vendredi 20 décembre 2019

Une nouvelle aventure qui commence

A la création de ce blog, je m'étais fixé comme principe de ne pas faire de pub pour des entreprises commerciales. Mais aujourd'hui, je vais trahir ce principe en parlant de celle que je suis en train de créer avec mes deux associés Sothy et Julien. Cette entreprise que nous créons, c'est le fameux projet auquel j'ai plusieurs fois fait allusion dans de précédents posts.

Cette entreprise, c'est tout simplement un restaurant.


Même si j'ose croire que je ne suis pas un débutant dans le domaine culinaire, c'est un véritable changement de vie pour l'informaticien que je suis j'étais. D'autant que ce virage professionnel à 180° est aussi accompagné d'un changement de région. C'est en effet en Bretagne que nous allons exercer, et plus précisément à Lamballe, dans les Côtes d'Armor.

De ce fait, il y a fort à parier que le blog et la page Facebook de Sauvagement-Bon ne soient plus trop actifs dans les mois qui viennent. Mais j'essaierai quand même de trouver le temps pour un ou deux posts au moins sur Facebook, ceux-ci me demandant moins de temps.

Les propriétaires actuels vont encore exercer jusqu'à la fin de l'année. De notre côté, l'ouverture est prévue pour le 28 janvier 2020. Le début de l'année va donc être très occupé car nous avons encore beaucoup de choses à faire. Lorsque nous aurons atteint notre rythme de croisière et afin de rester dans une thématique qui nous tient à cœur, nous organiserons aussi des ateliers culinaires mêlant cueillette sauvage et cuisine, profitant des nombreuses ressources disponibles dans la région, entre estran, sentiers littoraux et forêt. Mais ça, c'est pour plus tard, probablement au printemps 2021.
Et donc, en attendant, si vous êtes dans le coin de Lamballe à partir de février 2020, n'hésitez pas à venir manger !

Pour plus de détails sur "La Tête Noire", vous pouvez d'ores et déjà visiter son tout nouveau [site web] ou sa [page Facebook] (en cours de transition).

mardi 22 octobre 2019

Les cèpes, c'est le pied !

Cèpe de Bordeaux (boletus edulis).
En France, il n'existe que 5 espèces considérées comme de vrais cèpes, toutes appartenant au genre mycologique "boletus" : le cèpe de Bordeaux et ses proches (clade des boletus edulis), le cèpe d'été (boletus reticulatus syn. boletus aestivalis), le cèpe bronzé (boletus aereus), le cèpe des pins (boletus pinophilus syn. boletus pinicola) et enfin le cèpe de la Maâmora (boletus marmorensis) qu'on ne trouve qu'en zone méditerranéenne.
Dans les forêts automnales, le cèpe, c'est LE champignon que tout le monde recherche.
Du coup, lorsqu'ils sont absents, nombreux sont ceux qui repartent déçus. Bien moins nombreux sont ceux qui osent se rabattre sur d'autres espèces plus méconnues et parfois aussi bonnes, voire même meilleures.
Mais même pour ces derniers (et j'en fait partie), trouver un beau cèpe a quelque chose d'exaltant, presque magique.
Est-ce dû à son allure majestueuse, à la prestance que lui donne son pied en massue ? Est-ce dû à sa taille ou à sa masse souvent imposantes ? Est-ce dû aux délicieuses préparations qu'on s'imagine déjà déguster ?
Quelle qu'en soit la raison et quoi qu'on en dise, le cèpe, c'est vraiment le roi des champignons. Mais c'est un roi au trône fragile et pour lequel on ne compte plus les tentatives d'usurpation. Car si avoir des tubes sous son chapeau suffit généralement pour mériter le nom de "bolet", avoir un beau pied n'est pas un attribut exclusif des cèpes.

Voici donc, pour vous faire une idée, quelques-uns des usurpateurs aux beaux pieds, plus ou moins proches, plus ou moins comestibles, plus ou moins toxiques :
Bolet de fiel ou bolet amer (tylopilus felleus)
C'est sans doute le bolet avec lequel la confusion est la plus facile. Même couleur de chapeau que les cèpes, pied couvert d'un réseau nettement visible, tube blancs pour les spécimens les plus jeunes, on pourrait s'y laisser tromper. Mais à regarder de plus près, plusieurs différence apparaissent. Tout d'abord le réseau sombre voire noir sur fond brun clair alors qu'il est blanc ou ocre sur les cèpes, selon les espèces. Ensuite, les tubes dont les pores sont un peu plus larges que ceux des cèpes et qui ont tendance à rosir puis à noircir (alors qu'ils jaunissent puis verdissent avec les cèpes). Heureusement, cet usurpateur de première n'est pas toxique. Il est seulement amer, très amer, très très très amer, au point qu'un seul spécimen au milieu d'une dizaine de cèpe suffirait à gâcher un plat !
Bolet à pied rouge (neoboletus erythropus, anciennement boletus erythripus puis boletus luridiformis)
Une silhouette familière, mais un pied rouge sans réseau et une chair jaune bleuissant intensément à la coupe, plus ferme et plus dense que celle des cèpes. Avec, pour finir le portrait, un chapeau brun velouté sur le dessus et des tubes jaunes bleuissant avec des pores rouges sur le dessous. Cette couleur rouge très présente conduit d'ailleurs beaucoup de néophytes à la prendre pour le bolet satan, alors qu'il est très différent d'aspect (voir un peu plus loin) et surtout, c'est un bon comestible lorsqu'il est cuit (il est toxique cru). A noter qu'il pousse plutôt sur sols non calcaires, sous feuillus et sous conifères.
bolet radicant (caloboletus radicans, anciennement boletus radicans)
Là, le pied n'est pas en massue mais carrément en bulbe, façon ampoule électrique (il lui arrive aussi d'être plus droit, mais massif dans tous les cas). Il est couvert d'un réseau très discret. Sa chair est jaune et bleuit à la coupe. Quant au chapeau, blanc au dessus, ses tubes et pores sont jaunes sur le dessous. Poussant principalement sous feuillus et sur sol calcaire, ce champignon n'est pas comestible, il est juste immangeable du fait de son amertume.
Bolet satan (rubroboletus satanas, anciennement boletus satanas puis Suillellus satanas)
Le voilà celui que les néophytes redoutent. Pied enflé, rouge vers le bas, orangé puis jaune vers le chapeau, couvert d'un discret et fin réseau rouge sur le haut, avec une chair jaune très claire bleuissant sans excès à la coupe. Chapeau blanc au dessus, avec au dessous des tubes jaunes et des pores jaune-orangé virant au rouge avec l'âge. Toxique cru (gastro-entérite durant plusieurs jours), selon certains, il serait comestible après une longue cuisson, mais ce dernier point fait toujours débat. Dans le doute, mieux vaut donc s'abstenir. A noter que c'est un champignon plutôt thermophile poussant sous feuillus sur sol calcaire.
Bolet orangé (leccinum aurantiacum syn. leccinum quercinum)
Le pied méchuleux est assez caractéristique des champignons de ce genre (leccinum) dont certains, surtout lorsqu'ils sont jeunes, peuvent présenter un pied massif façon cèpe. Que ce soit le bolet rude (leccinum scabrum), le bolet orangé (leccinum aurantiacum syn. leccinum quercinum) comme sur la photo ou leurs autres cousins à tubes blancs, aucun n'est toxique. Jeunes, ils sont même considérés par certains comme de bons comestibles (surtout le bolet orangé), mais la fermeté extrême de leur pied sur les spécimens avancés en dissuade plus d'un ! Leurs espèces sont parfois difficiles à distinguer les unes des autres, mais l'identification des arbres sous lesquels ils poussent permet de faire une partie du chemin.
Bolet blafard (suillelus luridus, anciennement boletus luridus)
De nouveau la silhouette typique du cèpe, mais là non plus, la couleur ne correspond pas. Que ce soit le réseau rougeâtre nettement visible sur le pied, la chair bleuissante et les tubes jaunes à pores orangés puis rouges avec l'âge. Mais cette description reste assez vague car le bolet blafard a des couleurs très variables. Il est toxique cru mais comestible cuit. Moins ferme que le bolet à pied rouge, une fois bien cuit, il se rapproche même des cèpes !
Bolet bai (imeleria badia, anciennement xerocomus badius puis boletus badius)
Les "cueilleurs du dimanche" les appellent souvent juste "bolets", mais cette courte désignation ne veut pas dire grand chose, puisque comme dit précédemment, le nom vernaculaire "bolet" désigne quasiment tous les champignons à tube poussant en terre, y compris les cèpes. En gros, "bolet" désigne plus généralement tous les membres de la famille des boletacés. Il suffit pourtant juste de 3 lettres supplémentaires pour désigner l'espèce de la photo sans ambiguïté car il s'agit en effet du bolet bai. Leur pied est généralement assez frêle, mais on en trouve parfois avec un pied gonflé aux faux-air de cèpe. Avec des tubes jaunes bleuissant, un pied ocracé à la chair blanc-beige pouvant légèrement bleuir à la coupe et un chapeau brun, il est assez facilement identifiable. Et surtout, même s'il n'a pas la finesse du cèpe, c'est un bon comestible, malheureusement trop souvent véreux.

Lorsqu'ils sont très jeunes, les cèpes, les vrais, peuvent être dégustés crus, qualité qui n'est pas donnée au premier champignon venu. A tout bien y réfléchir, je ne vois d'ailleurs que quelques agarics (dont le champignon de Paris), la langue de bœuf, quelques pézizes et bien entendu l'amanite des césars (merci à Colibri pour son rappel) à partager cette qualité, si on exclut tout ceux qui ne sont pas toxiques, mais sans intérêt culinaire à être consommés crus.
Un bouchon idéal pour un carpaccio, mais...
Mais attention, en dégustant un champignon cru, on prend le risque d'une contamination par des parasites tels que l'échinocoque (à l'origine de la "maladie du renard" ou échinococcose alvéolaire).
Pour minimiser les risques (et je parle bien de minimiser, pas de les supprimer), un cèpe consommé cru devra donc être cueilli loin de toute zone souillée. A noter au passage que contrairement aux idées reçues, ce n'est pas via l'urine mais via les fèces des carnivores que le parasite peut se transmettre.
Les cueilleurs habitant l'ouest de la France prendront de base moins de risques puisque les principaux foyers de cette zoonose se situent à l'est (bande allant des Hautes Alpes à la Meuse en passant par le Jura) et en Auvergne.
Pour vous faire une idée par vous-même, je vous invite d'ailleurs à lire l'article de wikipedia sur le sujet et en particulier les passages sur les zones et les facteurs de risques (ici et ). C'est, je le pense, une assez bonne synthèse.

Bien que délicieux, le carpaccio de cèpes est un plat que, personnellement, je ne consommerai pas avec des champignons qu'on m'aurait donnés, qui auraient été achetés ou que j'aurais moi-même cueillis dans une région à risque. Ceux de la photo ont par exemple été cueillis dans une forêt des Côtes d'Armor, région peu, voire pas atteinte par la zoonose. Malgré tout, même dans ces conditions, le risque ne peut pas être totalement nul.

Pour consommer les cèpes sans risque de contamination, la cuisson est la seule solution. Mais cru ou cuit, s'il vous plait, ne les lavez pas à l'eau. Les champignons, et particulièrement les cèpes, agissent comme des éponges et vous gâcheriez votre récolte. Un cèpe, ça se gratte avec le couteau, ça se frotte avec un pinceau, ça se nettoie avec un linge humide... mais ça ne se lave pas !

Si vous les saisissez rapidement à la poêle sur feu vif dans un peu de matière grasse, il ne faudra surtout pas en mettre trop à la fois, ne pas les saler (une fois cuits uniquement), ne pas les couvrir et résister à l'envie d'y toucher ou de les remuer avant que la face en contact avec le métal ait commencé à dorer. Ne pas respecter ce délai aurait pour effet de leur faire rendre de l'eau et au final de les ramollir, voire d'en faire de la bouillie. Pour garder de la mâche, une coupe en tranches de 1 à 2 cm d'épaisseur est idéale. Ce mode de cuisson aura pour effet de provoquer la fameuse réaction de Maillard, une sorte de caramélisation qui va concentrer et amplifier toutes les saveurs du champignon en lui donnant cet aspect doré. Pour compléter, pourquoi ne pas rajouter un peu d'ail pressé en fin de cuisson (il doit quand même cuire un minimum, sans griller, pour ne pas prendre le dessus sur le cèpe) et une pincée de persil finement haché en dehors du feu. Préparés ainsi, ils se suffisent à eux-mêmes, mais font aussi un excellent accompagnement.

Autre possibilité : la cuisson lente, qui permet d'infuser les délicates saveurs du cèpe dans votre préparation, comme avec la recette suivante.

Gratin de pommes de terre
aux cèpes

Ingrédients :
  • 1kg de pommes de terre
  • 300g de cèpes bien fermes
  • 20cl de crème entière liquide
  • 50cl de lait entier
  • 50g d'emmental
  • 1 gousse d'ail
  • Une noix de beurre
  • Poivre et sel
Préparation :
  • Laver et peler les pommes de terre
  • Les émincer finement à la mandoline (tranches de 1 à 2mm d'épaisseur)
  • Nettoyer les cèpes et les émincer finement (tranches de 2mm d'épaisseur)
  • Beurrer le fond d'un plat à gratin
  • Y parsemer l'ail finement haché
  • Ajouter ensuite en alternant de fines couches de pommes de terre et de fines couches de cèpes (3 à 4 de chaque) pour finir avec les cèpes
  • Saler, poivrer
  • Râper l'emmental et le répartir sur le dessus
  • Verser la crème et le lait
  • Enfourner pour à 180°C pour 1h30
Important : Ne pas plonger les pommes de terre dans l'eau une fois émincées, elles perdraient l'amidon qui participe grandement à la tenue du gratin.


lundi 21 octobre 2019

Retour aux fondamentaux

Avec le retour de la pluie et d'une température plus douce, l'automne n'est pas que la saison des champignons et des fruits. C'est aussi la saison des repousses.
C'est le cas pour beaucoup de plantes là où elles ont été fauchées, et c'est particulièrement le cas avec les orties. Désormais, à la place des tiges desséchées, vestiges d'un été difficile, se dressent de jeunes pousses toutes neuves, bien vertes et tendres : l'idéal pour qui veut les cuisiner.

L'ortie dioïque (urtica dioica), la plus commune, se distingue de l'ortie brûlante (urtica urens) par des inflorescences ramifiées. A noter que les tiges ne sont pas les seules parties de la plante couvertes d'aiguillons. On peut en trouver sur les feuilles, aussi bien dessus que dessous, sur les pétioles et même sur les inflorescences !
Et cuisiner cette "mauvaise herbe", c'est plutôt intéressant. Très protéique (de 30 à 40% de la masse sèche), elle fournit une très grande diversité d'acides aminés, dont les 8 essentiels pour l'homme (tryptophane, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, valine, leucine et isoleucine). Elle est aussi source de nombreuses vitamines (C et A en particulier) ainsi que de minéraux. En gros, c'est le "super-aliment" sauvage par excellence !

Si d'aventure vous vouliez les cueillir à mains nues sans vous faire piquer, voici la technique : passer deux doigts sous les feuilles et les resserrer tout en remontant. Une fois la tige bien serrée, il suffit de tordre la tige et de tirer. Cette technique toute simple permet de casser ou au moins de coucher les aiguillons qui autrement injecteraient sous la peau leur cocktail d'acide formique, d'histamine, d'acétylcholine et de sérotonine (pour les principales substances). De quoi effectivement faire réagir la peau !

Ne cueillir que les sommités des orties, c'est à dire les 3 à 4 dernières paires de feuilles. En dessous, la tige est trop fibreuse et les feuilles plus anciennes peuvent former des cystolhites, des concrétions minérales microscopiques susceptibles d’irriter le système urinaire.

La recette d'aujourd'hui est à la fois classique et très simple, mais c'est peut être celle qui permet de profiter au mieux des saveurs spécifiques de la plante (hormis si on la mange crue, à tester au moins une fois)... et puis en plus, elle a toujours du succès.

Omelette aux orties et au fromage de chèvre


Ingrédients (pour 4) :
Très bonne chaude avec un peu de salade, cette omelette peut aussi se déguster froide, par exemple découpée en cubes pour l'apéritif.
  • Un grand saladier d'orties fraîches
  • Un fromage et demi de chèvre mi-sec type picodon, 
  • 8 œufs
  • Un peu de lait entier (optionnel)
  • Deux cuillères à soupe d'huile d'olive
  • Sel et poivre
Préparation :
  • Faire bouillir une grande quantité d'eau salée
  • Y plonger les orties jusque au retour de l'ébullition et attendre encore 2 minutes
  • Égoutter les orties (on peut récupérer l'eau de cuisson qui est assez aromatique et peut être utilisée comme bouillon végétal pour cuire des pâtes ou du riz par exemple)
  • Les refroidir en les plongeant dans de l'eau froide
  • Les égoutter à nouveau, former une boule avec et la presser modérément de sorte à en évacuer une bonne partie de l'eau qu'elles ont fixé
  • Hacher la boule le plus finement possible
  • Incorporer les œufs et optionnellement un peu de lait si l'appareil est trop "sec"
  • Incorporer le picodon découpé en petits cubes
  • Saler, poivrer (attention, le fromage apporte déjà du sel)
  • Bien chauffer une poêle sur feu vif et ajouter une cuillère à soupe d'huile d'olive
  • Y verser l'appareil lorsque celle-ci est bien chaude,
  • Une fois celui-ci bien saisi, baisser le feu et couvrir
  • Lorsque le fond est bien doré et que le dessus a commencé à coaguler, retourner l'omelette dans une grande assiette
  • Remonter l'intensité du feu, ajouter la seconde cuillère d'huile d'olive dans le fond de la poêle
  • Y faire glisser l'omelette le temps qu'elle finisse de dorer
Note: On peut compléter les orties par d'autres plantes de saison. A essayer par exemple avec des feuilles de moutarde.

mardi 10 septembre 2019

Une consolation sortie de la mousse

En feuilletant rétrospectivement les pages de ce blog, je me suis rendu compte que cela faisait bien longtemps que je n'avais pas cueilli et préparé d'alises, fruits des alisiers (ici) Me trouvant actuellement dans le sud Vercors, région où l'alisier blanc est plutôt fréquent, j'étais impatient de partir en balade (pour l'occasion accompagné de ma maman) dans un coin repéré plus tôt cet été. Je me régalais déjà à l'idée d'un fromage de chèvre frais accompagné de confiture d'alises.

Nombreuses grappes d'alises, fruits de l'alisier qui en principe mûrissent entre la fin de l'été et le début de l'automne. Ici, un alisier blanc (sorbus aria) dont les feuilles au revers argenté sont typiques. A noter qu'on peut aussi trouver des alises sur l'alisier torminal (sorbus torminalis).

Pourtant, après une petite heure de marche le long des chemins forestiers, ça a plutôt été la déception : en effet, bien que très nombreuses, les alises sont encore bien vertes et seules quelques rares baies commencent à peine à prendre une teinte plus dorée. Il leur manque bien 3 à 4 semaines avant qu'elles atteignent leur pleine maturité !

Les fruits de l'alisier blanc sont couverts d'un fin duvet. Mûrs, ils prennent une couleur variant du rouge brique au brun-rouge. Pour les utiliser dans une confiture, il faut que les fruits soient ultra-mûrs, voire blettis (âpres sinon). On en est donc encore loin !

Sur ce constat, nos regards qui jusque là étaient plutôt tournés vers le haut, ont changé d'orientation et ont tout d'abord repéré une belle clavaire dorée (non comestible). Après plusieurs semaines sans pluie et juste de légères averses la veille, sa présence ici était plutôt surprenante. Mais comme elle était bien là, cela pouvait aussi indiquer la présence d'autres espèces plus intéressantes. Et la confirmation n'a pas tardé avec tout d'abord une belle série de lactaires saumon, puis deux beaux cèpes et enfin de nombreux écailleux.

Lactaire saumon ou lactaire des sapins (lactarius salmonicolor). Il peut être confondus avec plusieurs de ses cousins lactaires à lait orange (dont aucun n'est toxique à ma connaissance). Mais la distinction des différentes espèces peut se faire en fonction des arbres sous lesquels on les trouve : lactaire délicieux (lactarius deliciosus) sous les pins, lactaire des épicéas ou lactaire détestable (lactarius deterrimus) sous les épicéas, lactaire saumon (lactarius salmonicolor) sous les sapins.

Lactaire saumon ou lactaire des sapins (lactarius salmonicolor). On voit bien ici les principales caractéristiques de ce champignon qui ne pousse que sous les sapins : scrobicules (fossettes) sur un pied creux ou farci, lait peu abondant de couleur orange virant au brun en 20-30 minutes, marge enroulée sur les jeunes spécimens, lames subdécurentes.

Un joli cèpe de Bordeaux (boletus edulis) malheureusement trop véreux.

Ecailleux, éperviers ou encore hydnes imbriqués (sarcodon imbricatus). Très appréciés en Franche-Comté et en Suisse où ils sont généralement préparés au vinaigre, ils sont délaissés ailleurs. L'aspect écailleux de la partie supérieure de leur chapeau, la présence d'aiguillons et non de lamelles sur la partie inférieure laissent peu de doutes quant à leur identification. Ils peuvent toutefois être confondus avec leur cousin l'hydne rugueux (sarcodon scabrosus) qui a des écailles bien moins marquées et un pied plus sombre tirant vers le bleu-vert à sa base. La confusion n'aurait toutefois pas de grave conséquence, l'hydne rugueux n'étant pas toxique.

Bien que n'étant pas les meilleurs des lactaires, les lactaires saumon ou lactaires des sapins (lactarius salmonicolor) ont un certain intérêt. Utilisables grillés, sautés, au vinaigre, à la grecque, je trouve personnellement que c'est dans les plats mijotés en sauce qu'ils se révèlent vraiment. Ils ont en effet deux caractéristiques intéressantes pour ce type de préparation : d'une part leur très bonne tenue à la cuisson (peu de réduction et texture restant assez ferme), d'autre part leur mucilage qui à la cueillette les rend gluants (surtout par temps humide) mais qui, lors de la cuisson, donne du liant à la sauce.

Mijoté de bœuf aux lactaires

Ingrédients pour 4 :
A servir avec du riz, des pâtes ou encore des pommes vapeur.
  • 700g de viande de bœuf à pot au feu (type paleron, jumeau, gîte, macreuse etc.) parée
  • 100g de poitrine de porc fumée découpée en lardons
  • 500g de lactaires frais
  • 4 tomates
  • 2 oignons
  • 1 carotte
  • 3 gousses d'ail
  • 1 cuillère à soupe rase de feuilles séchées de thym
  • 1 feuille de laurier
  • Huile d'olive
  • Sel et poivre
Préparation :
  • Bien nettoyer puis laver les champignons avant de les égoutter
  • Découper les plus gros, garder les plus petits entiers et réserver
  • Hacher l'oignon grossièrement et le faire revenir sans coloration dans un peu d'huile d'olive avec les lardons, puis réserver
  • Découper la viande en gros cubes et la laisser se colorer dans un filet d'huile d'olive bien chaude
  • Lorsque la viande est bien saisie, ajouter les champignons, l'oignon et les lardons, les tomates préalablement concassées, les gousses d'ail pelées et écrasées, la carotte découpée en fines rondelles, le thym, le laurier et un peu de poivre
  • Ajouter de l'eau à hauteur
  • Amener doucement à frémissement puis laisser mijoter à couvert pendant 2 heures
  • Découvrir et laisser réduire la sauce à feu moyen pendant encore 1 petite heure
  • Les lardons apportant leur dose de sel et la réduction concentrant les saveurs, ne saler qu'à la fin selon votre goût

Et pour ceux qui se posent la question des écailleux, voici selon moi la manière la plus simple de les préparer :

Écailleux au vinaigre

  • Laver les champignons et les débiter en morceaux assez gros
  • Diluer une bonne quantité de vinaigre blanc à 8% avec 2 fois plus d'eau (mélange 1/3 vinaigre - 2/3 eau, voire plus d'eau si vous ne cherchez pas une longue durée de conservation)
  • Porter ce liquide à ébullition
  • Y ajouter les champignons
  • Attendre que l'ébullition reprenne et laisser cuire 5 bonnes minutes
  • Ajouter une pincée de sel fin au fond des bocaux avant d'y verser les champignons et de compléter à hauteur avec le liquide brûlant
  • Fermer les bocaux et les laisser refroidir tête en bas

Préparés de cette manière, les écailleux peuvent se conserver 2 à 3 ans sans problème.
A noter qu'il existe beaucoup de variantes. Par exemple, sur la même base, on peut commencer par faire dégorger les champignons au sel pendant quelques heures pour les affermir avant de les ébouillanter. On peut aussi utiliser un liquide vierge (bouillant avec la même proportion eau-vinaigre) pour la mise en bocal car le liquide de cuisson a tendance à noircir. Enfin, on peut ajouter des aromates, mais personnellement, je préfère le goût du champignon nature.

samedi 13 juillet 2019

Des algues dans tous leurs états

Difficile de trouver du temps à consacrer au blog lorsqu'on mène un projet très prenant en parallèle, mais depuis maintenant plus d'un mois que Sauvagement-Bon était muet, il fallait que ça change !

Les algues que j'avais récoltées et séchées mi-juin sont tombées à pic :

Le spaghetti de mer (himanthalia elongata) est une algue brune qui peut dépasser 3m de long. On l'appelle aussi haricot de mer, mais ce nom peut prêter à confusion car il est également donné aux salicornes (qui, contrairement à ce que j'ai encore entendu dans une émission télévisée culinaire, ne sont pas des algues, mais bien des plantes de la famille des épinards). En été, la surface des longues branches aplaties se couvre d'aspérités : ce sont ses cellules reproductrices. Mais pas d'inquiétude, hormis un aspect visuel plus granuleux et moins attrayant, cela n'a aucune conséquence sur la comestibilité de ces algues. Coupées en tronçons de quelques centimètres et cuites à l'eau, on peut les utiliser de la même manière que des haricots verts. Fait amusant : Fraîches, elles sont brun-kaki, mais avec la chaleur de la cuisson, elles prennent une teinte bien verte. Elles méritent donc d'autant plus leur nom de haricot de mer.
Confusion possible : lacet de mer (chorda filum), qui peut être encore plus long, n'a pas de cupule à sa base, n'a pas d'embranchements et a une section circulaire. Cette algue n'est probablement pas toxique, mais certainement immangeable car beaucoup trop coriace (on peut même l'utiliser pour produire des cordages, mais ceux-ci deviennent rapidement cassants).

La laitue de mer (ulva lactuca) a mauvaise presse à cause des plages où elle et ses cousines prolifèrent, alimentées par des eaux de ruissellement trop riches en substances nutritives (généralement issues du lessivage de terres agricoles par la pluie). Lorsque ces algues vertes poussent en trop grande quantité, leurs thalles (les "feuilles" des algues) arrachés par la houle s'accumulent en bordure d'estran. Là, avec la chaleur et l'humidité, ils ont tendance à fermenter et à générer un gaz toxique (hydrogène sulfuré). Mais fraîches, elles ne sont nullement toxiques. Et ce sont même d'excellentes algues qui apportent une saveur très marine aux préparations. Immangeables lorsqu'elles sont crues et fraîches (on dirait des feuille de plastique), elles nécessitent au moins une cuisson pour être plus agréables en bouches. L'idéal, c'est de les sécher et d'en faire des paillettes utilisables un peu partout (excellentes avec un poisson en papillote par exemple).

Le pioka est un terme générique qui désigne deux espèces d'algues rouges : d'une part chondrus crispus (mousse irlandaise, carragheen, lichen de mer, goémon frisé) à droite sur la photo et d'autre part mastocarpus stellatus (gigartine ou fausse mousse irlandaise) à gauche. Bien qu'il s'agisse d'algues rouges, lorsqu'elles sont situées haut dans l'estran, leur exposition régulière à la lumière les jaunit (comme sur la photo), voire même les verdit. Les deux espèces sont polymorphes et il est parfois difficile de les distinguer, mais pour ce qui m'intéresse, à savoir leur comestibilité et leur propriété gélifiante, elles sont plutôt équivalentes. Le mucus qu'elles produisent est en effet un gélifiant à l'origine de l'additif alimentaire E407 (carraghénanes). Plus souple que l'agar agar, les texture qu'il permet d'obtenir sont plus agréables. Pour l'extraire, il suffit d'infuser deux à trois minutes ces algues dans un liquide à ébullition (lait ou eau par exemple). Contrairement à d'autres algues, le pioka n'apporte quasiment aucun goût, il peut donc être utilisé pour les desserts.
A noter que s'ils sont chauffés à plus de 80°C dans un milieu fortement acide (ce qui n'est ni le cas de l'eau, ni du lait), les carraghénanes peuvent être dégradés en poligeénane, potentiellement toxiques (à l'origine de plusieurs controverses sur le E407).

En voyant ces deux formes sombres sur les rochers, on pourrait penser à des algues, mais un regard plus attentif permettrait d'observer que celles-ci se déplacent. Par ailleurs, bien que de tailles différentes, les deux spécimen de la photo ont une morphologie rigoureusement identique. Il s'agit en fait de deux lièvres de mer (aplysia sp.). Pas forcément rares, c'est quand-même la première année que j'en vois autant.
A noter que les toxines que contiennent leur corps les rend non comestibles.
Et avec autant d'algues, on peut même faire un repas complet (ingrédients pour 4) :

Entrée : haricots de mer au sésame

Laisser tremper pendant deux heures dans de l'eau froide 4 petites poignées de haricots de mer séchés.
Les ébouillanter ensuite pendant une dizaine de minute.
Les refroidir en les plongeant dans de l'eau glacée.
Verser dessus un peu de sauce composée de sauce soja, d'huile de sésame et de mirin en quantités égales et éventuellement un peu de pulpe d'ail.
Finir avec une bonne pincée de sésame blanc.

Plat : tomagoyaki (omelette japonaise) à la laitue de mer

Plonger deux poignées de laitue de mer séchée dans de l'eau bouillante salée.
Les laisser se réhydrater et cuire pendant 5 bonnes minutes.
Les égoutter et les hacher.
Les mélanger à 8 œufs préalablement battus omelette.
Puis confectionner le tomagoyaki en suivant la technique expliquée ici.

Dessert : Panna cotta à la mélisse et coulis de framboise

Placer 40cl de lait entier et 15cl de crème fraîche dans une casserole.
Ajouter 2 poignées de pioka séché (10g), 120g de sucre et deux poignées de feuilles de mélisse séchée.
Mettre sur le feu, couvrir et porter à frémissement.
Maintenir ainsi pendant 2 bonnes minutes tout en mélangeant pour dissoudre le sucre et bien extraire le gélifiant.
Au travers d'un chinois, tout en pressant, verser directement le liquide dans des grands verres de service (15cl).
Laisser tiédir une petit dizaine de minute.
Pendant ce temps, passer 100g de framboises au mixeur avec une cuillère à soupe de sucre, quelques gouttes de jus de citron et un peu d'eau.
Recouvrir la panna cotta avec ce coulis, couvrir (ou filmer) et mettre au réfrigérateur pendant au moins deux heures avant de servir.
Important :
La réglementation pour la pêche à pied de loisir et la récolte des algues a changé récemment en Bretagne. La récolte des algues n'est en effet autorisée que de jour (du lever au coucher du soleil) et pendant une période particulière de l'année, ajustée selons les espèces. Par exemple, pour le pioka (chondrus crispus et mastocarpus stellatus), la période annuelle s'étend du 1er mai au 31 octobre inclus.
Pour certaines espèces, une taille minimum doit également être respectée. Par exemple, 80cm pour le spaghetti de mer (himanthalia elongata).
Afin de préserver les algues, la récolte doit se faire en les coupant au dessus de leur crampon (les instruments autorisés sont le couteau, la faucille, les ciseaux et le sécateur) et surtout pas en les arrachant. Pour une espèce comme le goémon noir (ascophyllum nodosum), la réglementation impose même de laisser un minimum de 30cm au dessus du crampon.
Enfin, et ça, ce n'est pas la réglementation, mais du bon sens : pour une utilisation alimentaire, ne pas récolter d'algues non cramponnées. En effet, lorsqu'elles se détachent et dérivent , elles peuvent garder très longtemps un aspect "sain" alors qu'elles ne sont plus du tout consommables.

Et pour vous aider dans l'identification des espèces marines, un petit tour chez DORIS vous aidera à vous y retrouver. Voici par exemple les fiches des 4 espèces d'algues citées : haricot de mer, laitue de mer, carragheen et gigartine.

lundi 3 juin 2019

Sauvagement beau

Hier était pour moi une journée consacrée à la recherche d'orchidées. La période mai-juin est en effet la plus propice pour observer les fleurs d'une bonne partie des quelques 160 espèces de nos orchidées terrestres.
Beaucoup d'entre-elles sont protégées et de manière générale, qu'elles le soient ou non, il ne faut pas les cueillir. Ces plantes-là, c'est uniquement pour le régal des yeux (cliquer sur les images pour les agrandir)...

Orchis pyramidal (anacamptis pyramidalis)

Céphalantère pâle (cephalanthera damasonium)

Zygène sur un dactylorhiza

Orchis pyramidal (anacamptis pyramidalis)

Orchis moucheron (gymnadenia conopsea)

Orchis pyramidal (anacamptis pyramidalis)
 
Dactylorhiza sp.

Ophrys abeille (ophrys apifera)

Dactylorhiza sp.

Orchis bouc (himantoglossum hircinum)

Dactylorhiza sp.

Orchis moucheron (gymnadenia conopsea)

Listère à feuilles ovales (listera ovata)

Céphalantère pâle (cephalanthera damasonium)

Orchis bouc (himantoglossum hircinum)

Ophrys abeille (ophrys apifera)

Dactylorhiza sp.

Orchis militaire (orchis militaris)

Orchis militaire blanc (orchis militaris)

Orchis pourpre (orchis purpurea)

Orchis militaire (orchis militaris)

Peut-être un hybride entre orchis militaire et orchis pourpre (orchis militaris x purpurea)

Ophrys bourdon (Ophrys fuciflora)

Peut-être un ophrys bécasse (ophrys scolopax),
mais la forme du labelle est assez étrange, en particulier son appendice...


Platanthère à fleurs verdâtres (platanthera chlorantha)

Ophrys mouche (ophrys insectifera)
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