mercredi 18 décembre 2013

Fin d'automne sur la côte

En bordure des plages de sable, les argousiers sont encore couverts de fruits. Il suffit pourtant d'en cueillir un ou deux pour se rendre compte de leur état avancé : leur peau a maintenant pris une couleur délavée et s'est tellement affinée que les baies éclatent à la moindre pression, rendant impossible toute cueillette.
L'acidité des argouses (hippophae rhamnoides) ainsi que leur incroyable concentration
en vitamine C (deux conservateurs naturels) explique en grande partie le fait que
les baies présentent toujours aussi bien, visuellement au moins.

Dans les coins abrités, on trouve encore de belles feuilles : plantain lancéolé et bette maritime sont encore vigoureux, le froid les ayant encore épargnés.
La bette maritime (betta vulgaris sous-espèce maritima) est vraiment la plante sauvage
comestible du littoral. Ses grandes feuilles sont relativement épaisses et apportent
rapidement beaucoup de matière. Et puis surtout, elles sont délicieuses.

Plus loin, alors que le ciel se dégage, la marée descendante laisse apparaître quelques rochers.

Ca y est, j'ai envie de ramasser des coquillages ...
A croire que cette moule a voulu se confectionner une ombrelle en reliant ses
fils de byssus au chapeau vide d'une patelle...

Troques épaisses (monodonta lineata) en arrière-plan, bigorneaux (littorina littorea) en premier plan.
Bien que les premières soient moins appréciées, j'aime bien ramasser quelques gros spécimens (comme
sur la photo) parmi les bigorneaux. Pour les distinguer : la pointe du cône des bigorneaux est moins
écrasée et les bords de l'ouverture de la coquille des troques est nacrée alors que celle des bigorneaux
ne l'est pas.

Mais tout ce qui a une coquille n'est pas forcément bon (sans pour autant être toxique)

Pourpre (nucella lapillus). Prédateur des balanes (qu'on distingue sur la photo) et des
moules, sa coquille peut prendre un grand nombre de teintes, souvent claires et jamais
pourpres, contrairement à ce que le nom pourrait laisser entendre. Ce mollusque doit son
nom à une petite glande remplie d'une substance jaunâtre qui, une fois exposée à l'air
et à la lumière vire au vert, puis au violacé pour finalement devenir pourpre... CQFD.

Ce qui n'a pas de coquille non plus d'ailleurs, quoique... si vous cherchez bien dans les pages de ce blog, vous verrez que même nos très communes anémones sont comestibles (mais pas forcément de tous les goûts).

Anémone fraise (actinia fragacea) ayant déployé ses tentacules.

Anémone commune (actinia equina), ou tomate de mer, avec en prime le reflet du photographe !

Encore une anémone fraise (actinia fragacea). On distingue mieux ici les taches
auxquelles cette anémone doit son nom.

N'oublions pas quelques algues pour compléter la cueillette...

Laitue de mer (ulva lactuca). Avec l'arrivée de l'hiver, elle commence à partir en lambeaux mais
on peut encore trouver de belles feuilles (ou plutôt de beaux thalles, puisque c'est le nom).
Séchées et réduites en paillettes, elles font un surprenant condiment, très iodé.

Avant de rentrer rapidement car la pluie approche vite, très vite...


... et de passer en cuisine.



Roulés de bette maritime et
laitue de mer au hareng fumé

Ingrédients :

  • De grandes feuilles de bette maritime, sans leur pétiole
  • Pommes de terres cuites à la vapeur
  • Filets de hareng fumé
  • Laitue de mer séchée réduite en paillettes
  • Fromage frais
  • Le vert d'un poireau
  • Huile d'olive
Préparation :
  • Blanchir les feuilles de bette (ébouillantées deux minutes dans de l'eau salée puis plongées dans de l'eau glacée)
  • Les égoutter, bien les presser pour en évacuer l'eau et réserver
  • Tailler le vert du poireau en brunoise
  • Le faire suer à la poêle dans un peu d'huile d'olive
  • Écraser grossièrement les pommes de terre
  • En mélanger une moitié avec les paillettes de laitue de mer et le poireau
  • Mélanger l'autre moitié avec le fromage frais
  • Saler légèrement chacun des deux mélanges en gardant à l'esprit que le hareng apportera lui aussi son lot de sel
  • Étaler une première couche de feuilles de bette sur une natte à maki
  • Couvrir les deux tiers de la surface avec une couche de pommes de terre aux algues et au poireau
  • Étaler une seconde couche de feuilles de bette
  • Couvrir avec une couche de pommes de terre au fromage frais
  • Placer un ou deux filets au centre, dans le sens de la longueur
  • Rouler délicatement
  • Découper en tranches d'environ 1,5cm d'épaisseur avec un couteau bien aiguisé
  • Accompagner d'un filet d'huile d'olive bien fruitée
Roulés de bette maritime et laitue de mer au hareng fumé

Et comme on a l'habitude de dire : Après la pluie, le beau temps.
Bon, pas tout à fait, mais presque...


Et les coquillages ? Tu en as fait quoi ? me demanderez-vous... et bien je vous répondrai que je les ai mangés. Simplement et rapidement cuits dans un fond d'eau avec un peu d'ail et deux branches de thym... et c'était très bon !

11 commentaires:

  1. On peut rencontrer des argousiers en Bretagne et Normandie ? Ces roulés ont l'air très bon !
    John.

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    1. La photo a été prise sur la côte Normande (Calvados) il y a quelques jours. Par ailleurs, je sais qu'il y en a aussi en Bretagne. Sur la côte, ce sont des buissons qui aiment bien les dunes de sable.

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  2. Magnifique ces roulés on dirait des sushis, bretons !
    Votre blog est superbe et vous avez plein d'idées pour l'animer, ça m'inspire pour le mien qui est beaucoup plus modeste.
    Comme prendre des photos en pêchant ça peut se faire surtout que le mer n'est pas très loin.
    Bonne année sauvage
    Isabelle

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  3. extraordinaire votre blog, j'ai un restaurant et je cuisine les herbes, j'admire le travail que vous avez donné...incroyable, merci beaucoup pour l'inspiration, je ne peux faire que des présentations parcimonieuses aux moments calmes de l'année , car comme vous le dites si bien la récolte est longue et le travail en restauration nous empêche de pouvoir régulièrement récolter dans les champs, aussi je me tourne souvent vers des préparations en bocaux comme les coquelicots...cela me laisse le temps de rassembler plusieurs herbes sauvages sans être trop dans l'urgence Merci mille fois pour vos présentations c'est un véritable voyage pour moi de passer de recettes en recettes
    amitiés

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    1. Merci à vous pour ce message !
      Comment s'appelle votre restaurant (un peu de pub ne fait pas de mal de temps en temps) ?

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  4. Bonjour du Québec!
    Je demeure dans une petite ville du Bas-Saint-Laurent, Rimouski, qui est en bordure de l'estuaire du fleuve Saint-Laurent, une terre giboyeuse et généreuse.
    Je découvre votre blog. Superbe! Plein de renseignements et de recettes qui me seront très utiles. Nos hivers sont bien longs mais de mai à octobre, on trouve bien des espèces de champignons communs à nos 2 continents. Je trouve beaucoup de morilles, gyromitres, verpes, girolles, lépiotes, marasmes et tutti quanti... Je vais m'instruire à votre contact.
    Merci!
    Claude

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    1. Bonjour Claude.
      C'est vrai qu'on retrouve beaucoup d'espèces communes (ou proches) et pas qu'en champignons !
      Une remarque au passage : Ici, bien qu'auparavant vendus sur certains marchés, les gyromitres sont désormais considérés comme toxiques et interdits à la vente.

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  5. Au Québec aussi, la vente de gyromitre est interdite. Mais j'en mange depuis 35 ans, alors... je me méfie davantage des OGM. Je les fais sècher et j'en cueille 25 kilos par année.

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    1. 25 kg ! Waouh !
      Sans qu'ils soient formellement interdits à la vente, il y a d'autres champignons comme ça qui sont toujours consommés, bien que désormais considérés comme toxiques (armillaires, helvelle crépue, clitocybe nébuleux, etc.). Le plus amusant, c'est qu'on continue d'en trouver certains dans les mélanges "forestiers" (en particulier les armillaires) en vente un peu partout !

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  6. Un dernier point: je suis venu à votre blog en voyant votre livre. J'aimerais bien l'obtenir mais je crois bien qu'il n'est pas distribué au Québec. Je ne fonctionne pas avec les cartes de crédit. Si je vous envoyais la somme en euros y compris les frais postaux, vous serait-il possible de m'en expédier un exemplaire?

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    1. Il doit juste me rester 3 ou 4 exemplaires. C'est donc encore faisable. Envoyez moi votre e-mail (à "sauvagement[point]bon[arobase]gmail[point]com") et je vous communiquerai mes coordonnées postales.

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