lundi 20 mai 2013

Une "courge" très spéciale

Il est des plantes avec lesquelles il faut se méfier.
C'est typiquement le cas de la bryone dioïque, pour laquelle le nom de "navet du diable" n'est pas usurpé. "Navet" tout d'abord à cause de la taille imposante de sa racine. "Du diable" ensuite car la plante contient un alcaloïde toxique, la bryonicine. C'est de loin dans ses fruits (des petites baies rouges apparaissant en été et en automne) qu'elle en concentre le plus, au point qu'une poignée pourrait vous être fatale.
Bryone dioïque (bryonia dioica).
Feuilles velues, presque duveteuses, assez découpées présentant de 5 à 7 lobes.
Et pourtant, malgré cela, je vais vous proposer de goûter à cette cousine de la courge (famille de cucurbitacées).
Pour éviter tout risque, il faudra nous contenter des jeunes pousses de la plante que nous allons tout d'abord devoir débusquer. Étonnamment, c'est souvent grâce à un petit organe de cette liane qu'on la repère le plus facilement dans les haies et autres buissons épais : ses vrilles. Il faut croire que cette forme en tire-bouchon attire plus facilement l’œil que le reste de la plante.
Vrille de bryone dioïque (bryonia dioica).
On retrouve cet organe chez beaucoup de cucurbitacées.
C'est d'ailleurs un organe qu'on retrouve chez beaucoup de lianes et de plantes grimpantes, et celles de la bryone sont particulièrement efficaces pour monter à l'assaut des hauteurs.

Pousses de bryone dioïque (bryonia dioica). Il fut un temps où on
les pouvait les trouver sur les étals des marchés du sud de la France.
À remarquer : les vrilles du haut, tendues en avant à la recherche
du moindre support autour duquel s'enrouler.
Afin de ne sélectionner que les meilleures, on se contentera de ne prélever que les 10 à 20 derniers centimètres des pousses les plus charnues et n'ayant pas encore de fleurs. Il y a une semaine, alors que j'étais dans le sud de l'Ardèche, les fleurs étaient déjà présentes (c'était donc trop tard), mais ici, en région parisienne, on commence tout juste à deviner leurs boutons (c'est donc encore temps !).

Voilà, nous avons maintenant une bonne poignée de pousses, on va enfin pouvoir passer en cuisine.

Parmentier de canard aux pousses de bryone

Ingrédients (pour 4) :

  • 200g de pousses de bryone
  • 500g de pommes de terre
  • 2 cuisses de canard confites et un peu de leur graisse
  • 10cl de lait
  • 5cl de crème
  • Chapelure
  • Sel et poivre

Préparation :

  • Prélever la chair du canard confit (ça doit faire environ 350g de viande), l'effilocher à main et réserver 
  • Cuire les pommes de terre entières (non pelées) dans l'eau, les peler et réserver
  • Plonger les pousses de bryone dans de l'eau bouillante salée et laisser cuire pendant 3 minutes
  • Les sortir pour les plonger immédiatement dans une bonne quantité d'eau froide afin de stopper la cuisson
  • Écraser les pommes de terre avec un presse-purée ou une fourchette
  • Y incorporer deux cuillères à soupe de graisse de canard chaude, puis le lait et la crème
  • Saler, poivrer
  • Bien égoutter la bryone (la presser légèrement afin d'évacuer l'eau retenue par ses poils) et la débiter en petits morceaux
  • La mélanger à un tiers de la purée pour en tapisser le fond du plat à gratin
  • Étaler ensuite l'effilochée pour constituer la seconde couche, puis le reste de la purée pour la troisième
  • Napper avec une cuillère à soupe de graisse de canard chaude (donc bien liquide)
  • Finir avec quelques pincées de chapelure
  • Enfourner pour 15 minutes à 200°C, position grill

Si comme moi vous avez de la chance dans votre cueillette, vous pourrez en plus accompagner ce parmentier d'une poignée de feuilles de diplotaxe avec un peu d'huile d'olive, de vinaigre balsamique et de fleur de sel.
La fausse-roquette ou "riquette" est gustativement très proche de la roquette, mais plus puissante. Ça tombe bien : entre la saveur de courge apportée par la bryone et le goût bien marqué du canard, il fallait bien ça pour équilibrer !
Diplotaxe à feuilles étroites (diplotaxis tenuifolia)

Avertissement : Pour les raisons évoquées au début de ce billet, on évitera de consommer trop souvent les pousses de bryone. À noter qu'à très haute dose, la bryone présente des pouvoir abortifs, mais à ces doses là, elle risque aussi d'être létale.

2 commentaires:

  1. J'en ai cueilli hier, le long de ma haie en Bretagne, bien dodue et tendre. Leur aspect me rappelle ce qu'on appelle, aux Antilles, les "brèdes chouchou", issues des pousses de... citrouille ou autres de la même famille. En revanche, le goût de mes pousses de bryones était assez amère, ce qui ne m'a pas dérangée du tout, mais il faudra que j'en récolte ailleurs pour savoir si c'est toujours un peu amère... Ton parmentier m'a l'air très élaboré et appétissant !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il y avait une légère amertume dans celles que j'ai utilisées, mais dans le parmentier, on ne la sentait plus du tout. Seul restait le goût de courge, légèrement sucré. Quant à la recette, c'était surtout l'occasion pour moi de finir agréablement les restes d'une boite de confit ouverte pour une autre préparation.

      Supprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...