La vallée du Rhône, au dessus de Valence. Devant, les chênes pubescents (quercus pubescens) prennent leurs couleurs automnales, plus loin et plus bas, derrière les pins, le vert uniforme des collines trahit la présence des chênes verts (quercus ilex). |
Alors que presque partout, le vert disparaît au profit de couleurs plus chaudes (tout au moins pour le moment), on trouve pourtant quelques exceptions. Le chêne vert est l'une d'entre-elles.
Plutôt habitué aux climats méridionaux, ce chêne est assez fréquent sur le pourtour méditerranéen où il fait même partie des espèces végétales dominantes. Il se raréfie lorsqu'on remonte au nord, mais on trouve quelques exceptions sur le littoral, aux climat naturellement plus doux, comme par exemple sur les côtes bretonnes où il n'est pas rare d'en trouver le long des sentiers côtiers.
A l'heure actuelle, à l'intérieur des terres, c'est probablement en Drôme et en Ardèche que l'espèce remonte le plus haut, le long de la vallée du Rhône... et c'est justement dans cette région que je me trouvais.
Alors que les dernières châtaignes, déjà tombées depuis quelques semaines, ont entamé leur lente décomposition, les chênes offrent une alternative insoupçonnée avec leurs fruits. Mais tous ne se valent pas, la faute aux tanins qu'ils contiennent. Ceux-ci, astringents, amers et âcres (aucune mention inutile à rayer malheureusement), rendent en effet la plupart des glands totalement immangeables.
En cherchant un peu, on trouve de nombreuses techniques pour éliminer cette encombrante substance. En les analysant de plus près, on se rend rapidement compte que le processus d'élimination est plutôt lourd.
Les tanins étant hydrosolubles, toutes ces techniques tournent autour de l'eau. À moins de vivre à proximité d'une rivière dont l'eau serait exempte de pollution et dans laquelle les glands devraient être plongés plusieurs jours, il faudrait compter sur une grosse dépense d'énergie.Heureusement, le chêne vert est là pour fournir une alternative. Ses glands ont en effet une concentration de tanins beaucoup plus faible et ils sont même presque absents chez certaines sous-espèces plus thermophiles qu'il est malheureusement impossible de trouver ici. Mais moyennant quelques petits efforts, le chêne vert de nos contrées est lui-aussi capable de fournir des amandes presque dénuées d'amertume. En plus, elles sont légèrement sucrées !
Une fois prêtes, celles-ci sont utilisables comme des châtaignes.
La recette ci-dessous, inspirée de mon récent séjour à Besançon, permet en plus de redonner de l'attrait à quelques champignons généralement peu appréciés. De mon côté, j'ai utilisé des « gris de sapin » (clitocybe nebularis), des lactaires couleur saumon (lactarius salmonicolor) et quelques laccaires qui passaient par là, tous frais. La recette franc-comtoise originale utilise plutôt des clitocybes nébuleux séchés.
Galettes de chêne vert façon croûte franc-comtoise
Ingrédients (entrée pour 4) :
- 250g à 300g de glands de chêne vert entiers commençant tout juste à brunir
- 300g de clytocibes nébuleux et de lactaires couleur saumon
- 1 oignon
- 10cl de crème fraîche
- 100g + 1 cuillère à soupe bombée de farine
- 1 bon verre de vin blanc sec
- 1 gousse d'ail hachée
- 3 cuillères à soupe d'huile de tournesol
- Sel et poivre
Préparation des glands :
- La veille, fendre l'écorce des glands sur leur longueur, des deux côtés
- Les plonger 5 minutes dans de l'eau bouillante, avant de les plonger dans de l'eau froide
- Ne pas les laisser sécher et les peler immédiatement (deux peaux à enlever : une écorce plutôt dure et une fine pellicule à ne pas oublier)
- Les replonger dans de l'eau froide et oublier jusqu'au lendemain
- Une fois égouttés, ils sont prêts à être utilisés (croquer une ou deux amandes pour vérifier que l'amertume a presque totalement disparu)
Préparation des galettes :
- Passer les glands au hachoir de manière à obtenir une poudre pas trop fine (garder quelques morceaux) pour obtenir 200g
- Les mélanger à 100g de farine, une pincée de sel et un verre d'eau
- Incorporer ensuite une cuillère à soupe d'huile à l'appareil
- Chauffer une grande poêle antiadhésive et y former de petites et fines galettes (4 par 4)
- Bien les cuire/dorer sur les deux cotés
Préparation du reste de la recette :
- Bien nettoyer les champignons (étant donné leur mode de cuisson, ils peuvent être passés à l'eau)
- Les cuire 10 minutes dans de l'eau bouillante salée, égoutter et réserver
- Chauffer deux cuillères à soupe d'huile au fond d'une casserole
- Y faire revenir l'oignon finement haché
- Ajouter ensuite les champignons le temps de les ramener à température
- Saupoudrer avec la farine en remuant bien, pour éviter la formation de grumeaux
- Ajouter enfin l'ail, le vin blanc et la crème
- Remuer, couvrir et laisser mijoter à feu doux pendant quelques minutes
- Découvrir et laisser réduire jusqu'à ce que la sauce soit bien onctueuse
- Dresser en plaçant dans chaque assiette quelques galettes réchauffées à la poêle, puis en les couvrant des champignons et de leur sauce
ATTENTION :
La consommation excessive de tanins peu provoquer des troubles digestifs et des maux de tête, il est donc important d'en éliminer un maximum (à noter que d'autres aliments, comme le thé vert ou les vins, en contiennent aussi).
D'un point de vue plus esthétique, il vaut mieux éviter les ustensiles en acier/fonte où le métal est à nu, les tanins font en effet mauvais ménage avec le fer. Ils en précipitent les sels en une sorte d'encre noire, très noire.
Je suis émerveillée,je viens de découvrir que l'homme aussi peut déguster le fruit du chêne.
RépondreSupprimerEn "chouchou", enrobés de sucre, c'est bon aussi ;-)
RépondreSupprimer(recette expérimentée lors de la dernière visite de Nicolas à B'zak)
Roooh, fallait pas encore le dire, c'était la surprise pour mon prochain billet !
SupprimerBon, je le publierai quand même...
trop bons tes chouchous Vincent!
SupprimerTes photos de Santiago sont étonnantes ( je ne connais pas cet endroit)
RépondreSupprimerLes couleurs arrivent lentement dans le Royans cette année, plus lentement que vers Romans ou Valence, c'est curieux mais...non....l'humidité de cet automne sans doute ?
Mais qu'est ce qui ne se mange pas chez Nicolas ? euh...je veux dire dans sa cuisine ?? huuh !
Pour les couleurs, j'ai triché car le week-end dernier, l'éclairage et la visibilité n'étaient vraiment pas terribles. Ma photo de la vallée du Rhône (prise depuis les environs de Saint Romain De Lerps, côté Ardèche) est donc de l'année dernière, à peu près à la même époque...
SupprimerIl y a quelques jours, la plupart des chênes pubescents coté Ardèche commençaient timidement à brunir, alors que côté Drôme, vers Die, ils étaient nettement plus avancés, mais moins que d'autres espèces. Les érables champêtres ont déjà viré à l'orangé et les peupliers sont maintenant bien jaunes.
Bonsoir : je ne savais pas non plus que l'on pouvait manger des glands : je testerai dès que possible :)
RépondreSupprimerCa tombe bien, c'est la saison. De mon côté, j'ai fait sécher le reste des glands récoltés (chêne vert toujours) et je les ai réduits en farine à l'aide d'un moulin à café. J'hésite encore sur la manière de l'utiliser car je n'en ai pas beaucoup !
SupprimerBonjour. A défaut de rivière propre, une autre astuce pour retirer les tanins des glands serait de les placer quelques jours dans un sac en tissu léger... dans la chasse d'eau des WC :-)
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