencera pas par un paysage grandiose... mais par un troupeau en route vers les estives (ou plus probablement vers une étape intermédiaire). Il ne manque plus que le doux son des clarines pour être totalement dans l'ambiance !

L'étape de ce troupeau, ça pourrait très bien être dans un coin comme ce col : l'herbe y est belle et grasse. C'est aussi un terrain favorable au chénopode bon-Henri (chenopodium bonus-henricus), l'un des meilleurs épinards sauvages qu'on puisse trouver. Malheureusement, celui-ci est un peu trop avancé (déjà!?) pour être cueilli : Pas de chance !

Étonnant aussi de trouver ces marasmes des Oréades (marasmius oreades) ou faux-mousserons si tôt à cette altitude. Le col est quand même à 1700m... Heureusement pour eux, ils n'étaient qu'une petite poignée : c'est ce qui les a sauvés !

Au même endroit, mais en lisière de bois, l'alchémille (alchemilla vulgaris) colonise le terrain. Dans ces endroits plus frais, elle capture les gouttes de rosée pour les transformer en rivières de diamants ! C'est une plante comestible plutôt médiocre (astringente et assez coriace), mais elle a de nombreux usages en phytothérapie et aussi dans quelques disciplines plus ésotériques...

Et puis où que l'on aille, on tombe toujours sur de belles orchidées (très nombreuses cette année)... De gauche à droite et de haut en bas : Orchis pâle (orchis pallens), orchis mâle (orchis mascula), orchis de mai (dactylorhiza majalis, ou une des sous-espèces du groupe) et néottie nid d'oiseau (neottia nidus-avis). Caractéristique remarquable chez cette dernière : elle est dépourvue de chlorophylle et trouve ses ressources dans un ménage à trois impliquant un arbre, un champignon et elle-même !

Toujours dans les bois, profitant des suintements d'une source, la sabline des mousses (moehringia muscosa, non comestible) elle aussi a pris de l'avance : Ses fleurs apparaissent généralement plus tard dans la saison...

La forêt commence un peu à s'éclaircir alors qu'au sol, les étoiles blanches de la sabline ont maintenant fait place aux étoiles jaunes du lysimaque des bois (lysimachia nemorum). Certains de ses cousins seraient comestible, mais lui... aucune idée, et dans le doute...

Concernant celles-ci par contre, je n'ai aucun doute : comestibles ! Avec leurs fleurs très caractéristiques parfois jaune délavé, parfois bleues comme ici, il s'agit de raiponces en épis (phyteuma spicatum). C'est tel que les épis sont sur la photo de gauche que je les cueille (avec quelques centimètres de tige) : la pointe encore verte et les fleurs du bas à peine ouvertes. En général, un latex suinte de la tige lorsqu'elle est cassée. En séchant sur les mains, il devient collant, mais un peu d'eau suffit pour s'en débarrasser. 

Quant à la manière de les cuisiner... rien de plus simple :
  • On les ébouillantes 2 petites minutes dans de l'eau généreusement salée
  • Puis on les plonge immédiatement après dans de l'eau glacée (ça fixe les couleurs)
  • Enfin, on les égoutte bien. On les presse même pour en évacuer un maximum d'eau
  • Il n'y a plus qu'à les déguster en salade des morceau de pomme de terre, le tout arrosé d'un peu de vinaigrette...

Les épis de raiponce ainsi préparés ont un léger goût d'artichaut.
De quoi donner d'autres idées de préparations.

jeudi 5 juin 2014

Fleurs de Savoie (tome 2)

En arrière-plan, la Pierra Menta : un énorme monolithe de pierre dont l'origine est attribuée à Gargantua. Selon la légende, le géant aurait donné naissance à cette curiosité en donnant un coup de pied dans le massif des Aravis, détachant au passage un "petit" bout de roche pour le projeter quelques dizaines de kilomètres plus loin dans le Beaufortain (créant aussi pour l'occasion la porte des Aravis).

Pour cette suite de mes pérégrinations savoyardes, nous allons partir de la limite des premiers névés pour ensuite redescendre un peu dans la vallée. Sur les versants nord, la limite de la neige se situait il y a 4 jours aux alentours de 1900m, mais je suis certain qu'elle est maintenant au dessus des 2000m.

À cette hauteur, la fonte de la neige donne naissance à des torrents de montagne qui apportent toute l'humidité nécessaire au développement de plantes, mais pas que...

Un petit replat sur le trajet du torrent suffit à former un étang où les eaux plus calmes semblent avoir concentré les ébats amoureux de tous les batraciens du coin. Les eaux sont en tous cas couvertes de leurs œufs !

En bordure de ce même étang, les fleurs du grand pétasite (petasites hybridus) sont déjà bien sorties. Il partage avec le tussilage cette particularité de fleurir avant l'apparition de ses feuilles. D'ici l'été, ces dernières auront eu le temps de sortir et d'atteindre des tailles dépassant fréquemment 50cm. La plante n'est pas dénuée de toxicité (alcaloïdes pyrrolizidiniques), ce qui n'empêche pas certains de ses cousins d'être consommés en Asie (petasite japonicus).

Non loin de là, dans un endroit un peu plus sec, le jaune des fleurs de gagée (genre gagea, espèce indéterminée) attire l'attention. Avec leur forme étoilée, elles se démarquent des autres fleurs jaunes alentours, principalement des trolles et de la populage. Les bulbes des gagées seraient comestibles, mais la plupart des espèces de ce genre sont protégées.

Descendons un peu pour nous rapprocher des forêts d'épicéa en lisière desquelles le pétasite blanc (petasites albus) est en fleurs, mais cette fois-ci avec quelques feuilles,contrairement à son cousin rencontré auparavant. Si on descendait encore un peu, les feuilles auraient totalement recouvert le sol et les fleurs auraient déjà fructifié pour donner de nombreux akènes à aigrettes, s'envolant au gré du vent, un peu comme avec les pissenlits.

Blanche aussi cette pulsatille des Alpes (pulsatilla alipina). Pour le plaisir des yeux uniquement, car comme la plupart des renonculacées, elle est toxique.

Blanche encore cette grassette des Alpes (pinguicula alpina) dont la rosette en étoile est très caractéristique.
Mais il ne faut pas se fier aux apparences, cette délicate petite plante est une carnivore qui capture ses proies en les engluant sur ses feuilles ! Par ailleurs, sans être réellement comestibles, certaines grassettes ont autrefois été utilisées pour faire cailler le lait.

A quelques dizaines de mètres de là, en jetant en œil rapide à cette touffe fleurie, on aurait pu croire à de la ficaire... mais que nenni ! Il s'agit en fait de violettes ! Car malgré leur nom, les violettes à deux fleurs (viola biflora) sont on ne peut plus jaunes... Feuilles et fleurs sont comestibles, comme pour la plupart des plantes du genre "viola".

Et là, de quoi s'agit-il donc ? De loin, on pourrait croire à de jeune pissenlits, mais de près, la forme des feuilles rappelle les laiterons, et en y regardant d'encore plus près, la côte sur le dos des feuilles a une crête hérissée de poils, rappelant plus une laitue. D'ailleurs, si on en coupe un morceau, un latex blanc suinte de la blessure... mais cékoidon ?

... et bien c'est de la laitue des Alpes (lactuca alpina, syn. cicerbita alpina), et puisqu'il y en a plein, c'est tout simplement elle que je vais cuisiner ! Mais attention, celle-ci est naturellement très amère : on ne peut donc pas la consommer de toutes les manières.

Gratin de laitue des Alpes, diots et Beaufort


Ingrédients (pour 4, soit un petit plat à gratin) :
  • Entre 20 et 30 jeunes pieds entiers de laitue des Alpes (coupés le plus bas possible)
  • 2 diots fumés (saucisses typiquement savoyardes)
  • 70g de Beaufort
  • 25cl de vin blanc de Savoie (un Apremont par exemple)
  • 15cl de lait entier
  • 15-20g de beurre
  • 15-20g de farine
C'est là qu'on se rend compte à quel point le Beaufort peut être gras ...
Mais c'est tellement bon !
Préparation :
  • En préalable, laisser tremper la laitue des Alpes pendant un heure dans de l'eau froide
  • Couper les diots en rondelles et les cuire 15 minutes dans le vin blanc à couvert, puis réserver d'un côté les rondelles, de l'autre le liquide de cuisson
  • Plonger 5 bonnes minutes les pieds de laitue des Alpes dans de l'eau salée frémissante
  • Puis bien les égoutter en les pressant pour en évacuer un maximum d'eau
  • Les placer dans un petit plat à gratin beurré (en couches successives de 5 ou 6, chaque couche perpendiculaire à la précédente) en parsemant de rondelles de diots
  • Faire une sauce béchamel avec la farine et le beurre, mais au lieu d'utiliser le lait comme seul liquide, utiliser un mélange fait de 15cl de lait et de 15cl du liquide de cuisson des diots
  • Verser la sauce obtenue dans le plat à gratin de manière à napper la laitue et les diots
  • Parsemer de Beaufort râpé
  • Enfourner à 210°C le temps que le gratin se fasse

On retrouve dans ce plat une saveur très proche de celle des endives cuites, c'est à dire, tout à fait acceptable, et même très agréable ! On comprend pourquoi cette laitue est très appréciée dans les Alpes italiennes...
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