lundi 26 août 2013

Faute de grives ...

Mes congés d'été finis depuis une semaine, mais l'esprit encore en vacances, les deux jours de grande marée qui précédaient le week-end dernier m'ont servi de prétexte à une petite prolongation improvisée. Il faut dire que l'année n'est pas très favorables à de très gros coefficients et que ces deux jours allaient voir les plus gros de l'année (109).

Avec des coefficients aussi élevés, l'eau de retire loin et découvre des rochers qui prennent rarement l'air. Le plus intéressant ici, ce sont les flaques et les cavités dans lesquelles crabes et homards se réfugient.

Comme j'attendais une telle occasion pour tester un coin où selon les dires de certains il serait possible de capturer des homards, ma destination était toute trouvée. Direction donc la Manche avec la ferme intention de ramener au moins un de ces jolis crustacés à l'armure bleutée.

Loin d'être le seul sur place, l'étendue découverte par la marée basse suffit largement pour qu'aucun des pêcheurs à pied n'ait à empiéter sur le "territoire" de l'autre.
Tourteau (cancer pagurus) ou crabe dormeur. Difficile à dénicher, il est
par contre beaucoup moins vif que la plupart des autres crustacés et est
donc plus facile à attraper. Mais il faut se méfier, car il compense cette
faiblesse  par une grande force, en particulier dans ses pinces !
Beaucoup sont équipés d'un crochet, ce qui au moins confirme la présence sur place de gros crustacés. De mon côté, je me contente de soulever les gros cailloux (en prenant bien soin à chaque fois de les remettre en place, afin de protéger toutes les petites "bébettes" visibles ou non qui s'y abritent). Jusqu'à présent, cette technique me réussissait pour trouver au moins des tourteaux et ça s'est confirmé. Seul problème (pour moi, pas pour eux) : aucun n'avait une carapace dont la largeur atteignait la taille minimum légale de 14 cm.

Malgré tout, j'ai quand même eu l'occasion d'apercevoir deux véritables homards malheureusement trop vifs pour que je puisse en capturer un, d'autant que n'ayant pas l'habitude, j'ai hésité un peu trop à y mettre les mains. De toute façon, ils étaient visiblement trop petits, eux aussi.

Et puis à un moment, à 5 ou 6 mètres devant moi, des reflets bleutés au milieu des algues attirent mon regard... J'ai d'abord pensé à un homard, mais en me rapprochant, j'ai découvert un magnifique poisson.

Grondin perlon (chelidonichthys lucerna). Parmi les nombreuses dénominations régionales pour ce poisson, le nom de "galinette" est mon préféré, mais c'est plutôt en Méditerranées qu'il est appelé ainsi.

Pas farouche du tout, il s'est laissé prendre en photo sous tous les angles. Mais au bout d'un moment, il a du prendre peur et a fait pivoté ses nageoires pour exposer une face terne beaucoup moins voyante. Il s'est éloigné pour se poser au fond et à commencé à se déplacer plus furtivement en utilisant comme des pattes 3 paires d'arrêtes proéminentes à l'avant ses nageoires.

J'ai dû un peu chercher pour savoir ce que c'était, mais j'ai finalement trouvé sur DORIS (site très intéressant pour qui s'intéresse aux espèces marines).

Grondin perlon, version "pile" (avec la face colorée de ses nageoire pectorales tournées vers le haut). On voit nettement les 3 paires de "pattes" à l'avant de ses nageoires. Il s'agit en fait d'arrêtes désolidarisées que le poisson utilise comme des membres lorsqu'il est posé sur le fond.
Le même, version "face" (avec la face colorée de ses nageoire pectorales tournées vers le bas), après que je me sois un peu trop approché de lui. La continuité entre les "pattes" et les nageoires est ici plus évidente.

Mais ce n'est pas en prenant des photos que je vais remplir mon panier. Quelques crabes verts et étrilles, cette fois-ci aux dimensions plus qu'acceptables, ont finalement daigné se montrer, de quoi faire une succulente soupe : faute de grive, on mange des merles...

Soupe aux crabes

Ingrédients (pour environ 1,5 litres de soupe environ) :
Etrille (necora puber).
Sa carapace velue et les reflets bleus de ses pinces
permettent de l'identifier rapidement. Comme pour la
plupart des crabes, en l'attrapant par les deux côtés de
sa carapace, les doigts restent hors de portée de ses
pinces.

  • Un bon kilo de merles "petits" crabes (crabes verts et/ou étrilles) bien lavés.
    Note : Si vous avez beaucoup de crabes, utilisez les plus petites prises pour la soupe et conservez les plus grosses pour leur chair (recette à venir).
  • Une dizaine de graines de criste marine
  • Un oignons moyen
  • Une douzaine de petits oignons blancs frais avec leurs fanes
  • Une belle tomate
  • 10cl de vin blanc sec
  • 3 gousses d'ail
  • 1 cuillère à soupe de piment doux en poudre
  • 1 pincé de piment d'espelette
  • Un peu de thym
  • Un peu de sel
  • Huile d'olive

Préparation :
  • Faire chauffer un peu d'huile au fond d'une cocotte
  • Y faire légèrement blondir l'oignon émincé (sans le brûler)
  • Ajouter alors la tomate découpée en cubes, les graines de criste, l'ail, les piments et le thym
  • Ajouter ensuite le vin blanc et 1,5 litres d'eau
  • Y plonger rapidement les crabes lorsque l'ébullition est revenue
  • Laisser cuire à couvert pendant une heure
  • Passer ensuite le tout au mixeur (le type "blender" est le plus pratique, mais il faut éviter ceux avec un bol en plastique, moins solide)
  • Filtrer ensuite au chinois en pressant un maximum afin de prélever le plus de liquide possible
  • Saler uniquement après avoir goûté
  • Servir avec les petits oignons blancs dont les bulbes auront été dorés à la poêle et les fanes finement hachés crus

Ombelle de criste marine (crithmum maritimum),
également appelé fenouil marin ou perce-pierre, c'est un des trésors
aromatique de presque tous les littoraux européens.
Ah, j'oubliais de vous parler de la criste marine utilisée dans cette soupe... A vrai dire, je n'ai pas eu besoins d'aller la chercher bien loin : il y en a presque partout le long du littoral. Les premières graines ayant enfin fait leur apparition, c'était l'occasion pour moi de les utiliser fraîches, encore vertes. Mais il faut les doser avec modération dans vos préparations car elles sont très parfumées et pourraient facilement prendre le dessus sur le reste.

2 commentaires:

  1. Je préciserai que l'étrille est effectivement bien plus vive que le crabe tourteau. Son acuité visuelle me parait bien développée : elle se cabrera - les pinces en l'air- dès qu'elle vous aura repéré, et je ne saurai trop recommander de l'approcher par derrière, d'appuyer d'un doigt sur sa carapace, avant de la saisir, soit des 2 cotés de sa carapace, soit plutôt des 2 cotés de ses plus petites pattes.
    Pour moi, il s'agit d'une des chairs les plus fines du littoral.

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    1. Le tourteau est effectivement moins vif, il mérite tout à fait son nom de "dormeur" !
      Quant à la technique de capture, c'est effectivement celle que j'utilise. Le plus délicat étant lorsque le crabe est dans l'eau, surtout si c'est une étrille. Ces dernières nagent particulièrement bien avec leurs pattes antérieures plus aplaties, façon "rames"...

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